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27/12/2022 | FRANCE | N°453442

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 décembre 2022, 453442


Vu la procédure suivante :

La société Escource Energies a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 avril 2016 par lequel le préfet des Landes a rejeté sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Escource. Par un jugement n° 1601064 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX02646 du 6 avril 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Escource Energies, annulé ce jugement et l'arrêté

préfectoral du 6 avril 2016.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complém...

Vu la procédure suivante :

La société Escource Energies a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 avril 2016 par lequel le préfet des Landes a rejeté sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Escource. Par un jugement n° 1601064 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX02646 du 6 avril 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Escource Energies, annulé ce jugement et l'arrêté préfectoral du 6 avril 2016.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 9 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Escource Energies ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 avril 2016, le préfet des Landes a rejeté la demande de la société Escource Energies tendant à l'obtention d'une autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune d'Escource. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Escource Energies tendant à l'annulation de cet arrêté. La ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 avril 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Escource Energies, annulé ce jugement et cet arrêté préfectoral.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2012 relatif à la conception et à l'établissement des procédures de vol aux instruments, alors en vigueur : " L'annexe au présent arrêté fixe les règles techniques de conception et d'établissement des procédures de vol aux instruments. (...) Sur les aérodromes où le ministre chargé de la défense est affectataire unique ou principal (...) les règles techniques de conception et d'établissement des procédures de vol aux instruments sont définies par une instruction du directeur de la circulation aérienne militaire (...) ". Aux termes du point 1.2. de l'annexe à l'arrêté du 16 mars 2012 : " Critères pour la conception. Le directeur du transport aérien (...) définit des critères pour la conception de procédures de vol aux instruments. Leur respect emporte présomption de conformité aux règles de conception de la présente partie, sous réserve des exigences complémentaires fixées par l'autorité de l'aviation civile territorialement compétente compte tenu des spécificités éventuelles de la procédure de vol aux instruments et de son environnement. Ces critères sont publiés dans le Recueil des critères pour la conception des procédures de vol aux instruments par le service d'information aéronautique de l'aviation civile (SIA)... ". Selon le point 8.1.1 du chapitre 8 de ce recueil : " Des altitudes minimales de secteur sont établies pour chaque aérodrome où des procédures d'approche aux instruments ont été établies. Pour calculer chaque altitude minimale de secteur : a) Prendre l'altitude topographique la plus haute dans le secteur dont il s'agit ; b) Ajouter une marge d'au moins 300 m (984 ft) ; c) Arrondir la valeur obtenue aux 50 m ou 100 ft supérieurs (...) ". Selon le point 8.1.3 du chapitre 8 de ce recueil " une altitude minimale s'applique dans un rayon de 25 nautiques d'un point significatif, du point de référence d'aérodrome ou du point de référence d'hélistation sur lequel est basée l'approche des instruments. (...) ". Enfin, l'instruction n° 350/DSAE/DIRCAM du 16 décembre 2014 du ministère de la défense relative à la conception et à l'établissement des procédures de vol aux instruments, qui met en application, pour les besoins de la défense, les dispositions de l'arrêté du 16 mars 2012, définit l'altitude minimale de secteur (MSA) comme " l'altitude la plus basse qui puisse être utilisée pour le vol aux instruments afin d'assurer une marge minimale de franchissement de 300 mètres au-dessus de tous les objets situés dans un secteur circulaire de 25 miles nautiques, correspondant à 46 kilomètres de rayon centré sur une aide de radionavigation ou un repère RNAV " ou navigation de surface, elle-même définie comme " une méthode de navigation permettant le vol sur n'importe quelle trajectoire voulue dans les limites de la couverture des aides de navigation à référence sur station ou dans les limites des possibilités d'une aide autonome, ou grâce à la combinaison de ces deux moyens ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'altitude minimale de secteur, ou MSA, qui garantit aux pilotes qu'ils peuvent, dans le cadre des procédures de vol aux instruments, évoluer sans rencontrer d'obstacle dans un périmètre de 25 miles nautiques autour d'un aérodrome, en disposant d'une marge de franchissement suffisante, est distincte de l'altitude minimale de sécurité radar (AMSR), délimitée à une distance de 14 miles nautiques d'un aérodrome, qui permet pour sa part aux aéronefs d'être détectés et guidés dans le cadre du guidage radar par les services de contrôle aérien dans des conditions de sécurité suffisantes.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté préfectoral litigieux du 6 avril 2016 est fondé sur l'avis défavorable du ministre de la défense, en date du 15 février 2016, à l'autorisation de l'installation de production d'électricité projetée par la société Escource Energies, au motif, notamment que les éoliennes, d'une hauteur de 210 mètres, seraient situées dans le périmètre de l'altitude minimale de secteur (MSA) de 487,68 mètres de l'aérodrome de Cazaux. Cet avis notait que cette altitude minimale de secteur implique que les obstacles ne peuvent dépasser une hauteur de 182 mètres, afin d'assurer la marge de franchissement d'au moins 300 mètres, et préserver ce faisant la sécurité des équipages, des personnes et des biens survolés, tandis que les éoliennes d'une hauteur de 210 mètres excédaient la valeur maximale de hauteur sommitale des obstacles de 182 mètres.

5. La cour administrative d'appel a estimé que la construction du projet éolien en litige à une hauteur supérieure à l'altitude sommitale des obstacles définie par la MSA de l'aérodrome de Cazeaux ne suffisait pas à établir un risque pour la sécurité des personnes et des biens dans la mesure où l'éolienne du projet la plus proche de l'aérodrome de Cazaux, qui en est distante de 39 km, est située dans une zone où les procédures d'approche aux instruments ne peuvent être mises en œuvre parce que le volume MSA de 25 miles nautiques (46,3 km) défini pour le contrôle des procédures de vol aux instruments de l'aérodrome de Cazaux excède le volume de sécurité radar fixé pour cet aérodrome à 14 miles nautiques (26 km) par l'altitude minimale de sécurité radar (AMSR), au-delà duquel les procédures aux instruments par guidage ou surveillance radar ne sont pas autorisées pour des raisons de sécurité. Toutefois, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, la délimitation d'une altitude minimale de secteur (MSA) répond à une finalité différente de la fixation de l'altitude minimale de sécurité radar (AMSR), en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit.

6. En second lieu, la cour administrative d'appel a également relevé qu'il ressortait de l'étude de la société AMS'Eole GmbH, spécialisée dans la réalisation d'expertises aéronautiques dans le cadre de montage de projets éoliens, que les trajectoires des procédures d'approche aux instruments de l'aérodrome de Cazaux sont restreintes dans un volume se situant au Nord et au Nord-Ouest de celui-ci, alors que le projet de parc éolien se situe au sud. En statuant ainsi, sans tenir compte du fait que cette étude ne comportait de données qu'au titre des seules procédures dites MIAC 2, applicables aux seuls aéronefs d'Etat sur les aérodromes militaires, alors que l'aérodrome de Cazaux a, de par sa nature, également vocation à accueillir des aéronefs de combat et d'entraînement auxquels sont applicables d'autres procédures, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Escource Energies sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Escource Energies.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 453442
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 453442
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453442.20221227
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