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22/12/2022 | FRANCE | N°460958

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 décembre 2022, 460958


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 31 janvier, 5 septembre et 4 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31

mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ;...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 31 janvier, 5 septembre et 4 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ;

- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, notamment son article 1er ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- la décision n° 460958 du 26 avril 2022 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 décembre 2022, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a demandé au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, pris pour application de la loi du 31 mai 2021, dans sa version résultant de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de la gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, en tant qu'il restreint les conditions d'accès et de présence dans certains lieux, ainsi que la pratique de certaines activités et certains déplacements effectués en transports publics interrégionaux aux fins de lutte contre l'épidémie de covid-19.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa version résultant de l'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 : " Un décret détermine, après avis de la Haute Autorité de santé (...), les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ".

3. Aux termes des dispositions du point 1.5 du règlement intérieur du collège de la Haute autorité de santé adopté par la décision n° 2021.0189/DC/SJ du 15 juillet 2021 : " Sauf cas d'urgence, l'ordre du jour des réunions et les décisions correspondants sont transmis aux participants par voie électronique au plus tard cinq jours avant la séance ". Aux termes des dispositions du 1.6 du même règlement, le collège de la Haute autorité de santé " ne peut valablement délibérer que si cinq membres au moins sont présents (...) / Les séances du collège peuvent, pour tout ou partie de ses membres, se tenir à distance au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / Le collège peut également adopter par courriel tout projet de décision ou avis après envoi des documents de travail aux membres par voie électronique ".

4. Le collège de la Haute autorité de santé, saisi le 20 janvier 2022 pour rendre son avis sur le projet de décret litigieux, en ce qu'il prévoit une nouvelle définition du schéma vaccinal, a émis un avis le lendemain. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'urgence de la situation sanitaire justifiait que l'ordre du jour de la réunion et les documents s'y rapportant soient transmis aux membres du collège dans un délai inférieur à cinq jours, comme le prévoit le point 1.5 du règlement intérieur du collège et, d'autre part, qu'au moins cinq membres du collège ayant reçu les documents de travail par voie électronique ont approuvé l'avis par la même voie, comme le permet le point 1.6 du même règlement intérieur. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de la Haute autorité de Santé ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. D'une part, il résulte du 2° du I de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa version résultant de la loi du 22 janvier 2022, qu'à compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 31 juillet 2022 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité, et pour autant que la réglementation soit adaptée à la situation sanitaire et prenne en compte les caractéristiques des établissements concernés. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 1er du décret attaqué fixe, aux articles 42 et 45 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, le nombre maximal de personnes pouvant être accueillies dans les établissements sportifs couverts, les établissements de plein air et certaines salles d'auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples, jusqu'au 1er février 2022 inclus, où, jusqu'au 15 février 2022 inclus, les spectateurs accueillis doivent avoir une place assise et où, pendant la même période, la vente et la consommation d'aliments et de boissons sont interdites, sauf exceptions.

6. D'autre part, le 2° du A du II de l'article 1er de la même loi, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " II.-A.-A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 31 juillet 2022 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique, aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation : (...) / 2° Subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / a) Les activités de loisirs ; / b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ; / c) Les foires, séminaires et salons professionnels ; / d) (Abrogé) ; / e) Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l'un des territoires mentionnés au 1° du présent A, sauf motif impérieux d'ordre familial ou de santé, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Le présent e n'est pas applicable en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis ; / f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport ". En application de ces dispositions, le I de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, dans sa version résultant du décret litigieux, prévoit que les personnes âgées d'au moins seize ans doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III de cet article, présenter un justificatif de leur statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 de ce décret. A défaut de présentation d'un tel justificatif, l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement est refusé, sauf pour les personnes bénéficiant d'un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ou justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l'article 2-4 du décret. Par dérogation, les personnes justifiant de l'injection depuis au plus quatre semaines d'une première dose de l'un des vaccins mentionnés au troisième alinéa du a du 2° de l'article 2-2 peuvent accéder à ces établissements, lieux, services et évènements sur présentation du justificatif de l'administration de leur première dose et du résultat d'un test ou examen de dépistage répondant à certaines conditions.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du décret litigieux, la circulation du virus connaissait un contexte de forte reprise épidémique, le taux d'incidence sur le territoire national s'élevant à 3 098 pour 100 000 habitants, en augmentation de 9 % par rapport à la semaine précédente, la tension hospitalière demeurant à un niveau élevé avec 13 787 nouvelles hospitalisations et 1 844 nouvelles hospitalisations en services de soins critiques, et le nombre de décès étant en augmentation de 2 % par rapport à la semaine précédente, avec 1 460 nouveaux décès.

8. En deuxième lieu, il ressort des données scientifiques disponibles que la vaccination, la limitation des rassemblements de personnes et le respect des gestes barrière sont des mesures adaptées pour lutter contre la propagation du virus afin de réduire les hospitalisations et de diminuer le risque de développer des formes graves de la covid-19. A cet égard, et contrairement à ce qui est soutenu, les jauges maximales fixées par le décret attaqué, qui visent à limiter la concentration de population propice à la propagation du virus, constituent des mesures adéquates à cette fin, de même que l'obligation de place assise, qui a pour objet de limiter les interactions et contacts entre les participants, et l'interdiction de principe de vente et de consommation de produits alimentaires, dès lors que cette dernière suppose d'ôter le masque de protection et favorise ainsi la transmission du virus.

9. En troisième lieu, les limitations ainsi apportées à l'accès aux lieux, à l'exercice des activités et à la réalisation des déplacements énumérés par le décret du 1er juin 2021 modifié, qui sont moins restrictives qu'une interdiction pure et simple, sont assorties d'aménagements et d'exceptions et sont limitées dans le temps, permettant aux personnes s'y conformant de poursuivre ces activités et déplacements dans des conditions acceptables tout en diminuant significativement le risque de contamination. Le requérant, qui n'assortit d'ailleurs sa critique d'aucune précision et, en particulier, ne soutient pas qu'une catégorie de lieux ou d'établissement aurait été à tort incluse dans le champ d'application de ces mesures ou que d'autres exceptions auraient dû être prévues, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions qu'il conteste présenteraient un caractère disproportionné.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 460958
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 460958
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460958.20221222
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