Vu la procédure suivante :
Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 4 juillet 2022 par laquelle la commission académique du rectorat de Dijon a rejeté son recours préalable contre la décision du 31 mai 2022 par laquelle l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de la Côte-d'Or, a rejeté la demande d'autorisation d'instruction dans la famille qu'elle avait formée pour son fils A... au titre de l'année scolaire 2022-2023. Par une ordonnance n°s 2201725, 2201909 du 28 juillet 2022, le juge des référés a suspendu l'exécution de la décision de la commission académique et enjoint au recteur de l'académie de Dijon de lui délivrer une autorisation d'instruire leur fils en famille à titre provisoire.
Par un pourvoi, enregistré le 11 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, notamment son article 49 ;
- le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Dijon que Mme C... a demandé l'autorisation d'instruire son fils A... dans la famille pour l'année scolaire 2022-2023. Par une décision du 31 mai 2022, l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de la Côte-d'Or, a refusé d'accorder cette autorisation et a ordonné la scolarisation de l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au titre de l'année scolaire 2022-2023. Par une décision du 4 juillet 2022, la commission académique du rectorat de Dijon a rejeté le recours préalable que Mme C... a formé contre la décision du 31 mai 2022. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 juillet 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu l'exécution de la décision de la commission académique et enjoint au recteur de l'académie de Dijon de délivrer à Mme C... une autorisation d'instruire son fils en famille à titre provisoire.
3. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence. / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : / 1° L'état de santé de l'enfant ou son handicap ; / 2° La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; / 3° L'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; / 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu'elle est justifiée par l'un des motifs prévus au 1°. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de délivrance de cette autorisation. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation peut convoquer l'enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d'instruire l'enfant à un entretien afin d'apprécier la situation de l'enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l'instruction en famille. / En application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant deux mois par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation sur une demande d'autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d'acceptation. / La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret. / Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l'enfant sont informés de la délivrance de l'autorisation (...) ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.
4. Aux termes de l'article R. 131-11-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du décret du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille : " Lorsque la demande d'autorisation est motivée par l'état de santé de l'enfant, elle comprend un certificat médical de moins d'un an sous pli fermé attestant de la pathologie de l'enfant. / Lorsque la demande d'autorisation est motivée par la situation de handicap de l'enfant, elle comprend le certificat médical prévu par l'article R. 146-26 du code de l'action sociale et des familles sous pli fermé ou les décisions relatives à l'instruction de l'enfant de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. / Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le directeur académique des services de l'éducation nationale transmet le certificat médical sous pli fermé au médecin de l'éducation nationale. Celui-ci rend un avis sur cette demande. / Une autorisation justifiée par l'état de santé de l'enfant ou son handicap peut être accordée pour une durée maximale de trois années scolaires ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, régulièrement saisie d'une demande en ce sens, d'autoriser l'instruction d'un enfant dans sa famille lorsqu'il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d'enseignement public ou privé ou lorsque l'instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt.
6. Pour estimer que le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision refusant l'instruction du jeune A... C... dans sa famille était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce que les dispositions législatives et réglementaires encadrant la délivrance d'une autorisation d'instruction en famille en raison de l'état de santé de l'enfant ne limitent pas la délivrance d'une telle autorisation au seul cas où l'état de santé de l'enfant fait obstacle à toute scolarisation. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en retenant que ce moyen était propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision, le juge des référés, eu égard à son office, n'a pas commis d'erreur de droit. Par suite, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme B... C....