La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2022 | FRANCE | N°461747

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 16 décembre 2022, 461747


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Nantes, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sa décision du 8 novembre 2021 par laquelle elle a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de M. D... B... et de Mme A... C..., candidats à l'élection départementale qui s'est déroulée les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire), et décidé que les intéressés n'avaient pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat. Pa

r un jugement n° 2112901 du 3 février 2022, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Nantes, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sa décision du 8 novembre 2021 par laquelle elle a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de M. D... B... et de Mme A... C..., candidats à l'élection départementale qui s'est déroulée les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire), et décidé que les intéressés n'avaient pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat. Par un jugement n° 2112901 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a déclaré M. B... et Mme C... inéligibles pour une durée de six mois.

Par une requête enregistrée le 21 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible, pas plus que Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que par une décision du 8 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de M. D... B... et de Mme A... C..., candidats à l'élection départementale qui s'est déroulée les

20 et 27 juin 2021 dans le canton de Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire). En application de l'article L.52-15 du code électoral, la CNCCFP a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 3 février 2022, a déclaré M. B... et Mme C... inéligibles pour une durée de six mois. M. B... fait appel de ce jugement.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 52-3-1 du code électoral : " Pour l'application du présent chapitre aux scrutins binominaux, les membres du binôme exercent les droits reconnus aux candidats et sont tenus aux obligations qui s'imposent à eux, de manière indissociable. / Les membres du binôme déclarent un mandataire unique et déposent un compte de campagne unique ". Aux termes de l'article L. 52-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " I. Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...). / II. Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le manquement à l'obligation de déposer un compte de campagne est constitué à la date à laquelle expire le délai imparti au candidat pour procéder à ce dépôt, lequel est impératif et ne peut être prorogé.

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 52-15 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, (...) la commission saisit le juge de l'élection. (...) ". Aux termes de l'article L. 118-3 de ce code, dans sa rédaction issue de cette même loi : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; (...) L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) ". En application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

4. Il résulte de l'instruction que le binôme de candidats constitué par M. B... et Mme C... a obtenu 3,15 % des suffrages exprimés au premier tour de l'élection départementale qui s'est déroulée le 20 juin 2021 dans le canton de Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire). Il est constant que les intéressés ont déposé leur compte de campagne le 19 octobre 2021, soit un mois après l'expiration du délai imparti fixé au 17 septembre 2021 en application de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, des pièces produites pour la première fois en appel, d'une part, que les intéressés ont déposé ce compte dès réception de la mise en demeure qui leur a été adressée par la CNCCFP le 13 octobre 2021 et, d'autre part, qu'ils pouvaient légitimement penser que leur mandataire financière procèderait à ce dépôt dans le délai requis, dès lors qu'ils avaient signé ce compte dès le 15 août 2021 et que M. B... avait échangé avec la mandataire pour lui rappeler la nécessité de déposer ce compte dans les délais. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère non délibéré du manquement en cause et à l'absence de dépense et de recette présentée par le compte de campagne, il n'y a pas lieu de déclarer M. B... et sa binôme Mme C... inéligibles.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a déclaré, ainsi que Mme C..., inéligibles pour une durée de six mois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2022 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de déclarer M. B... et Mme C... inéligibles en application de l'article L. 118-3 du code électoral.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... B..., à Mme A... C... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Guiard

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 461747
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2022, n° 461747
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461747.20221216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award