La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2022 | FRANCE | N°455120

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 20 décembre 2022, 455120


Vu la procédure suivante :

Le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a saisi la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Auvergne-Rhône-Alpes d'une plainte contre Mme B... A.... Par une décision du 11 décembre 2019, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte.

Par une décision du 31 mai 2021, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, sur appel du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, annulé cette décision et inflig

à Mme A... la sanction de l'avertissement.

Par un pourvoi sommaire et un mé...

Vu la procédure suivante :

Le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a saisi la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Auvergne-Rhône-Alpes d'une plainte contre Mme B... A.... Par une décision du 11 décembre 2019, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte.

Par une décision du 31 mai 2021, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, sur appel du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, annulé cette décision et infligé à Mme A... la sanction de l'avertissement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 26 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du conseil national de L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 11 décembre 2019, la chambre disciplinaire de première instance d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a rejeté la plainte formée contre Mme A..., masseur-kinésithérapeute, par le Conseil national de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes. Le Conseil national de l'ordre se pourvoit en cassation contre la décision du 31 mai 2021 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de cet ordre a, sur son appel, prononcé à l'encontre de Mme A... la sanction de l'avertissement.

2. Aux termes de l'article L. 4321-1 du code de la santé publique, tel qu'applicable au litige : " La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement : / 1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ; / 2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles ". Aux termes de l'article R. 4321-1 du même code : " La masso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l'altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu'elles sont altérées, de les rétablir ou d'y suppléer. Ils sont adaptés à l'évolution des sciences et des techniques ".

3. L'article L. 4321-21 du code de la santé publique dispose que : " Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, fixe les règles du code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes. Ces dispositions se limitent aux droits et devoirs déontologiques et éthiques de la profession à l'égard de ses membres, des autres professionnels de santé et à l'égard des patients (...) ". Aux termes de l'article R. 4321-51 du même code : " Les dispositions du présent code de déontologie s'imposent aux masseurs-kinésithérapeutes inscrits au tableau de l'ordre (...) ".

4. D'une part, dans l'exercice de la masso-kinésithérapie, telle que définie par les dispositions citées ci-dessus des articles L. 4321-1 et R. 4321-1 du code de la santé publique, les masseurs-kinésithérapeutes sont soumis aux obligations déontologiques fixées par l'article R. 4321-80 du code de la santé publique, qui dispose que : " Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le masseur-kinésithérapeute s'engage personnellement à assurer au patient des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données actuelles de la science ", ainsi qu'à celles fixées par l'article R. 4321-87 du même code qui dispose que : " Le masseur-kinésithérapeute ne peut conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme étant salutaire ou sans danger, un produit ou un procédé, illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite ". D'autre part, ces praticiens sont également soumis, pour toute autre activité, aux dispositions de l'article R. 4321-68 du même code, aux termes desquelles : " Un masseur-kinésithérapeute peut exercer une autre activité, sauf si un tel cumul est incompatible avec l'indépendance, la moralité et la dignité professionnelles ou est susceptible de lui permettre de tirer profit de ses prescriptions. / Dans le cadre de cette autre activité, après accord du conseil départemental de l'ordre, il peut utiliser son titre de masseur-kinésithérapeute ".

5. Il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que, pour écarter, en ce qui concerne l'exercice par Mme A... d'une activité de " microkinésithérapie " dans son cabinet principal, tout manquement aux articles R. 4321-80 et R. 4321-87 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale, après avoir relevé qu'une telle activité n'était pas fondée sur les données actuelles de la science, s'est fondée sur la seule circonstance que l'intéressée avait exercé cette activité dans un cadre distinct de son activité de soins de masso-kinésithérapie, sans créer, s'agissant de ce cabinet principal, de confusion dans l'esprit des patients.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui étaient soumis que la " microkinésithérapie ", présentée comme une technique visant à solliciter, dans une finalité thérapeutique, des mécanismes " d'auto-guérison " de l'organisme par des " micropalpations " doit être regardée, quand bien même un tel traitement présente un caractère illusoire ou insuffisamment éprouvé, comme relevant du champ de la masso-kinésithérapie telle que définie par les articles L. 4321-1 et R. 4321-1 du code de la santé publique et que le praticien est dès lors, à ce titre, soumis aux obligations déontologiques applicables à l'activité de masseur-kinésithérapeute, la chambre disciplinaire nationale a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes du 31 mai 2021 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et à Mme B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455120
Date de la décision : 20/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2022, n° 455120
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455120.20221220
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award