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29/12/2022 | FRANCE | N°453692

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 décembre 2022, 453692


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C..., Mme B... D... et la société Connecting Resilience demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021, en tant qu'il exige de toute personne de onze ans ou plus la présentation du résultat d'un examen de dépistage RT-PCR

ou d'un test antigénique de moins de 72 heures, pour se déplacer au sein, vers ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C..., Mme B... D... et la société Connecting Resilience demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021, en tant qu'il exige de toute personne de onze ans ou plus la présentation du résultat d'un examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique de moins de 72 heures, pour se déplacer au sein, vers ou hors du territoire métropolitain, par transport terrestre, maritime ou aérien, ainsi que pour accéder à des foires et salons ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui a été déclaré en octobre 2020 pour faire face à une reprise de l'épidémie de covid-19, l'évolution de la situation sanitaire a conduit à une modification des mesures prises pour lutter contre l'épidémie. A la date à laquelle ont été prises les dispositions contestées du décret attaqué du 1er juin 2021, étaient ainsi applicables les dispositions du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, aux termes desquelles : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : / 1° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ; / 2° Subordonner l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. Cette réglementation est appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l'extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus. / Un décret détermine, après avis du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. ". Ces dispositions visaient à lutter contre l'épidémie de covid-19 toujours présente sur le territoire national à la sortie de l'état d'urgence. Dans le cadre ainsi fixé par le législateur, il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre les dispositions requises et si nécessaire de les adapter, notamment au vu des données épidémiologiques dont il disposait, dès lors qu'elles étaient justifiées par la protection de la santé publique et proportionnées à l'objectif poursuivi.

2. Sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret du 7 juin 2021, a notamment prévu, d'une part, dans ses articles 23-1 et 23-2, l'obligation pour les personnes de onze ans ou plus de présenter, dans certains cas, soit le résultat d'un examen de dépistage RT-PCR de moins de 48 ou 72 heures ou d'un test antigénique de moins de 48 ou 72 heures, soit un justificatif de statut vaccinal ou, dans d'autres cas, le résultat d'un examen de dépistage RT-PCR de moins de 48 ou 72 heures ou d'un test antigénique de moins de 48 ou 72 heures et un justificatif de statut vaccinal, pour se déplacer entre le territoire métropolitain et un pays étranger ou une collectivité mentionnée à l'article 72-3 de la Constitution et, d'autre part, au e du 1° du II de son article 47-1, l'obligation pour les mêmes personnes, pour accéder aux établissements à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire, lorsqu'ils accueillent un nombre d'au moins 1 000 visiteurs, de présenter soit le résultat d'un examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique de moins de 48 heures, soit un justificatif de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19.

3. En premier lieu, pour demander l'annulation du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue du décret du 7 juin 2021, en tant qu'il exige de toute personne de onze ans ou plus la présentation du résultat d'un examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique de moins de 72 heures, pour se déplacer au sein, vers ou hors du territoire métropolitain, par transport terrestre, maritime ou aérien, ainsi que pour accéder à des foires et salons, les requérants se prévalent du caractère dangereux des prélèvements nasopharyngés nécessaires pour effectuer un examen de dépistage RT-PCR ou un test antigénique. Toutefois si, dans ses avis rendus publics les 24 septembre 2020, 22 janvier 2021, 10 février 2021 et 23 avril 2021, la Haute Autorité de Santé a estimé que l'examen de dépistage RT-PCR ou le test antigénique sur prélèvement nasopharyngé restait le test de référence pour le diagnostic de la covid-19, à raison de sa fiabilité, tout en admettant d'ailleurs la possibilité de recourir à un examen RT-PCR sur prélèvement oropharyngé en cas de contre-indication, le recours au prélèvement nasopharyngé n'est pas imposé par les dispositions du décret attaqué. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions du décret qu'ils attaquent méconnaitraient les articles L. 1110-5, L. 1111-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison du caractère prétendument dangereux des tests nasopharyngés. Est aussi inopérant le moyen tiré de l'incompétence du Premier ministre pour décider d'imposer de tels prélèvements.

4. En deuxième lieu, eu égard à la situation sanitaire à la date du décret attaqué et à la nécessité de prévenir le risque de contagion dans les espaces clos accueillant un grand nombre de personnes, telles les foires et expositions, les dispositions contestées de l'article 47-1 du décret attaqué, en subordonnant l'accès à ces établissements et ces moyens de transport à l'obligation, au demeurant expressément prévue par le 2° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, de présenter soit le résultat d'un examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique de moins de 48 heures, soit un justificatif de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19, ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre des personnes et des entreprises souhaitant proposer leurs produits à la vente au public lors de foires et salons, ni au regard de l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi.

5. En dernier lieu, si les dispositions contestées du décret attaqué portent atteinte à la liberté d'aller et venir, elles ont pour objet, d'une part, de prévenir l'arrivée d'une personne porteuse du virus sur le sol métropolitain et, d'autre part, de limiter le risque de contagion dans un espace clos accueillant un grand nombre de personnes. Elles ne sauraient être interprétées comme faisant obstacle à l'accès au territoire national d'un ressortissant français lorsque la réalisation d'un test préalable ou d'une vaccination satisfaisant aux conditions fixées par les dispositions applicables en France se révèle impossible en raison de leur indisponibilité dans le pays de provenance ou lorsque le ressortissant français justifie d'une urgence impérieuse, tenant à sa santé ou sa sécurité, pour rejoindre le territoire national. Eu égard à la situation sanitaire à la date du décret attaqué, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette atteinte à la liberté d'aller et venir n'était pas proportionnée à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la santé et de la prévention, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions qu'ils attaquent. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 453692
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2022, n° 453692
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453692.20221229
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