La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2022 | FRANCE | N°457259

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 décembre 2022, 457259


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 6 octobre 2021 et le 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 et le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) d'annuler le décret n° 2022-1097 du 30 juillet 2022 relatif aux mesures de veille

et de sécurité sanitaire maintenues en matière de lutte contre la covid-19 ;

3°) d'ord...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 6 octobre 2021 et le 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 et le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) d'annuler le décret n° 2022-1097 du 30 juillet 2022 relatif aux mesures de veille et de sécurité sanitaire maintenues en matière de lutte contre la covid-19 ;

3°) d'ordonner, sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard, au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de " suspendre via l'article 107 sur le territoire français l'autorisation de mise sur le marché des " vaccins " à ARN-m des laboratoires Pfizer et Moderna à compter du quinzième jour ouvrable suivant cette notification à venir " ;

4°) d'enjoindre à l'Agence européenne des médicaments de retirer ces vaccins au profit de la commercialisation de l'Aplidin en tant que traitement anti-covid ;

5°) d'enjoindre au Premier ministre d'installer les détecteurs de virus de la marque " KontrolBiocloud " et de la marque " Tofwerk " dans les aéroports, universités, CHU, et écoles ;

6°) d'enjoindre au Premier ministre de commercialiser le bâton désinfectant " Dr B... coronavirus " ;

7°) d'interdire les injections de vaccins à ARN-m sur l'humain sauf à titre expérimental sur des personnes volontaires dont tout traitement a échoué ;

8°) d'enjoindre au Premier ministre " d'interdire toute publicité ou propagande vaccinale anti-covid 19 " ;

9°) d'interdire les tests nasopharyngés en vente et en usage dans l'Union européenne ;

10°) d'ordonner au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé l'utilisation de tous les autres dispositifs en matière de lutte contre le covid-19 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui a été déclaré en octobre 2020 pour faire face à une reprise de l'épidémie de covid 19, l'évolution de la situation sanitaire a conduit à une modification des mesures prises pour lutter contre l'épidémie. A la date à laquelle ont été prises les dispositions contestées du décret attaqué, étaient ainsi notamment applicables les dispositions du A du II de l'article 1er de loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, telles que modifiées par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, aux termes desquelles : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19:/ (...) 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / a) Les activités de loisirs ; / b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ; / c) Les foires, séminaires et salons professionnels ;/ d) Sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent 2° ne peut se voir imposer d'autres restrictions d'accès liées à l'épidémie de covid-19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l'accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l'établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire ; / e) Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l'un des territoires mentionnés au 1° du présent A, sauf en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis ;/ f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / Cette réglementation est rendue applicable au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. / Cette réglementation est applicable aux mineurs de plus de douze ans à compter du 30 septembre 2021. / L'application de cette réglementation ne dispense pas de la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus si la nature des activités réalisées le permet. (...) / Un décret détermine, après avis du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ".

2. Le décret du 7 juin 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire définit " les règles communes relatives à l'établissement et au contrôle du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, du justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 et du certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ", en vue de la délivrance d'un " passe sanitaire " requis dans les circonstances rappelées au point 1. Dans sa rédaction contestée par le requérant dans sa requête introductive d'instance, le 2° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 ainsi modifié dispose que : " Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d'un schéma vaccinal complet de l'un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'agence européenne du médicament (...) ". La rédaction de ces dispositions a été modifiée à plusieurs reprise, notamment par un décret du 22 janvier 2022 également contesté par le requérant dans son mémoire en réplique. Celui-ci demande également l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 juillet 2022 relatif aux mesures de veille et de sécurité sanitaire maintenues en matière de lutte contre la covid-19, dont l'article 2 dispose qu'un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d'un schéma vaccinal complet soit lorsque le vaccin contre la covid-19 a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne après évaluation de l'Agence européenne du médicament ou lorsque sa composition et son procédé de fabrication sont reconnus comme similaires à l'un de ces vaccins par l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, soit si l'utilisation du vaccin a été autorisée par l'Organisation mondiale de la santé, à condition que toutes les doses requises aient été reçues, sept jours après l'administration d'une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager bénéficiant d'une autorisation ou reconnaissance par l'Agence européenne du médicament.

3. En premier lieu, la loi du 31 mai 2021 a subordonné à la présentation d'un " passe sanitaire " l'accès à certains lieux, qui sont limitativement énumérés et qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes, conduisant ainsi à un risque particulier de diffusion du virus, sans limiter l'accès aux soins, ni aux produits de première nécessité. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif de protection de la santé. Dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, et dès lors qu'il n'est pas contesté que les risques de contamination à la covid 19 sont considérablement réduits lorsqu'une personne est vaccinée, est rétablie d'une infection au virus ou présente un test de dépistage négatif, en subordonnant l'accès à certains lieux à la présentation d'un " passe sanitaire ", qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne saurait être assimilée à une obligation de vaccination, la loi du 31 mai 2021 et le décret modifié du 1er juin 2021 ne portent pas d'atteinte disproportionnée au respect de la vie privée ni à la liberté d'aller et venir.

4. En second lieu, il est constant que les vaccins contre la covid 19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et qu'ils soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce que soutient le requérant, ils ne sauraient dès lors être regardés comme des médicaments expérimentaux. En tout état de cause, alors que les dispositions attaquées se bornent à préciser les conditions auxquelles doit répondre un justificatif de statut vaccinal permettant d'obtenir un passe sanitaire valide, le requérant n'apporte aucun élément sérieux de nature à corroborer son affirmation selon laquelle les vaccins mis sur le marché contiendraient des substances chimiques dangereuses pour la santé et interdites par l'Union européenne. Enfin, la Plitidespine, commercialisée sous le nom d'Aplidin, dont le requérant allègue qu'elle serait efficace à 99 % pour traiter le virus, n'est, en tout état de cause, pas reconnue par l'Agence européenne des médicaments ni l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé comme un traitement de la covid-19. Le détournement de pouvoir allégué n'est, par ailleurs, pas établi.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C... doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 457259
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2022, n° 457259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457259.20221229
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award