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27/12/2022 | FRANCE | N°453533

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 décembre 2022, 453533


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° S2021-0699 du 13 avril 2021, la Cour des comptes a constitué Mme B... A... débitrice de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne au titre de l'exercice 2016, pour les sommes de 1 902,06 euros (charge n° 3) et 2 752,04 euros (charge n° 7), et au titre de l'exercice 2017, pour les sommes de 3 044 euros (charge n° 7) et 52 501,83 euros (charge n° 8).

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 13 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Et

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1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur la charge n° 8 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° S2021-0699 du 13 avril 2021, la Cour des comptes a constitué Mme B... A... débitrice de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne au titre de l'exercice 2016, pour les sommes de 1 902,06 euros (charge n° 3) et 2 752,04 euros (charge n° 7), et au titre de l'exercice 2017, pour les sommes de 3 044 euros (charge n° 7) et 52 501,83 euros (charge n° 8).

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 13 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur la charge n° 8 ;

2°) de prononcer la décharge du débet auquel elle a été condamnée au titre de cette charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 63-156 du 23 février 1963, notamment son article 60 ;

- le décret n° 2012-752 du 9 mai 2012 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 13 avril 2021, la Cour des comptes a constitué Mme B... A..., agente comptable de l'université Paris I, débitrice envers cet établissement public de l'Etat au titre des exercices 2016 et 2017. Mme A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a prononcé à son encontre un débet de 52 501,83 euros au titre de la charge n° 8 relative au versement à dix agents, de juin à décembre 2017, d'un complément indemnitaire intitulé " compensation logement ".

2. En vertu de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors notamment qu'une dépense a été irrégulièrement payée. Selon le VI de cet article 60, le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est ainsi engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale à la dépense payée à tort. S'il n'a pas versé cette somme, il peut être, selon le VII de cet article 60, constitué en débet par le juge des comptes. Les contrôles mis à la charge des comptables publics en matière de dépenses sont fixés par les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Le 2° de l'article 19 de ce décret dispose que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : " 2° S'agissant des ordres de payer : / a) De la qualité de l'ordonnateur ; / b) De l'exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits ; / c) De la disponibilité des crédits ; / d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 ; / e) Du caractère libératoire du paiement ". Le 4° de l'article 20 de ce décret prévoit que le comptable public, au titre de son contrôle sur la validité de la dette, contrôle la production des pièces justificatives. L'article 50 du même décret dispose que " les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies, pour chaque catégorie de personnes morales mentionnées à l'article 1er, par arrêté du ministre chargé du budget. (...) / Lorsqu'une opération de dépense n'a pas été prévue par une nomenclature mentionnée ci-dessus, doivent être produites des pièces justificatives permettant au comptable d'opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20 ". Enfin, aux termes de l'article 38 du même décret : " Sans préjudice des dispositions prévues par le code général des collectivités territoriales et par le code de la santé publique, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée. Si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité.

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 954-2 du code de l'éducation : " Le président [de l'université] est responsable de l'attribution des primes aux personnels qui sont affectés dans l'établissement, en application des textes applicables et selon les principes de répartition définis par le conseil d'administration. / Le conseil d'administration peut créer des dispositifs d'intéressement permettant d'améliorer la rémunération des personnels. Un dispositif d'intéressement ne peut se substituer aux régimes indemnitaires institués en application d'un texte législatif ou réglementaire ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que, par une délibération du 16 mars 2017 visant l'article L. 954-2 du code de l'éducation, le conseil d'administration de l'université Paris I a créé, au profit des agents de catégories B et C qui, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme des concessions de logement issue du décret du 9 mai 2012, se sont vus accorder une autorisation d'occupation d'un logement du domaine public à la place de la concession de logement dont ils bénéficiaient auparavant, une indemnité transitoire, dénommée " compensation logement ", destinée à compenser le surcoût de la redevance mensuelle résultant pour eux de ce nouveau dispositif.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour constituer Mme A... débitrice de la somme de 52 501,83 euros correspondant au paiement de cette indemnité à dix agents de l'université à compter de juin 2017, la Cour a relevé qu'il ressortait des termes mêmes de la délibération du conseil d'administration du 16 mars 2017 qu'une telle indemnité ne constituait pas un dispositif d'intéressement autorisé par l'article L. 954-2 du code de l'éducation et qu'il appartenait, dès lors, à Mme A... de suspendre les paiements d'une indemnité qui ne pouvait trouver son fondement dans le texte législatif visé par la délibération l'instituant. En exigeant ainsi de la comptable publique qu'elle exerce un contrôle de légalité sur l'acte administratif à l'origine de la créance, soit, en l'espèce, l'indemnité litigieuse, alors que, en présence des pièces justificatives requises, celle-ci était tenue de procéder aux paiements litigieux, la Cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il porte sur la charge n° 8.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes du 13 avril 2021 est annulé en tant qu'il porte sur la charge n° 8.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la Cour des comptes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Procureure générale près la Cour des comptes.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 453533
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 453533
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453533.20221227
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