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10/02/2023 | FRANCE | N°468238

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 10 février 2023, 468238


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1902422 du 12 octobre 2022, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 25 février 2019 au greffe de ce tribunal, présentée par M. H... G..., la société Ecurie Jarlan, M. B... C... et M. F... E....

Par cette requête, et par deux mémoires complémentaires enregistrés au greffe de ce tribunal les 29 janvier et 29 décembre 2020, M. G..., M. C..., M. E... et la SCP Amauger-Texier, agissant en qualit

de mandataire liquidateur de la société Ecurie Jarlan, demandent au Conse...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1902422 du 12 octobre 2022, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 25 février 2019 au greffe de ce tribunal, présentée par M. H... G..., la société Ecurie Jarlan, M. B... C... et M. F... E....

Par cette requête, et par deux mémoires complémentaires enregistrés au greffe de ce tribunal les 29 janvier et 29 décembre 2020, M. G..., M. C..., M. E... et la SCP Amauger-Texier, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Ecurie Jarlan, demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions des conditions générales arrêtées par l'association France Galop s'appliquant aux courses plates et aux courses à obstacles pour l'année 2019 en ce qu'elles suppriment la prime aux éleveurs des chevaux de six ans et au-dessus en plat et des chevaux de dix ans et au-dessus en obstacle sauf pour certaines courses ;

2°) de mettre à la charge de l'association France Galop une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;

- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;

- le décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maitre des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, modifiée en dernier lieu par la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne : " Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture./ Ces sociétés participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural. / Dans chacune des deux spécialités, course au galop et course au trot, une de ces sociétés de courses de chevaux est agréée comme société-mère. Chaque société-mère exerce sa responsabilité sur l'ensemble de la filière dépendant de la spécialité dont elle a la charge. Elle (...) attribue des primes à l'élevage. / Les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret ".

2. Aux termes du II de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel : " Les sociétés mères : (...) Etablissent les conditions d'attribution et les taux des primes aux éleveurs de chevaux de courses et assurent le versement de ces primes aux bénéficiaires ". Selon l'article 1er du décret du 2 novembre 2010 relatif aux obligations de service public incombant aux sociétés de courses de chevaux et aux modalités d'intervention des sociétés mères : " Les sociétés mères de courses de chevaux sont chargées des missions de service public mentionnées dans le cahier des charges annexé au présent décret. " Le premier alinéa du point 3 du cahier des charges prévoit que les sociétés mères " établissent les conditions d'attribution et de répartition des subventions pour prix de courses prévues dans leurs budgets et assurent le versement des allocations et primes de courses aux propriétaires, éleveurs et, lorsque le code des courses de leur spécialité le prévoit, aux jockeys et aux entraîneurs de chevaux placés dans les courses aux fins de soutien au secteur de l'élevage ".

3. En application de ces dispositions, l'association France Galop, société de courses agréée en qualité de société mère des courses au galop, a publié, pour l'année 2019, des " conditions générales s'appliquant aux courses plates et aux courses à obstacles " définissant notamment les conditions d'attribution et de répartition des primes aux éleveurs de chevaux placés lors des courses plates et d'obstacles. M. G... et autres demandent l'annulation des dispositions de ces conditions générales pour l'année 2019 qui limitent les modalités d'attribution de la prime accordée aux éleveurs au bénéfice de ceux ayant placé des chevaux de moins de six ans pour les courses plates et des chevaux de moins de dix ans pour les courses à obstacles et énumèrent les courses pour lesquelles ce critère d'âge ne s'applique pas.

Sur l'intervention :

4. M. D... justifie d'un intérêt à l'annulation des dispositions attaquées par les requérants. Par suite, son intervention en demande est recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Les conditions générales mentionnées au point 3 disposent, s'agissant de la prime accordée aux éleveurs pour les courses plates : " La prime n'est pas attribuée aux chevaux de 6 ans et au-dessus, sauf dans les courses de Groupe et Groupe-PA où elle est attribuée quel que soit l'âge ". En ce qui concerne les courses d'obstacles, elles prévoient que : " La prime n'est pas attribuée aux chevaux de 10 ans et au-dessus, sauf dans les courses de Groupe et les 3 CrossCountry suivants : Prix Gaston Bataille à Pau ; Prix Anjou-Loire Challenge au Lion d'Angers ; Prix Louis de Guebriant à Craon où elle est attribuée quel que soit l'âge ".

6. Il résulte des dispositions énoncées aux points 1 et 2 que l'association France Galop est, en qualité de société mère des courses au galop, chargée d'une mission de service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage et qu'elle est, à ce titre, compétente pour verser, dans un but de soutien au secteur de l'élevage, des primes aux éleveurs de chevaux placés, selon des modalités qu'elle définit dans les conditions prévues à l'article 12 du décret du 5 mai 1997. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'association serait tenue de verser des primes à tous les éleveurs de chevaux placés ne peut qu'être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'instauration par les dispositions contestées d'un critère portant sur l'âge du cheval pour l'attribution de la prime aux éleveurs tient compte de l'évolution des performances des chevaux en fonction de leur âge, la sélection aux fins de reproduction intervenant le plus souvent avant six ans pour les courses plates et avant dix ans pour les courses d'obstacles. Il s'ensuit que la différence de traitement instituée par les dispositions contestées en fonction de l'âge du cheval est fondée sur un critère objectif en rapport direct avec les missions de service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage confiées à l'association France Galop. Dès lors, elle ne méconnaît pas le principe d'égalité. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'attribution des mêmes primes sans condition d'âge pour les chevaux participant à certaines courses, alors même que celles-ci seraient plus compétitives, reposerait sur une différence de situation objective en rapport avec l'objet de la mesure ou qu'elle serait justifiée par des raisons d'intérêt général.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions attaquées qu'en tant qu'elles comportent les mots, s'agissant des courses plates : " sauf dans les courses de Groupe et Groupe-PA où elle est attribuée quel que soit l'âge ", et, s'agissant des courses d'obstacles : " sauf dans les courses de Groupe et les 3 CrossCountry suivants : Prix Gaston Bataille à Pau ; Prix Anjou-Loire Challenge au Lion d'Angers ; Prix Louis de Guebriant à Craon où elle est attribuée quel que soit l'âge ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association France Galop la somme de 3 000 euros à verser à M. G... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. G... et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. D... est admise.

Article 2 : Les conditions générales s'appliquant aux courses plates et aux courses à obstacle adoptées pour l'année 2019 par l'association France Galop sont annulées en tant qu'elles comportent les mots, s'agissant de la prime versée aux éleveurs de chevaux placés lors des courses plates : " les courses de Groupe et Groupe-PA ", et, s'agissant de celle versée lors des courses d'obstacles : " les courses de Groupe et les 3 CrossCountry suivants : Prix Gaston Bataille à Pau ; Prix Anjou-Loire Challenge au Lion d'Angers ; Prix Louis de Guebriant à Craon ".

Article 3 : L'association France Galop versera à M. G..., M. C..., M. E..., la SCP Amauger-Texier, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Ecurie Jarlan, et M. D... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association France Galop au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. H... G..., premier requérant dénommé, à M. A... D... et à l'association France Galop.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468238
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - ORGANISME PRIVÉ GÉRANT UN SERVICE PUBLIC - SOCIÉTÉS-MÈRES DE COURSES DE CHEVAUX – EXERCICE DE PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE – INCLUSION – DÉFINITION DES CONDITIONS D’ATTRIBUTION ET DE RÉPARTITION DES PRIMES AUX ÉLEVEURS DE CHEVAUX PLACÉS LORS DES COURSES PLATES ET D’OBSTACLES – CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

17-03-02-07-04 Il résulte de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, que les sociétés-mères de courses de chevaux sont investies de missions de service public. Dès lors, la juridiction administrative est compétente pour connaître des actes procédant de l'exercice des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de ces missions. ...Constitue un tel acte, la définition, en application du décret n° 2010-476 du 2 novembre 2010 et du cahier des charges qui lui est annexé, des conditions d’attribution et de répartition des primes aux éleveurs de chevaux placés lors des courses plates et d’obstacles.

SPORTS ET JEUX - COURSES DE CHEVAUX - SOCIÉTÉS-MÈRES DE COURSES DE CHEVAUX – EXERCICE DE PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE – INCLUSION – DÉFINITION DES CONDITIONS D’ATTRIBUTION ET DE RÉPARTITION DES PRIMES AUX ÉLEVEURS DE CHEVAUX PLACÉS LORS DES COURSES PLATES ET D’OBSTACLES – CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

63-045 Il résulte de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, que les sociétés-mères de courses de chevaux sont investies de missions de service public. Dès lors, la juridiction administrative est compétente pour connaître des actes procédant de l'exercice des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de ces missions. ...Constitue un tel acte, la définition, en application du décret n° 2010-476 du 2 novembre 2010 et du cahier des charges qui lui est annexé, des conditions d’attribution et de répartition des primes aux éleveurs de chevaux placés lors des courses plates et d’obstacles.


Références :

[RJ1]

Cf., sur la compétence du juge administratif pour connaître des recours formés contre les actes des sociétés-mères de chevaux procédant de l'exercice des prérogatives de puissance publique, CE, 12 octobre 2018, M. Boutin et société d'entraînement Mathieu Boutin, n° 410998, T. pp. 506-611-929.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2023, n° 468238
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468238.20230210
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