Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 29 avril 2022 prononçant sa perte de nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes en service extraordinaire ;
- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... s'est vu retirer la nationalité française par un décret du 29 avril 2022 pris sur le fondement de l'article 23-8 du code civil et dont il demande l'annulation pour excès de pouvoir.
2. L'article 23-8 du code civil dispose que : " Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n'a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l'injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement. L'intéressé sera, par décret en Conseil d'Etat, déclaré avoir perdu la nationalité française si, dans le délai fixé par l'injonction, délai qui ne peut être inférieur à quinze jours et supérieur à deux mois, il n'a pas mis fin à son activité ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 27-3 du code civil, " Les décrets qui portent perte pour l'une des causes prévues aux articles 23-7 et 23-8 ou déchéance de la nationalité française sont pris, l'intéressé entendu ou appelé à produire ses observations ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a invité M. A... à produire ses observations par un pli recommandé dont l'avis de réception a été signé le 12 novembre 2021. M. A... n'établit pas que ce pli aurait été retiré par une tierce personne qui n'avait pas qualité pour recevoir les courriers recommandés qui lui étaient destinés. Par suite, la lettre doit être considérée comme lui ayant été régulièrement notifiée et le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute pour l'intéressé d'avoir pu présenter ses observations en défense ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'attestent notamment un certificat de situation administrative délivré le 30 juillet 2020 par le directeur général des ressources humaines du ministère de la défense nationale de la République du Congo ainsi qu'un compte-rendu daté du 30 novembre 2021 adressé au commandant de l'école militaire interarmes de Saint-Cyr, où il effectuait un stage en tant qu'élève officier étranger, que M. A... sert effectivement dans l'armée congolaise. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que M. A... n'occuperait pas un emploi dans l'armée de la République du Congo manque en fait.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'injonction de résigner son emploi a été notifiée à M. A... le 3 juin 2021. S'il soutient qu'ayant intégré l'école militaire de Coëtquidan en 2020 dans le cadre d'une coopération entre la République du Congo et la France, sa qualité d'élève officier international lui faisait interdiction de répondre positivement à l'injonction de renoncer à son emploi, il ne saurait à cet effet utilement invoquer le bénéfice d'une instruction ministérielle du 22 novembre 2017 qui se borne en tout état de cause à préciser le statut des étrangers accueillis dans des organismes de formation relevant du ministère des armées.
6. Il ressort également des pièces du dossier que M. A..., s'il est entré en France en 2004, n'a acquis la nationalité française qu'en octobre 2019. Par suite le décret attaqué n'a en tout état de cause, eu égard aux motifs qui le fondent, pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre ce décret est par lui-même dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de l'intéressé comme sur ses liens avec les membres de sa famille.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque. Ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2: La présente décision sera notifiée à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.