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11/01/2023 | FRANCE | N°466691

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 11 janvier 2023, 466691


Vu la procédure suivante :

La commune de Bordeaux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner aux sociétés X'TU Architecture, 8'18'' (huit minutes dix-huit secondes), Lavalin Services, Le Sommer Environnement, Casso et Associés, L'Autobus Imperial, Peutz et Associés, Casson Mann Limited, GTM Bâtiment Aquitaine, SMAC, Coveris, Guarrigues, Caillaud Lamelle Colle, Fargeot Lamelle Colle, Soletanche, Bachy Pieux, Hervé Thermique, Ineo Aquitaine (Cofely Ineo - Ineo Aquitain

e), L'Atelier d'Agencement, Les Ateliers Saint-André, Loison, Ou...

Vu la procédure suivante :

La commune de Bordeaux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner aux sociétés X'TU Architecture, 8'18'' (huit minutes dix-huit secondes), Lavalin Services, Le Sommer Environnement, Casso et Associés, L'Autobus Imperial, Peutz et Associés, Casson Mann Limited, GTM Bâtiment Aquitaine, SMAC, Coveris, Guarrigues, Caillaud Lamelle Colle, Fargeot Lamelle Colle, Soletanche, Bachy Pieux, Hervé Thermique, Ineo Aquitaine (Cofely Ineo - Ineo Aquitaine), L'Atelier d'Agencement, Les Ateliers Saint-André, Loison, Ouest Signaletiques Services, Navellier, Plafondecor, Segonzac, Miner, Entreprise Richard, Sodifra Agencement, Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest Etablissement Aquitaine, Videlio-Iec, Mecascenic, Les Ateliers Lumiere, Matières à Penser, Multispe France la communication de leurs attestations d'assurance de responsabilité décennale ainsi que celles de leurs sous-traitants, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Par une ordonnance n° 2202365 du 29 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a enjoint aux sociétés X'TU Architecture, Peutz et Associés, Casson Mann Limited, L'Autobus Imperial, Sodifra Agencement, 8'18'', Edéis, L'Atelier d'Agencement, Ateliers Saint-André, Miner, Mecascenic, Multispe, Plafondecor et Videlio-Iec de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale obligatoire dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 29 août et 23 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Casson Mann Limited demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la commune de Bordeaux pour ce qui la concerne ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société Casson Mann Limited et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Bordeaux ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par un acte d'engagement du 18 juillet 2011, la commune de Bordeaux a confié à un groupement conjoint constitué de plusieurs sociétés, dont, notamment, les sociétés X'TU Architecture, mandataire, et Casson Mann Limited, la maîtrise d'œuvre de la construction d'un centre culturel et touristique du vin. Une mission de conception et de direction artistique des productions audiovisuelles et multimédia du parcours permanent de ce centre a également été confiée, dans le cadre d'un marché de prestations intellectuelles, à la société Casson Mann par acte d'engagement du 3 avril 2012. Les travaux de construction du centre culturel, dont le coût définitif s'élève à 87 298 901 euros toutes taxes comprises (TTC), ont été réceptionnés le 9 mai 2016, les réserves étant levées dans le courant de l'année 2016. Le 31 mai 2016, la commune de Bordeaux a souscrit auprès de la SMABTP une assurance dommage ouvrage, une assurance constructeur non réalisateur et un contrat collectif de responsabilité décennale, pour un montant total toutes taxes comprises, après avenant lié au rehaussement du coût des travaux, de 1 028 348,76 euros. La SMABTP réclamant au maître d'ouvrage, dans le cadre de l'exécution de ce contrat, les attestations de responsabilité décennale des constructeurs intervenus sur le chantier de la " Cité des civilisations du vin ", la commune de Bordeaux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, aux sociétés concernées, dont la société Casson Mann, la communication de leurs attestations d'assurance de responsabilité décennale ainsi que celles de leurs sous-traitants. Par une ordonnance du 29 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à ces sociétés de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale obligatoire dans un délai de deux mois à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. La société Casson Mann Limited se pourvoit en cassation contre cette ordonnance. Son pourvoi doit être regardé comme dirigé contre l'ordonnance en tant qu'elle prononce cette injonction à son encontre.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité ". Aux termes de l'article L. 243-2 de ce code : " Les personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code doivent être en mesure de justifier qu'elles ont satisfait auxdites obligations. (...) ". D'autre part, en vertu des stipulations de l'article 26-4 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre en cause, le maître d'œuvre, dans la personne de chacune de ses composantes, devait justifier être titulaire d'une assurance couvrant les responsabilités découlant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil.

3. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en 1'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Casson Mann Limited soutenait, pour contester la demande de transmission de l'attestation d'assurance prévue par les dispositions citées au point 2, que, pour ce qui la concerne, elle estimait ne pas être soumise à cette obligation et que, par suite, elle n'avait pas souscrit une telle assurance pour le chantier en cause et se trouvait par conséquent dans l'impossibilité de transmettre l'attestation demandée. La société Casson Mann Limited est fondée à soutenir qu'en lui ordonnant de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale dans un délai de deux mois alors que la circonstance qu'elle n'avait pas souscrit une telle assurance et se trouvait donc dans l'impossibilité d'en justifier constituait une contestation sérieuse de nature à faire obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la commune de Bordeaux, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit. Dès lors, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, d'annuler son ordonnance en tant qu'il a enjoint à la société Casson Mann Limited de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale obligatoire.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, dans cette mesure, sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Ainsi qu'il est dit point 4, la demande de la commune de Bordeaux tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Casson Mann Limited de transmettre une attestation d'assurance de responsabilité décennale pour le chantier de construction d'un centre culturel et touristique du vin se heurte à une contestation sérieuse. Elle ne peut par suite qu'être rejetée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 3 000 euros à verser à la société Casson Mann Limited, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Casson Mann Limited qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée en tant qu'elle enjoint à la société Casson Mann Limited de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale obligatoire.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la commune de Bordeaux devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux dirigées contre la société Casson Mann Limited sont rejetées.

Article 3 : La commune de Bordeaux versera à la société Casson Mann Limited la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bordeaux présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Casson Mann Limited et à la commune de Bordeaux.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Benoît Bohnert, assesseur, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 11 janvier 2023.

Le président :

Signé : M. Benoît Bohnert

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Corinne Sak


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 466691
Date de la décision : 11/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2023, n° 466691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466691.20230111
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