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25/01/2023 | FRANCE | N°463812

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 25 janvier 2023, 463812


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mai 2022 et 3 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, l'association regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association contre les nuisances de l'aéroport de Tillé demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2022 modifiant l'arrêté du 25 avril 2002 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Beauvai

s - Tillé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mai 2022 et 3 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, l'association regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association contre les nuisances de l'aéroport de Tillé demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2022 modifiant l'arrêté du 25 avril 2002 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Beauvais - Tillé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelievre, avocat du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2023, présentée par l'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, l'association regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association contre les nuisances de l'aéroport de Tillé.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 avril 2002, le ministre chargé de l'aviation civile a instauré des restrictions d'exploitation de l'aérodrome de Beauvais-Tillé interdisant notamment à tout aéronef d'atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures. Modifiant ces dispositions, un arrêté du 8 mars 2022 a prévu que le ministre chargé de l'aviation civile peut autoriser des dérogations à cette interdiction dans les conditions qu'il fixe. L'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, l'association regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association contre les nuisances de l'aéroport de Tillé demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 571-13 du code de l'environnement : " I.- L'autorité administrative peut créer, pour tout aérodrome visé à l'article L. 112-5 du code de l'urbanisme, une commission consultative de l'environnement. Cette création est de droit lorsque la demande en est faite par une commune dont une partie du territoire est couverte par le plan d'exposition au bruit de l'aérodrome. La création est de droit, également, pour les aérodromes relevant de l'un des groupes mentionnés à l'article L. 6360-1 du code des transports. / II.- La commission est consultée sur toute question d'importance relative à l'aménagement ou à l'exploitation de l'aérodrome qui pourrait avoir une incidence sur l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article R. 571-78 du même code : " La commission peut créer en son sein un comité permanent pour exercer tout ou partie des compétences prévues au II de l'article L. 571-13. La création de ce comité permanent est de droit pour les commissions consultatives de l'environnement des aérodromes mentionnés au I de l'article 1609 quatervicies A du code général des impôts. / Le comité permanent est présidé par le préfet ou son représentant et composé de membres de chacune des trois catégories définies à l'article R. 571 - 3 du présent code, dans les mêmes proportions. / Ce comité instruit les questions à soumettre à la commission consultative de l'environnement et délibère sur les affaires qui lui sont soumises par le président de la commission, notamment en raison de leur urgence. (...) ".

3. Les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir que la consultation de la commission consultative de l'environnement de l'aérodrome de Beauvais-Tillé, qui a eu lieu le 1er octobre 2021, serait irrégulière faute pour son comité permanent d'avoir préalablement instruit les questions sur lesquelles la commission devait se prononcer.

4. En deuxième lieu, aux termes du e) de l'article 2 de la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) e) "restriction d'exploitation", une mesure liée au bruit qui limite ou réduit l'accès des avions à réaction subsoniques civils à un aéroport; il peut s'agir de restrictions d'exploitation visant à interdire l'exploitation d'aéronefs présentant une faible marge de conformité dans des aéroports déterminés, ou de restrictions d'exploitation partielles, qui limitent l'exploitation des avions à réaction subsoniques civils selon la période de temps considérée ; (...) ". L'article R. 227-8 du code de l'aviation civile dispose que : " (...) des restrictions d'exploitation au sens du e de l'article 2 de la directive 2002/30/ CE du 26 mars 2002 peuvent être imposées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile sur les aérodromes visés au I de l'article 1609 quatervicies A du code général des impôts. Ces restrictions sont établies aérodrome par aérodrome en prenant en compte les caractéristiques propres de l'aérodrome considéré et les effets prévisibles de la réduction à la source du bruit généré par les aéronefs, des mesures d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de construction et des procédures de navigation aérienne et de conduite de vol visant à limiter le bruit pour les riverains, ainsi que des coûts et avantages que sont susceptibles d'entraîner, outre les restrictions envisagées, ces différentes mesures. ". L'article R. 227-9 du même code dispose que : " L'évaluation des caractéristiques d'un aérodrome et des différentes mesures dont il est susceptible de faire l'objet comporte les informations prévues par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile portant notamment sur la situation de l'aérodrome, les effets sur l'environnement du transport aérien en l'absence de mesures visant à en limiter les nuisances sonores et la comparaison des mesures envisagées au regard de leurs conséquences économiques et de leur efficacité environnementale. L'évaluation et les projets de mesures qui en tirent les conséquences sont mis à la disposition de toute personne intéressée dans les services de la direction générale de l'aviation civile. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'évaluation des caractéristiques et informations portant sur un aérodrome et leur mise à disposition ne sont requises que préalablement à l'édiction d'un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile imposant des restrictions d'exploitation à un aérodrome c'est-à-dire visant à limiter ou à réduire l'accès d'aéronefs à cet aérodrome. Par suite, alors que l'arrêté litigieux a au contraire pour objet d'autoriser un plus grand nombre d'atterrissages sur l'aérodrome de Beauvais-Tillé, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

5. En dernier lieu, aux termes du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, les autorités s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du " principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ".

6. Le I de l'article 1er de l'arrêté du 25 avril 2002 prescrit qu'aucun aéronef ne peut atterrir ou décoller entre 0 heure et 5 heures sur l'aérodrome de Beauvais-Tillé. Les dispositions de l'arrêté attaqué ont pour objet de donner au ministre chargé de l'aviation civile le pouvoir d'accorder des dérogations à cette interdiction, en permettant à des aéronefs d'atterrir sur cet aérodrome entre 0 et 1 heure, dans la limite de 25 dérogations par an, sous certaines conditions. D'une part, en limitant ces dérogations aux cas des aéronefs qui devaient atterrir entre 21 heures et 23 heures et doivent repartir le lendemain, qui subissent un retard pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur, effectuent des vols réguliers de transport de passagers et répondent à des normes acoustiques précises, et, d'autre part, en exigeant que ces dérogations soient justifiées au regard des conséquences environnementales ou d'ordre public qu'emporterait une impossibilité d'atterrissage entre 0 et 1 heure, l'arrêté litigieux a adopté des dispositions qui, eu égard à l'ensemble de ces garanties et contrairement à ce qui est soutenu, ne méconnaissent pas le principe de non-régression.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des associations requérantes doivent être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, l'association regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association contre les nuisances de l'aéroport de Tillé est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association de défense de l'environnement des riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé, première requérante, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 jan. 2023, n° 463812
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Gauthier
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Date de la décision : 25/01/2023
Date de l'import : 02/02/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 463812
Numéro NOR : CETATEXT000047061077 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2023-01-25;463812 ?
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