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29/12/2022 | FRANCE | N°457293

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 décembre 2022, 457293


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Action et Démocratie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les 3° et 10° de l'article 1er du décret n°2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Action et Démocratie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les 3° et 10° de l'article 1er du décret n°2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août.2021 ;

- le décret n° 2021-1069 du 11 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1413 du 29 octobre 2021 ;

- le décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 ;

- le décret n° 2022-1097 du 30 juillet 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

1. Le I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire instaure une obligation de vaccination contre la maladie covid-19, " sauf contre-indication médicale reconnue ", pour les professionnels de santé et pour les personnels des établissements ou services prenant en charge des personnes vulnérables dont il fixe la liste. Le II du même article renvoie à un décret pris après avis de la Haute Autorité de santé la détermination des " conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I ". Aux termes du i de l'article 13 de la même loi : " Les personnes mentionnées au 1 de l'article 12 établissent / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication (...) ". Par ailleurs, l'article 1er de cette loi modifie le II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire en y introduisant notamment un J prévoyant que : " un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance d'un document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2° du A du présent II ", c'est-à-dire du " passe sanitaire ".

2. Le 3° de l'article 1er du décret du 7 août 2021 modifiant le décret du I er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire a inséré au sein du décret du 1er juin 2021 un article 2-4 qui prévoit que : " Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 et permettant la délivrance du document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée sont mentionnés à l'annexe 2 du présent décret. / L'attestation de contre-indication médicale est remise à la personne concernée par un médecin ". Le 10° du même article a inséré une annexe 2 au décret aux tenues de laquelle, dans sa rédaction contestée par le syndicat requérant : " I. - Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 mentionnés à l'article 2-4 sont : / 1° Les contre-indications inscrites dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) : / - antécédent d'allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylèneglycols et par risque d'allergie croisée aux polysorbates ; / - réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de 2 organes) à une première injection d'un vaccin contre le COVID posée après expertise allergologique ; / - personnes ayant déjà présenté des épisodes de syndrome de Elite capillaire (contre-indication commune au vaccin Vaxzevria et au vaccin Janssen). / 2° Une recommandation médicale de ne pas initier une vaccination (première dose) : / - syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) post-covid-19. / 3° Une recommandation établie après concertation médicale pluridisciplinaire de ne pas effectuer la seconde dose de vaecin suite à la survenue d'un effet indésirable d'intensité sévère ou grave attribué à la première dose de vaccin signalé au système de phannacovigilance (par exemple : la survenue de myocardite, de syndrome de Guillain-Barré ...). / II. - Les cas de contre-indication médicale temporaire faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 mentionnés à l'article 2- 4 sont : / 1° Traitement par anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2. / 2° Myocardites ou péricardites survenues antérieurement à la vaccination et toujours évolutives. ".

3. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'annexe 2 du décret du 1er juin 2021 citées au point précédent que celle-ci fixe limitativement la liste des contre-indications faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19. La circonstance que le pouvoir réglementaire ait fixé cette liste, après avis de la Haute Autorité de santé, en application des dispositions du J du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, pour déterminer les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance du " passe sanitaire ", ne faisait pas obstacle à ce qu'il retienne la même liste au titre des " contre-indications médicales reconnues " dispensant de la vaccination obligatoire les personnes qui y sont soumises en vertu du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, qui relevaient des conditions de vaccination de ces personnes qu'il revenait au pouvoir règlementaire de déterminer en vertu du II du même article. Par suite, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions de la loi du 5 août 2021, sur la portée desquelles il ne s'est pas mépris, en fixant, au titre des conditions de vaccination des personnes soumises à l'obligation de vaccination, une liste limitative de contre-indications médicales faisant obstacle à leur vaccination. Le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient la loi du 5 août 2021 doit par suite être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé (...) ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention (...) et assurer (...) la meilleure sécurité sanitaire possible ". Aux tenues de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé (...), le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés (...) au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention (...) ne doivent pas, en l'état des connaissances medicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (...) ".

Il résulte de ces dispositions que le médecin amené à apprécier si la personne en cause peut être vaccinée doit s'assurer que l'acte ne lui fait pas courir un risque disproportionné par rapport au bénéfice escompté, en vérifiant en particulier l'absence de contre-indication médicale reconnue à la vaccination contre la covid-19.

5. En fixant limitativement, par l'annexe 2 du décret attaqué, la liste des contre-indications médicales à la vaccination contre la covid-19, le pouvoir réglementaire a tenu compte, sans se limiter aux mentions du résumé des caractéristiques du produit des différents vaccins concernés, de l'état des données acquises de la science concernant la balance bénéfice/risque de la vaccination dans certaines situations médicales identifiées. En outre, il appartient au Premier ministre, notamment en vertu du IV de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, d'actualiser cette liste compte tenu de l'évolution des connaissances médicales et scientifiques comme il l'a d'ailleurs fait par les décrets du 1 1 août 2021, du 29 octobre 2021, du 25 novembre 2021 et du 30 juillet 2022, et conformément aux préconisations de la Haute Autorité de santé dans son avis du 4 août 2021. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué, en ce qu'il fixe a priori et de manière définitive les contre-indications médicales qui permettent de considérer que l'obligation vaccinale est satisfaite pour les personnes qui y sont soumises, d'une part, méconnaîtrait l'avis de la Haute Autorité de santé du 4 août 2021, qui indique la nécessité d'actualiser une telle liste en fonction de la position des autorités compétentes en matière de pharmacovigilance et, d'autre part, ne prendrait pas en compte des risques résultant de l'interaction entre le vaccin et des médicaments, doit être écarté. Le syndicat requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait méconnu le principe de précaution et le droit fondamental à la protection de la santé garanti par l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, ou que le dispositif introduirait une discrimination illégale entre les agents au regard de leur état de santé selon que leurs pathologies sont ou non prévues par le décret

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par le syndicat Action et Démocratie doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat Action et Démocratie est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Action et Démocratie, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 457293
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2022, n° 457293
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457293.20221229
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