La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2023 | FRANCE | N°462409

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 09 février 2023, 462409


Vu la procédure suivante :

La société Eurotrade Fish et la société civile immobilière (SCI) Agcy Immo ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'arrêté du 28 octobre 2021 du maire de Marseille portant rejet de la demande de changement d'usage d'un bien immobilier présentée par la société Eurotrade Fish et d'enjoindre à la ville de Marseille de délivrer à cette société une autorisation de changement d'usage provisoire, au besoin sous astreinte. Par un

e ordonnance n° 2200922 du 1er mars 2022, le juge des référés a rejeté leu...

Vu la procédure suivante :

La société Eurotrade Fish et la société civile immobilière (SCI) Agcy Immo ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'arrêté du 28 octobre 2021 du maire de Marseille portant rejet de la demande de changement d'usage d'un bien immobilier présentée par la société Eurotrade Fish et d'enjoindre à la ville de Marseille de délivrer à cette société une autorisation de changement d'usage provisoire, au besoin sous astreinte. Par une ordonnance n° 2200922 du 1er mars 2022, le juge des référés a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eurotrade Fish et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations du public avec l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole a été ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Eurotrade Fish et de la SCI Agcy Immo, et à Me Haas, avocat de la ville de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'afin de transformer en bureaux des locaux d'habitation dont elle est propriétaire, la SCI Agcy Immo a présenté à la ville de Marseille sur le fondement de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme une déclaration préalable de changement de destination qui a fait naître tacitement, le 21 juin 2021, une décision de non opposition à déclaration préalable. La SCI Agcy Immo ayant loué ces locaux à la société Eurotrade Fish par un bail commercial du 1er juillet 2021, la ville de Marseille a délivré le 8 juillet 2021 à cette seconde société une attestation de changement de destination, accompagnée d'une mention selon laquelle il lui appartenait, pour utiliser ces locaux comme bureaux, de demander en outre une autorisation de changement d'usage, sur le fondement de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. La demande d'autorisation de changement d'usage, présentée par la société Eurotrade Fish, a été rejetée par un arrêté du maire de Marseille du 28 octobre 2021 contre lequel cette société et la SCI Agcy Immo ont formé, devant le tribunal administratif de Marseille, un recours pour excès de pouvoir et une demande de référé suspension. Ces sociétés se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 1er mars 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire (...) les changements de destination des constructions existantes suivants : (...) / b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27 (...) ". Aux termes de l'article R. 151-27 : " Les destinations de constructions sont : / (...) / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / (...) / 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ". Aux termes de l'article R. 151-28 : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / (...) / 2° Pour la destination " habitation " : logement, (...) ; / (...) / 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : (...), bureau, (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation : " La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants (...). Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. / Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 631-7-1 du même code : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d'arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage ". Enfin, aux termes de l'article L. 631-8 de ce code : " Lorsque le changement d'usage fait l'objet de travaux entrant dans le champ d'application du permis de construire, la demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d'usage. / Ces travaux ne peuvent être exécutés qu'après l'obtention de l'autorisation mentionnée à l'article L. 631-7 ".

4. L'autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation vise à assurer le maintien, dans certaines communes, d'un nombre suffisant de logements, tandis que le permis de construire délivré sur le fondement de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme ou la non-opposition à déclaration préalable prononcée sur le fondement de l'article R. 421-17 du même code visent à contrôler le respect des règles d'urbanisme, lesquelles peuvent dépendre de la destination de la construction. Ces règles qui relèvent de législations indépendantes ont un objet et reposent sur l'appréciation de critères qui sont, au moins pour partie, différents. Si les dispositions de l'article L. 631-8 du code de la construction et de l'habitation prévoient néanmoins que, dans les cas qu'elles prévoient, la demande faite au titre du permis de construire ou de la déclaration préalable de travaux vaut demande de changement d'usage, lorsque le permis de construire est délivré ou que le maire ne s'oppose pas à la déclaration de travaux, ces autorisations, lorsqu'elles valent changement de destination, ne lient pas l'autorité administrative chargée de se prononcer de manière distincte sur la demande d'autorisation de changement d'usage pour les mêmes locaux.

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en ne regardant pas le changement de destination du local en cause résultant de la non opposition à déclaration de travaux comme rendant inutile la délivrance d'une autorisation de changement d'usage de ce même local, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, en limitant aux changements d'usage qui font l'objet de travaux entrant dans le champ d'application du permis de construire la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 631-8 du code de la construction et de l'habitation, il n'a pas davantage commis d'erreur de droit.

7. En dernier lieu, il ressort du dossier de la procédure devant le juge des référés que les sociétés requérantes n'ont pas soulevé de moyen tiré de l'illégalité du retrait résultant de la décision contenue dans l'attestation du 8 juillet 2021 pour n'avoir pas mis en œuvre la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations du public avec l'administration. Par suite, en s'abstenant de viser un tel moyen et d'y répondre, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas entaché son ordonnance d'irrégularité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Eurotrade Fish et autre doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme demandée par la ville de Marseille au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Eurotrade Fish et autre est rejeté.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Eurotrade Fish, à la SCI Agcy Immo et à la ville de Marseille.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 9 février 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462409
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2023, n° 462409
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462409.20230209
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award