Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2102856 du 12 novembre 2021, enregistrée le 19 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. C... D....
Par cette demande, enregistrée le 3 novembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Dijon, et par un mémoire en réplique, enregistré le 30 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 9 juillet 2021 rejetant comme irrecevable sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, ainsi que la décision du 31 août 2021 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, à titre principal, de prendre une décision de recevabilité de sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire et de transmettre une proposition de nomination au Conseil supérieur de la magistrature dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa candidature et de prendre une nouvelle décision dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions (...)/ Elles doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l'article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de cinq années au moins d'exercice professionnel ". Aux termes de l'article 22 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : / 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ". Aux termes de l'article 16 de cette ordonnance : " Les candidats à l'auditorat doivent : /1° Etre titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ".
2. Par une décision du 9 juillet 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé la candidature de M. D... aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire en application de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, au motif qu'il n'était pas titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre ans d'études après le baccalauréat et qu'il ne remplissait pas les conditions requises en termes d'expérience professionnelle. M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ainsi que de la décision du 31 août 2021 rejetant son recours gracieux.
3. En premier lieu, par une décision du 5 juillet 2021 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel du 7 juillet 2021, Mme B... A..., adjointe à la cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, dans la limite des attributions du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés, à l'exclusion des décrets, tous actes, arrêtés et décisions relevant de la sous-direction des ressources humaines de la magistrature de la direction des services judiciaires. Il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait.
4. En second lieu, il résulte des dispositions rappelées au point 1 que le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire est subordonné à la condition que, outre les diplômes requis, les intéressés justifient de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, ce qui implique nécessairement qu'une partie substantielle de cette expérience relève du domaine juridique. En estimant, par un motif qui suffisait à justifier sa décision, que les activités de conseiller prud'homme dont se prévaut M. D... ne permettaient pas, à elles seules, de regarder cette condition comme remplie, le ministre de la justice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 janvier 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 3 février 2023.
La présidente :
Signé : Mme Suzanne von Coester
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas