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22/12/2022 | FRANCE | N°461158

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 décembre 2022, 461158


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février et 22 juin 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-27 du 13 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er ju

in 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la sortie de crise sanitaire ;

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février et 22 juin 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-27 du 13 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la sortie de crise sanitaire ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la sortie de crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions de la requête dirigées contre le décret du 7 août 2021 :

1. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 a été publié le 8 août 2021 au Journal officiel de la république française. La requête de M. A... B... n'a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 7 février 2022, après l'expiration du délai de deux mois fixé par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce décret sont, par suite, irrecevables, sans que le principe de primauté du droit de l'Union européenne fasse obstacle au constat de cette irrecevabilité.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre les décrets des 13 et 22 janvier 2022 :

3. Le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l'UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 définit les conditions dans lesquelles les Etats membres peuvent limiter l'exercice du droit de circuler et de séjourner librement au sein de l'Union européenne lorsqu'ils exigent des voyageurs qui souhaitent entrer sur leur territoire qu'ils présentent des certificats relatifs à la vaccination concernant la covid-19 ou à une contamination par cette dernière. Ce règlement oblige notamment les Etats membres à assurer l'acceptation transfrontière d'un des trois types de certificats mentionnés par le paragraphe 1 de son article 3, à savoir un certificat de vaccination, un certificat de test ou un certificat de rétablissement.

4. Le II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire permettait au Premier ministre d'instituer un dispositif dit de " passe sanitaire ". En application du 1° du A du II, le Premier ministre pouvait, d'une part et notamment, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, imposer, aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. D'autre part, en application du 2° du A dudit II, le Premier ministre pouvait notamment, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, subordonner à la présentation de l'un de ces trois documents, l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements.

5. L'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique n'a pas modifié le 1° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021. Il a, en revanche, modifié le 2° du A, afin de permettre au Premier ministre de subordonner, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, à la présentation, par les personnes âgées d'au moins 16 ans, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit " passe vaccinal ", l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements. Sauf exceptions liées à des motifs impérieux ou à l'urgence, ces services incluaient les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de certaines parties du territoire national. L'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 a également précisé, dans un nouveau 3° du A, les hypothèses dans lesquelles, en dépit de l'entrée en vigueur du " passe vaccinal ", aucun certificat n'était requis ou celles dans lesquelles il demeurait possible de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19.

6. Sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire a fixé, d'une part, les conditions de déplacement entre le territoire national et les Etats membres de l'Union européenne. A cet égard, les dispositions du titre 2 bis de ce décret précisaient, à la date de publication des décrets attaqués, que ces conditions de déplacement dépendaient en particulier de la classification des Etats de provenance ou de destination en zones verte, orange ou rouge, en fonction du niveau de circulation du virus SARS-CoV-2 au sein de ces Etats. Les Etats membres de l'Union européenne avaient été classés en zone verte par le 1° de l'article 1er de l'arrêté du 7 juin 2021 identifiant les zones de circulation de l'infection du virus SARS-CoV-2, jusqu'à l'abrogation de cet arrêté au 31 juillet 2022. De plus, aux termes du I de l'article 7 dudit décret, les dispositions du titre 2 bis s'appliquaient aux navires effectuant des liaisons internationales. D'autre part, le même décret a précisé les lieux, établissements, évènements ou services dont l'accès était soumis au " passe sanitaire ".

7. Le décret du 13 janvier 2022 a modifié le décret du 1er juin 2021 pour définir, notamment, les modalités selon lesquelles certaines personnes pouvaient se déplacer entre la Polynésie française et un Etat classé dans la zone rouge définie par arrêté du ministre de la santé. Il a modifié les conditions de déplacement à destination du territoire national en provenance du Royaume-Uni. En revanche, ce décret n'a pas modifié les conditions applicables aux déplacements entre le territoire national et les Etats membres de l'Union européenne, qui étaient classés en zone verte, ni le champ d'application du " passe sanitaire " pour accéder à certains établissements, lieux, services et évènements.

8. Le décret du 22 janvier 2022 a modifié le décret du 1er juin 2021, notamment pour préciser les hypothèses et conditions dans lesquelles le " passe vaccinal " était désormais requis pour accéder à certains établissements, lieux, services et évènements, dont certains transports publics interrégionaux au sein de certaines parties du territoire national. Ce décret n'a pas modifié les conditions applicables aux déplacements entre le territoire national et les Etats membres de l'Union européenne, qui étaient classés en zone verte. Il n'a notamment pas soumis ces déplacements au " passe vaccinal ".

9. Si le requérant soutient que les décrets attaqués et les lois sur lesquelles ils se fondent sont contraires au règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021, les dispositions de ce règlement, prises dans le cadre de l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne sont applicables qu'aux déplacements entre les Etats membres de l'Union européenne et ne portent pas atteinte aux compétences en matière de définition de leur politique sanitaire de ces derniers, conformément au paragraphe 7 de l'article 168 du même traité. Par conséquent, d'une part, les moyens invoqués par le requérant pour contester les dispositions relatives au " passe sanitaire " puis au " passe vaccinal " applicables au sein du territoire national sont inopérants et doivent être écartés. D'autre part, il ressort des éléments exposés aux points 4 à 8 que les décrets attaqués n'ont pas modifié les conditions applicables aux déplacements entre le territoire national et l'un des Etats membres de l'Union européenne. Le requérant ne peut donc utilement soutenir que les dispositions litigieuses des décrets attaqués ou celles des lois du 31 mai 2021 et du 22 janvier 2022 méconnaîtraient le règlement précité.

Sur la conformité des dispositions litigieuses avec les autres normes invoquées par le requérant :

10. Si le requérant soutient que les décrets attaqués et les dispositions législatives sur lesquelles ils se fondent méconnaîtraient " d'innombrables " droits fondamentaux, constitutionnels, européens et internationaux, ces griefs ne sont, en tout état de cause, pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête dirigées contre les décrets des 13 et 22 janvier 2022 doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 461158
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 461158
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461158.20221222
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