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22/12/2022 | FRANCE | N°460376

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 décembre 2022, 460376


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 460376, par une requête enregistrée le 12 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... P... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expos

itions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sp...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 460376, par une requête enregistrée le 12 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... P... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 460389, par une requête enregistrée le 11 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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3° Sous le numéro 460607, par une requête enregistrée le 19 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. O... J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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4° Sous le numéro 460766, par une requête enregistrée le 24 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Q... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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5° Sous le numéro 460919, par une requête enregistrée le 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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6° Sous le numéro 460981, par une requête enregistrée le 31 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Gingko Développement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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7° Sous le numéro 461052, par une requête enregistrée le 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. R... G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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8° Sous le numéro 461830, par une requête enregistrée le 23 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... N... épouse H... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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9° Sous le numéro 462028, par une requête enregistrée le 31 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif de Montpellier et renvoyée au Conseil d'Etat par une ordonnance du 3 mars 2022 du président de ce tribunal enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner avant dire droit au Premier ministre de produire aux débats l'ensemble des éléments à sa disposition permettant d'établir ou tout du moins de corroborer que le " passe sanitaire " présente un caractère nécessaire pour la protection de la santé publique dans l'ensemble des établissements concernés, notamment les restaurants et débits de boissons, les expositions et salons, les spectacles, les projets et conférences, les salles de sports couvertes et de plein air, les chapiteaux, tentes et structures, les salles de danse et salles de jeux, les musées et salles destinés à recevoir des expositions culturelles ainsi que les bibliothèques ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2-2, 2-3 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre de mettre fin dans les plus brefs délais, à titre principal, au " passe sanitaire " dans tous les lieux, établissements, activités et transports où celui-ci est applicable dans le cadre des dispositions attaquées ou, à titre subsidiaire, à toute discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées et en prévoyant un régime juridique identique sans recourir à aucune incitation vaccinale, sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ;

- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;

- la décision n° 2021-819 DC du Conseil constitutionnel du 31 mai 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Mme L... P..., M. K... C..., M. O... J..., M. Q... D..., M. B... E..., la SARL Gingko Développement, M. R... G..., Mme F... N... épouse H... et M. I... A... demandent l'annulation des dispositions des articles 2-2, 2-3 et 47 du décret du 1er juin 2021, dans sa version résultant des décrets du 29 septembre 2021, du 25 novembre 2021, du 26 novembre 2021, du 13 janvier 2022, du 22 janvier 2022, du 31 janvier 2022 et du 14 février 2022 et de l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021, dans sa version résultant de l'arrêté du 14 octobre 2021 en tant, d'une part, qu'elles subordonnent, pour les personnes ne pouvant justifier ni d'un schéma vaccinal complet ni d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la Covid-19, l'accès à certains établissements, lieux, services et événements à la présentation du résultat négatif d'un test ou d'un examen de dépistage et, d'autre part, qu'elles mettent fin à la prise en charge de ces tests par l'assurance maladie.

3. La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans ses versions applicables aux litiges, prévoit au 2° du A du II de son article 1er que le Premier ministre peut, par décret, subordonner à la présentation d'un " passe sanitaire " l'accès à certains lieux, établissements et services où sont exercées certaines activités limitativement énumérées. Le B du II du même article prévoit que la présentation du " passe sanitaire " est réalisée sous une forme permettant aux personnes et aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître les données strictement nécessaires à l'exercice de leur contrôle et ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d'en connaître la nature. Elle ne s'accompagne d'une présentation de documents officiels d'identité que lorsque ceux-ci sont exigés par les forces de l'ordre. Toutefois, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente, les personnes et services autorisés à assurer le contrôle du " passe sanitaire " peuvent demander à la personne concernée de produire un document officiel comprenant sa photographie afin de vérifier la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Ils ne sont pas autorisés à conserver ou à réutiliser ce document ou les informations qu'il contient, sous peine de sanctions.

4. D'une part, l'article 2-2 du décret attaqué précise les modalités de justification du " passe sanitaire ", qui peuvent s'effectuer par le résultat d'un examen de dépistage virologique RT-PCR ou antigénique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 de moins de 24 heures, par un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid-19 ou par un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la Covid-19. L'article 2-3 du décret attaqué autorise certaines personnes et certains services limitativement énumérés à habiliter nommément des personnes et des services à contrôler les justificatifs du " passe sanitaire ", précise les informations pouvant être portées à la connaissance des personnes en charge de ces contrôles et prévoit des modalités d'information relatives à ces contrôles. L'article 47-1 établit la liste des établissements, lieux, services et événements dont l'accès est subordonné à la présentation d'un " passe sanitaire ". D'autre part, l'article 24 de l'arrêté attaqué met fin à la prise en charge générale par l'assurance maladie du coût des examens de dépistage ou des tests de détection à la Covid-19 et la réserve à certaines catégories d'assurés sociaux.

Sur la légalité externe des actes attaqués :

5. Les dispositions citées au point 3 n'imposent au pouvoir réglementaire ni qu'il précise les modalités de réalisation des tests de dépistage et de contrôle du " passe sanitaire ", ni que le décret doive être précédé d'une étude d'impact. Les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'elles seraient entachées d'" incompétence négative " au motif qu'elles introduiraient des inégalités de traitement et n'expliciteraient pas les possibles exemptions du " passe sanitaire " pour des raisons syndicales, politiques ou culturelles.

Sur la légalité interne des actes attaqués :

6. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que les dispositions attaquées sont intervenues dans un contexte de forte reprise épidémique qui s'est maintenu durant plusieurs semaines, avec des augmentations significatives du taux d'incidence, du nombre des hospitalisations, des admissions en services de soins intensifs et des décès, alors que la couverture vaccinale, en augmentation, restait encore insuffisante. Un renforcement des mesures visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 était ainsi nécessaire pour maîtriser cette nouvelle vague épidémique. L'instauration d'un " passe sanitaire ", selon les modalités fixées par les textes successifs qui en ont défini les conditions d'obtention et la durée de validité, a permis de maintenir l'accès à certains lieux, établissements ou événements présentant, par leur nature et leurs caractéristiques, un risque de contamination accru à raison de la densité de personnes présentes et de la plus grande difficulté à y faire respecter les règles de distanciation sociale. Le moyen tiré de ce que les mesures ainsi prises n'auraient pas été nécessaires, proportionnées et adaptées au regard de la situation sanitaire existant sur le territoire national à la date des décrets attaqués, qui ne repose que sur des considérations de portée générale ou des éléments inopérants, ne peut qu'être écarté, de même que ceux tirés de ce qu'elles porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ou méconnaîtraient le principe d'égalité.

7. En deuxième lieu, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'en subordonnant la validité du " passe sanitaire " à l'injection d'une dose supplémentaire d'un vaccin à ARNm, le pouvoir réglementaire aurait méconnu les objectifs à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction, de sauvegarde de l'ordre public et de protection de la santé publique au motif que l'inoculation des vaccins anéantirait toute possibilité d'engager effectivement des poursuites pénales et civiles en cas d'effets indésirables graves.

8. En troisième lieu, les dispositions attaquées énumèrent limitativement les personnes et services autorisés à habiliter des personnes pour procéder au contrôle du " passe sanitaire " et les informations auxquelles ils ont accès. Elles mettent en place un registre précisant les modalités de mise en œuvre de ces contrôles. Si elles permettent à certaines personnes privées exploitant des lieux, activités ou services dont l'accès est subordonné à la présentation d'un " passe sanitaire " de demander aux intéressés de produire un document officiel d'identité avec photographie, une telle demande a pour seul objet de vérifier la concordance entre les éléments d'identité du " passe sanitaire " et le document d'identité, les documents d'identité ne pouvant être conservés ou réutilisés par eux, sous peine de sanctions. En outre, le refus de la personne intéressée de produire un tel document a pour seule conséquence l'impossibilité pour la personne d'accéder au lieu. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe de non délégation des missions de police à des personnes privées, ainsi que de la violation du droit au respect de la vie privée et du secret médical, ne peuvent qu'être écartés.

9. En quatrième lieu, les dispositions attaquées ne sauraient être regardées, eu égard à la nature du dispositif du " passe sanitaire " et aux lieux, événements, services et activités dont l'accès est subordonné à la présentation d'un tel document, comme instaurant une obligation vaccinale déguisée.

10. En cinquième lieu, les personnes non vaccinées sont, au regard du risque de contamination à la Covid-19 et du risque de contracter une forme grave de la maladie, dans une situation différente des personnes justifiant d'un schéma vaccinal complet. La circonstance que les tests de dépistage ne soient plus pris en charge par l'assurance maladie pour l'ensemble des assurés sociaux, sans distinction au regard de leur niveau de ressources, n'est pas de nature à entacher de disproportion manifeste cette différence de traitement au regard des objectifs poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination ne peut qu'être écarté.

11. En dernier lieu, les autres moyens des requêtes ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que Mme P... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions des articles 2-2, 2-3 et 47 du décret du 1er juin 2021 modifié et de l'article 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 modifié. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de Mme P..., M. C..., M. J..., M. E..., la société Gingko Développement, M. G..., Mme M... et M. A... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme L... P..., M. K... C..., M. O... J..., M. B... E..., la société Gingko Développement, M. R... G..., Mme F... M..., M. I... A... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 460376
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 460376
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460376.20221222
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