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22/12/2022 | FRANCE | N°453648

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 décembre 2022, 453648


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 30 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 23-2 du décret n° 2021-685 du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021, en tant qu'il fait obligation à tout voyageur en provenance de la Réunion et à destination du reste du territoire national de produire un test PCR négatif, en sus d'un justificatif de statut vaccinal ;

2°) d'or

donner que la production d'une vaccination reconnue valable n'ait pas à s'accompagn...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 30 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 23-2 du décret n° 2021-685 du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021, en tant qu'il fait obligation à tout voyageur en provenance de la Réunion et à destination du reste du territoire national de produire un test PCR négatif, en sus d'un justificatif de statut vaccinal ;

2°) d'ordonner que la production d'une vaccination reconnue valable n'ait pas à s'accompagner de la production d'un test PCR.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 1° du I de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué, le Premier ministre peut " aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : / 1° Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l'accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé (...) ".

2. Pris sur le fondement des dispositions mentionnées au point 1, le II de l'article 23-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa version issue du décret du 7 juin 2021, dispose : " II.- Toute personne souhaitant se déplacer entre La Réunion ou Mayotte et le reste du territoire national doit, si elle est âgée de onze ans ou plus, être munie : / 1° Du résultat d'un examen de dépistage mentionné au 1° de l'article 2-2 réalisé moins de 72 heures avant le déplacement ou d'un test mentionné à ce même 1° réalisé moins de 48 heures avant le déplacement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Et d'un justificatif de son statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2. Par dérogation, un tel justificatif n'est pas requis pour les personnes mineures accompagnant une ou des personnes majeures qui en sont munies. Les déplacements des autres personnes n'en disposant pas ne sont autorisés que s'ils sont fondés sur un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé. Ces personnes doivent se munir des documents permettant de justifier du motif de leur déplacement et d'une déclaration sur l'honneur attestant : / - qu'elles acceptent qu'un test ou examen de dépistage mentionné au 1° de l'article 2-2 puisse être réalisé à leur arrivée ; / - qu'elles s'engagent à respecter un isolement prophylactique de sept jours après leur arrivée et à réaliser, au terme de cette période, un examen de dépistage mentionné au 1° de l'article 2-2. (...°) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du décret du 7 juin 2021, le taux d'incidence de l'épidémie à la Réunion se maintenait à un niveau élevé, et en augmentation lors de la semaine du 24 au 30 mai 2021, alors que le nombre de nouveaux cas était en baisse en Europe et que dans son rapport hebdomadaire, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies indiquait que la propagation de l'épidémie sur le territoire de l'Union européenne et de l'Espace économique européen était en diminution depuis plusieurs semaines, tout comme le taux d'hospitalisation et de mortalité, ce qui a justifié le classement des Etats membres de l'Union européenne en " zone verte ", caractérisée par une faible circulation du virus, par un arrêté du 7 juin 2021. Plus des deux tiers des contaminations détectées à la fin du mois de mai 2021 à la Réunion concernaient les variants sud-africain et brésilien, dont les conséquences, notamment au regard des vaccins mis sur le marché, étaient encore incertaines à cette date, justifiant de faire preuve d'une vigilance particulière à l'égard des voyageurs en provenance de ce territoire. En outre, le taux de couverture vaccinale en population générale à La Réunion était particulièrement faible à cette date, de l'ordre de 10 %, de sorte que la probabilité qu'un voyageur en provenance de ce territoire, même vacciné, soit porteur du virus, était plus élevé que dans les autres Etats de l'Union européenne, où la couverture vaccinale était plus étendue. Dans ces conditions, la différence de traitement résultant du décret litigieux entre les voyageurs vaccinés en provenance de la Réunion, qui devaient présenter le résultat négatif d'un test épidémiologique, et ceux qui venaient d'un autre pays de l'Union européenne, qui étaient dispensés de cette exigence, est en rapport direct avec l'objet de la norme, justifiée par la différence de situation sanitaire et n'est pas manifestement disproportionnée, alors que la présentation du résultat négatif d'un test épidémiologique avant d'effectuer un voyage aérien constitue une contrainte limitée.

4. En second lieu, la mesure critiquée étant justifiée par des motifs de santé publique et ayant pour objet de lutter contre la propagation du virus Sars-CoV-2, conformément aux dispositions de la loi du 31 mai 2021 citées au point 1, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 453648
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 453648
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453648.20221222
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