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22/12/2022 | FRANCE | N°466863

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 décembre 2022, 466863


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 août, 6 octobre, 24 octobre et 27 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2022 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères portant démission d'office de M. B... de sa qualité de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la proclamation des résultats de l'élection des conseill

ers à l'Assemblée des Français de l'étranger du 4 décembre 2021 pour la circonscription ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 août, 6 octobre, 24 octobre et 27 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2022 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères portant démission d'office de M. B... de sa qualité de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la proclamation des résultats de l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger du 4 décembre 2021 pour la circonscription du Canada.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code électoral ;

- la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision nos 453475, 453507 du 24 juin 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées entre les 21 et 26 mai et le 29 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger dans la 4ème circonscription du Canada (Montréal, Moncton et Halifax), lors desquelles M. B... avait été élu. Par un arrêté du 25 juillet 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a déclaré M. B... démissionnaire d'office de son mandat de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger. Lors des opérations électorales du 22 octobre 2022 dans cette même circonscription, M. B... a été élu conseiller des Français de l'étranger. A l'appui de sa requête, M. B... soutient que les articles 17 et 32 de la loi du 22 juillet 2013 portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct ". L'intervention de M. D... au soutien de la question prioritaire présentée par M. B... a été présentée non par mémoire distinct mais au sein du mémoire de M. B.... Elle n'est dès lors pas recevable.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Aux termes de l'article 16 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France : " Sont éligibles au conseil consulaire les électeurs inscrits sur l'une des listes électorales consulaires de la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent. / Sont éligibles à l'Assemblée des Français de l'étranger les conseillers des Français de l'étranger élus en application du chapitre II du présent titre ". Aux termes de l'article 32 de la même loi : " Tout conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger est déclaré démissionnaire d'office par arrêté du ministre des affaires étrangères, sauf recours devant le Conseil d'Etat formé dans le délai d'un mois à compter de la notification, si, pour quelque cause que ce soit, il vient à perdre son mandat de conseiller des Français de l'étranger ".

5. Au regard de son argumentaire, M. B... doit être regardé comme contestant la constitutionnalité des seules dispositions de l'article 32 précité.

6. D'une part, M. B... soutient que cet article méconnaît le principe d'égal accès aux dignités, places et emplois publics, qui découle du principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'un conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger est déclaré démissionnaire d'office, sauf recours devant le Conseil d'Etat, s'il vient à perdre son mandat de conseiller des Français de l'étranger, alors que cette règle ne s'applique pas à un élu conservant ce mandat.

7. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

8. En prévoyant, aux articles 16 et 32 de la loi du 22 juillet 2013, que sont seuls éligibles à l'Assemblée des Français de l'étranger les conseillers des Français de l'étranger élus, et que la perte de ce mandat entraîne leur démission d'office de l'Assemblée des Français de l'étranger, sauf recours devant le Conseil d'Etat, le législateur a entendu réserver la possibilité d'exercer un mandat de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger aux seuls titulaires d'un mandat de conseiller des Français de l'étranger. Ce faisant, il a prévu, entre les élus à l'Assemblée des Français de l'étranger perdant leur mandat de conseiller des Français de l'étranger et les élus le conservant, qui sont dans des situations différentes, une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi.

9. D'autre part, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l'article 3 de la Constitution n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres griefs :

11. Il résulte de l'instruction, qu'à la date de la présente décision, le motif de la démission d'office de M. B..., qui tenait à la perte de son mandat de conseiller des Français de l'étranger, a disparu. Par suite, la légalité de l'arrêté devant être appréciée à la date à laquelle le juge électoral statue, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre grief de la requête de M. B..., d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2022 à compter du 22 octobre 2022, date de son élection comme conseiller des Français de l'étranger. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 22 octobre 2022 au cours de laquelle l'arrêté, contre lequel il avait formé un recours, n'a pas reçu exécution.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. C... n'est pas admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2022 de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour la période antérieure au 22 octobre 2022.

Article 4 : L'arrêté du 25 juillet 2022 de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères est annulé à compter du 22 octobre 2022.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 466863
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 466863
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466863.20221222
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