Vu les procédures suivantes :
Les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 ont demandé à la cour administrative d'appel de Versailles, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de leur délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un projet d'extension de 4 350 m² de l'ensemble commercial " Family Village Aubergenville ", d'autre part, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de rendre un avis favorable au projet. Par un arrêt n° 19VE03316 du 5 août 2021, la cour administrative d'appel a annulé cet arrêté et enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de rendre un avis favorable au projet dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
1° Sous le n° 457247, par une décision du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi des sociétés MGE Normandie et Normandie Parc et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie dirigées contre l'arrêt du 5 août 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2, et n'a pas admis les conclusions du pourvoi dirigées contre le surplus de l'arrêt attaqué.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 19 septembre 2022, les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 concluent au rejet du pourvoi et à ce que soit mise solidairement à la charge des sociétés MGE Normandie et Normandie Parc et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 457249, par une décision du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi des sociétés One Nation Paris et Catinvest dirigées contre l'arrêt du 5 août 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2, et n'a pas admis les conclusions du pourvoi dirigées contre le surplus de l'arrêt attaqué.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 19 septembre 2022, les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 concluent au rejet du pourvoi et à ce que soit mise solidairement à la charge des sociétés One Nation Paris et Catinvest la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 31 août 2022, les sociétés One Nation Paris et Catinvest maintiennent, par les mêmes moyens, leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et à ce que soit mise solidairement à la charge des sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société MGE Normandie, de la société Normandie Parc et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Alta Crp Aubergenville et de la société Aubergenville 2, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société One Nation Paris et de la société Catinvest ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 ont déposé, le 3 décembre 2018, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension de 4 350 m² de la surface de vente du centre commercial " Family Village Aubergenville ", situé dans la commune d'Aubergenville. Le projet a reçu un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des Yvelines le 28 janvier 2019. Saisie de recours formés par plusieurs sociétés et organismes, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis défavorable au projet le 16 mai 2019. Par un arrêté du 6 août 2019, le maire d'Aubergenville a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation de ce projet. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc et la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie, d'une part, et les sociétés One Nation Paris et Catinvest, d'autre part, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 5 août 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, saisie d'une requête des sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2, a annulé cet arrêté. Par sa décision du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a prononcé l'admission des conclusions de ces pourvois qu'en tant que l'arrêt du 5 août 2021 a statué sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 dans le cadre de l'instance n° 457247 :
2. La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la CNAC d'un recours préalable obligatoire contestant l'avis favorable délivré par la CDAC sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel compétente en ce qu'elle concerne la décision de l'autorité administrative en tant qu'elle refuse de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité.
3. En l'espèce, les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Eure ont saisi, le 8 mars 2019, la CNAC d'un recours préalable contre l'avis de la CDAC des Yvelines du 28 janvier 2019 sur le projet litigieux. Si, dans son avis du 16 mai 2019, la CNAC a rejeté comme irrecevable ce recours, faute pour ses auteurs d'être au nombre des personnes habilitées à former un tel recours mentionnées au premier alinéa du I de l'article L. 752-17 du code de commerce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc étaient, à la date de cet avis, titulaires d'une autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création d'un ensemble commercial sur la commune de Douains, située dans la zone de chalandise du projet litigieux, et ont fait état, devant la cour administrative d'appel de Versailles, d'éléments de nature à établir que ce projet serait susceptible de porter atteinte aux conditions de mise en œuvre et d'exploitation de cet ensemble commercial. Par suite, les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, dont le recours préalable a été jugé à tort irrecevable par la CNAC, ont bien, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2, la qualité de parties en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel de Versailles en ce qu'elle concerne la décision du maire d'Aubergenville en tant qu'elle refuse la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicitée par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2. Ainsi, leur pourvoi en cassation présenté conjointement avec la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie contre l'arrêt annulant cette décision est recevable.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 :
4. En vertu des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la CNAC. L'annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement d'un avis défavorable rendu par la CNAC n'implique, en principe, qu'un réexamen du projet par cette commission. Il n'en va autrement que lorsque les motifs de l'annulation impliquent nécessairement la délivrance d'un avis favorable.
5. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les motifs de l'avis défavorable rendu par la CNAC le 16 mai 2019 ne concernaient qu'un seul des trois objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, ainsi que le font valoir les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et les sociétés One Nation Paris et Catinvest, la censure, par l'arrêt attaqué, des motifs retenus par la CNAC pour rendre un avis défavorable n'impliquait pas nécessairement que la commission émette un avis favorable sur le projet litigieux. La cour administrative d'appel de Versailles a, dès lors, commis une erreur de droit en lui enjoignant, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de rendre un tel avis.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et les sociétés One Nation Paris et Catinvest sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et des sociétés One Nation Paris et Catinvest qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et les sociétés One Nation Paris et Catinvest, au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 5 août 2021 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi des sociétés MGE Normandie et Normandie Parc et de la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie et du pourvoi des sociétés One Nation Paris et Catinvest est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée aux sociétés MGE Normandie et Normandie Parc, à la chambre de commerce et d'industrie territoriale Portes de Normandie, aux sociétés One Nation Paris et Catinvest et aux sociétés Alta Crp Aubergenville et Aubergenville 2.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 octobre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Fradel
Le secrétaire :
Signé : M. Jean-Marie Baune