Vu la procédure suivante :
Le syndicat CFDT Interco de l'Orne a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 janvier 2017 du directeur des ressources humaines du conseil départemental de l'Orne portant transfert du local syndical de Flers à la Ferté-Macé, ainsi que la décision du 23 mars 2017 du directeur général des services du conseil départemental de l'Orne rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1700996 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19NT02094 du 18 mai 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du syndicat CFDT Interco de l'Orne, d'une part, annulé la décision du 30 janvier 2017 et le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de cette décision et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet et 19 octobre 2021 et 14 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CFDT Interco de l'Orne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel ;
2°) de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Orne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT Interco de l'Orne et à la SARL Didier-Pinet, avocat du Département de l'Orne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat CFDT Interco de l'Orne occupait depuis 2009 un local syndical situé dans les bâtiments de la circonscription d'action sociale de Flers. Le 30 janvier 2017, le directeur des ressources humaines du conseil départemental de l'Orne a décidé de transférer ce local dans les locaux de l'agence départementale des infrastructures routières de la Ferté-Macé, situé à 27 km de Flers. Le syndicat CFDT Interco de l'Orne a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 23 mars 2017 par le directeur général des services du département. Par un jugement du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande du syndicat tendant à l'annulation de ces deux décisions. Le syndicat CFDT Interco de l'Orne se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'après avoir, sur appel de ce syndicat, annulé la décision du 30 janvier 2017 et le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait rejeté la demande d'annulation de cette décision, il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Et aux termes de l'article L. 110-1 du même code : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le directeur général des services du département de l'Orne a statué, par la décision du 23 mars 2017, sur le recours gracieux du syndicat CFDT Interco de l'Orne et donc sur une demande de ce dernier, au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 2. Il suit de là que le moyen d'appel tiré de ce que cette décision aurait été irrégulière, faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire préalable, était inopérant. Ce motif, qui répond au moyen invoqué devant la cour et n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit que la cour aurait commise en écartant le moyen relatif à la régularité de la procédure de prise de la décision du 23 mars 2017 ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes du cinquième alinéa de l'article 100 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les collectivités et établissements employant au moins cinquante agents doivent mettre à la disposition des organisations syndicales représentatives, sur leur demande, des locaux à usage de bureau. A défaut d'une telle mise à disposition, ces collectivités et établissements leur versent une subvention permettant de louer un local et de l'équiper ". Aux termes de l'article 3 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : " Lorsque les effectifs du personnel d'une collectivité ou d'un établissement relevant de la loi du 26 janvier 1984 précitée sont égaux ou supérieurs à cinquante agents, l'autorité territoriale doit mettre un local commun à usage de bureau à la disposition des organisations syndicales ayant une section syndicale dans la collectivité ou l'établissement et représentées au comité technique paritaire local ou au conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Dans toute la mesure du possible, l'autorité territoriale met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations ". Et aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales sont normalement situés dans l'enceinte des bâtiments administratifs. Toutefois, en cas d'impossibilité, ces locaux peuvent être situés en dehors de l'enceinte des bâtiments administratifs. Si la collectivité ou l'établissement est contraint de louer des locaux, il en supporte alors la charge. / Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent les équipements indispensables à l'exercice de l'activité syndicale (...) ".
5. D'une part, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le nouveau local attribué par le département de l'Orne, à usage de bureau, est situé dans l'enceinte d'un bâtiment administratif de cette collectivité territoriale et comporte l'ensemble des équipements indispensables à l'exercice de l'activité syndicale, conformément aux dispositions mentionnées au point précédent. D'autre part, la cour a relevé, par une appréciation souveraine dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée de dénaturation, que le changement d'emplacement du local syndical résulte de la volonté du département de mettre fin à des relations conflictuelles entre l'un des représentants syndicaux et la responsable de la circonscription d'action sociale de Flers et à des dysfonctionnements, d'ailleurs dénoncés à plusieurs reprises par ce syndicat, affectant les conditions de travail des représentants syndicaux en raison d'entrées intempestives d'usagers de ce service à l'intérieur du local et de nuisances sonores. La cour a également relevé qu'il n'était pas établi que le transfert du local syndical à La Ferté-Macé, distant de 27 km du précédent local, serait de nature à empêcher les agents en poste à Flers de consulter leurs représentants syndicaux ou à faire obstacle à l'exercice des fonctions de ces derniers, alors qu'il était constant que le syndicat CFDT Interco de l'Orne n'a pas donné suite à une proposition d'implantation de son local au siège du conseil départemental à Alençon. En se fondant sur ces différents constats pour juger que la décision du 23 mars 2017 n'a méconnu ni le principe de la liberté syndicale consacré par le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ni les dispositions de l'article 100 de la loi du 26 janvier 1984 et des articles 3 et 4 du décret du 3 avril 1985 cités au point 4, la cour administrative d'appel de Nantes, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
6. Il résulte de ce qui précède que le syndicat CFDT Interco de l'Orne n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
Sur les frais du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de l'Orne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de l'Orne la somme de 3 000 euros à verser au département de l'Orne au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du syndicat CFDT Interco de l'Orne est rejeté.
Article 2 : Le syndicat CFDT de l'Orne versera au département de l'Orne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat CFDT Interco de l'Orne et au département de l'Orne.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. François Lelièvre
La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat