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09/12/2022 | FRANCE | N°448108

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 09 décembre 2022, 448108


Vu la procédure suivante :

La société Les Sablières de l'Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie le 3 janvier 2012. Par un jugement n° 1210174 du 2 décembre 2014, le tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NT00512 du 1er juillet 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la ministre de la culture et de la communication contre ce jugement.

Par une décision n° 403028 du 3 décembre 2018, le Conse

il d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la ministre de la cul...

Vu la procédure suivante :

La société Les Sablières de l'Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie le 3 janvier 2012. Par un jugement n° 1210174 du 2 décembre 2014, le tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NT00512 du 1er juillet 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la ministre de la culture et de la communication contre ce jugement.

Par une décision n° 403028 du 3 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la ministre de la culture et de la communication, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Par un arrêt n° 18NT04279 du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a de nouveau rejeté l'appel formé par la ministre de la culture et de la communication contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 décembre 2014.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 23 décembre 2020, 23 mars 2021, 15 décembre 2021, 6 avril 2022 et 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la culture demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer jusqu'à l'achèvement de la procédure ouverte par la Commission européenne en application de l'article 108 paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les activités de diagnostic d'archéologie préventive accomplies par un établissement public national et les services archéologiques habilités des collectivités territoriales ou de leur groupement, qui ont pour objet d'assurer la conservation du patrimoine archéologique et qui sont indispensables pour permettre à l'Etat de prescrire en vertu de prérogatives de puissance publique l'accomplissement de mesures de protection du patrimoine archéologique, doivent-elles être regardées, à la lumière notamment de la Communication de la Commission européenne du 19 juillet 2016 relative à la notion d'aide d'Etat, comme des activités de nature économique pour l'application des articles 106 et 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' " ;

4°) de mettre à la charge de la société la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 ;

- la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 ;

- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ;

- le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la ministre de la culture et à la SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET et Associés, avocat de la société Les Sablières de l'Atlantique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Les Sablières de l'Atlantique a obtenu le 14 juin 2011, sur le fondement du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l'exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains, l'autorisation de procéder à l'extraction de granulats dans une zone située au large des côtes du département de la Loire-Atlantique, entre Saint-Nazaire et La Baule, et qu'à raison de cette autorisation, elle a été assujettie à la redevance d'archéologie préventive pour un montant de 1 207'556'euros. La ministre de la culture se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, saisie de nouveau après cassation d'un premier arrêt par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n° 403028 du 3 décembre 2018, a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Nantes prononçant la décharge de cette redevance, au motif que cet impôt présentait le caractère d'une aide d'Etat qui n'a pas été notifiée à la Commission européenne.

Sur le cadre juridique européen :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". Aux termes de l'article 108 du traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. (...) ".

3. Il résulte des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives aux aides d'Etat citées au point 2 ci-dessus, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application de ces stipulations, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de telle sorte qu'elles fassent partie intégrante de cette mesure. La Cour de justice a précisé, notamment par son arrêt du 22 décembre 2008, Société Régie Networks (C-333/07), que, pour qu'une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide et influence directement l'importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. Par son arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Television Digital c/ Commission (C-449/14), la Cour de justice a jugé qu'il n'y avait pas de lien d'affectation contraignant entre une taxe et une aide dans un cas où le montant des aides octroyées est déterminé en fonction de critères sans rapport avec les recettes fiscales affectées, où la législation nationale prévoit qu'un éventuel excédent de ces recettes par rapport à ces aides doit être réattribué au budget général de l'Etat, et où l'Etat doit combler la différence entre le montant des coûts des missions de service public supportés et celui des recettes fiscales affectées.

Sur le cadre juridique national :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code du patrimoine : " L'archéologie préventive (...) relève de missions de service public (...) ". Aux termes de l'article L. 523-1 du même code : " (...) les diagnostics d'archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif qui les exécute conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants (...). / L'établissement public assure l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive et la diffusion de leurs résultats. Il concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie. (...) ". Aux termes de l'article L. 523-8 de ce code, qui codifie les dispositions de l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive telles que modifiées par l'article 6 de la loi du 1er août 2003 : " La réalisation des opérations de fouilles d'archéologie préventive (...) incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. Celle-ci fait appel, pour leur mise en œuvre, soit à l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1, soit à un service archéologique territorial, soit, dès lors que sa compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l'Etat, à toute autre personne de droit public ou privé. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 524-1 du code du patrimoine, dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 : " Le financement de l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1 est assuré notamment : a) Par la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article L. 524-2 ; b) Par les subventions de l'Etat ou de toute autre personne publique ou privée ; c) Par les rémunérations qu'il perçoit en contrepartie des opérations de fouilles qu'il réalise ". Aux termes de l'article L. 524-11 du même code : " Après encaissement de la redevance, le comptable public compétent en reverse le produit à l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1 ou, dans le cas mentionné au b de l'article L. 523-4, à la collectivité territoriale ou au groupement de collectivités territoriales après déduction des frais d'assiette et de recouvrement et après prélèvement du pourcentage du produit de la redevance alimentant le Fonds national pour l'archéologie préventive prévu à l'article L. 524-14. (...) ". Aux termes de l'article L. 524-14 de ce code : " Il est créé, dans les comptes de l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1, un Fonds national pour l'archéologie préventive. / Les recettes du fonds sont constituées par un prélèvement sur le produit de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article L. 524-2. La part du produit de la redevance qui lui est affectée ne peut être inférieure à 30 %. Elle est fixée chaque année par décision de l'autorité administrative (...) Ce fonds finance les subventions accordées par l'Etat aux personnes projetant d'exécuter des travaux qui ont donné lieu à l'édiction d'une prescription de fouille d'archéologie préventive conformément aux dispositions de l'article L. 522-2. (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : / a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme'; / b) Ou donnent lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement'; (...) ". Aux termes de l'article L. 524-4 du même code : " Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est : / (...) / b) Pour les travaux et aménagements autres que ceux mentionnés au a et donnant lieu à une étude d'impact, à l'exception des zones d'aménagement concerté, l'acte qui décide, éventuellement après enquête publique, la réalisation du projet et en détermine l'emprise'; (...) ". En vertu du II de l'article L. 524-7 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés : " Lorsqu'elle est perçue sur des travaux visés aux b et c de l'article L. 524-2, son montant est égal à 0,50 € par mètre carré. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction. / La surface prise en compte est selon le cas : / - la surface au sol des installations autorisées pour les aménagements et ouvrages soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ; / - la surface au sol des aménagements et ouvrages non soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement sur la base du dossier transmis pour prescription de diagnostic éventuelle en application des articles L. 522-1 et suivants du présent code ; / (...) / La redevance n'est pas due pour les travaux et aménagements réalisés sur des terrains d'une superficie inférieure à 3 000 mètres carrés ".

Sur le litige :

7. L'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) exerce une activité de diagnostics d'archéologie préventive et de recherche relevant d'une mission de service public non ouverte à la concurrence, ainsi qu'une activité de fouilles archéologiques, devenue concurrentielle depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. Pour l'exercice de cette double activité, cet établissement était financé, jusqu'au 31 décembre 2015, en vertu des dispositions du code du patrimoine citées au point 5, par une fraction du produit de la redevance d'archéologie préventive, par des subventions publiques ainsi que par la rémunération des opérations de fouilles qu'il réalise.

8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que la redevance d'archéologie préventive présentait le caractère d'une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification à la Commission européenne au motif qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'eu égard aux modalités de calcul de la redevance, la fraction de cette taxe reversée à l'INRAP ne dépassait pas ce qui était strictement nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des missions d'intérêt général assurées par l'établissement. Constatant que l'obligation de notification de l'aide n'avait pas été respectée, la cour a rejeté l'appel de la ministre de la culture dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes prononçant la décharge de la redevance à laquelle la société Les Sablières de l'Atlantique avait été assujettie.

9. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 524-11 du code du patrimoine citées au point 5, une partie du produit de la redevance, d'un montant discrétionnairement fixé chaque année par les autorités compétentes, au-delà d'un seuil minimum de 30 %, était affectée au Fonds national pour l'archéologie préventive alors qu'une autre partie de ce produit était affecté aux collectivités territoriales ou à leurs groupements à raison des activités de diagnostic réalisées par leurs services d'archéologie. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 524-1 du même code également citées au point 5, le budget de l'établissement était abondé par des subventions étatiques, systématiquement versées, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, afin de pallier l'insuffisance de rendement de la taxe pour couvrir les seuls coûts des activités non ouvertes à la concurrence de l'INRAP. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'à supposer même que, compte tenu du cumul des financements publics dont l'établissement bénéficiait à la date du fait générateur de la taxe en litige, des subventions croisées entre les activités non-concurrentielles et les activités concurrentielles de l'INRAP aient pu avoir lieu, lesquelles constitueraient alors une aide d'Etat au secteur concurrentiel, la redevance d'archéologie préventive ne saurait en tout état de cause être regardée comme nécessairement affectée au financement de cette aide d'Etat et comme étant de nature à influencer directement son importance.

10. Dès lors, en ne relevant pas, même d'office, que la redevance d'archéologie préventive n'entrait pas dans le champ d'application des stipulations des articles 107 et 108 du TFUE faute de lien d'affection contraignant entre cette taxe et les éventuelles aides d'Etat dont aurait bénéficié l'INRAP au titre de ses activités concurrentielles de fouilles archéologiques, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

11. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

12. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de saisine de l'autorité compétente : " Les travaux et projets d'aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation, ainsi que les documents d'urbanisme, doivent respecter les préoccupations d'environnement. / Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. (...) ". Aux termes de la seconde phrase du dernier alinéa de l'article R. 122-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " La réalisation d'aménagements ou d'ouvrages donne lieu à l'élaboration d'une étude d'impact, sauf dans les cas visés aux articles R. 122-4 à R. 122-8 ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact, sous réserve des dispositions de l'article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux définis au tableau ci-après, dans les limites et sous les conditions qu'il précise. (...) ". Il ressort de la première ligne de ce tableau que sont dispensés d'étude d'impact, s'agissant des travaux concernant les " 1° Ouvrages et travaux sur le domaine public fluvial et maritime ", les " Travaux de modernisation ". Aux termes, enfin, de l'article 3 du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l'exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains : " (...) Le dossier unique dont sont assorties ces demandes en vue d'une instruction simultanée comprend : / (...) / 5° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement'; (...) ".

13. Avant même que le décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements ne fixe la liste, en annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable aux demandes d'autorisation déposées à compter du 1er juin 2012, des cas où une étude d'impact est exigée en application de l'article L. 122-1 de ce code, en mentionnant expressément au i du 24° de cette annexe l'" ouverture de travaux d'exploitation concernant les substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains ", l'autorisation d'extraction de granulats provenant du sous-sol des fonds marins ne pouvait être délivrée qu'après la réalisation d'une étude d'impact exigée en application de la seconde phrase du dernier alinéa de l'article R. 122-1 du code de l'environnement citée au point 10, dès lors que, s'agissant des travaux sur le domaine public maritime, l'article R. 122-5 du même code ne prévoyait pas de dispense d'une telle étude pour les travaux autres que de modernisation.

14. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, pour décharger la société Les Sablières de l'Atlantique de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle avait été assujettie le 3 janvier 2012, a jugé que l'autorisation d'exploitation qui lui avait été accordée le 14 juin 2011 n'était pas soumise à la réalisation d'une étude d'impact prévue en application du code de l'environnement, seule susceptible de justifier l'assujettissement au paiement de cette redevance en vertu du b de l'article L. 524-4 du code du patrimoine, mais en application du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l'exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains, qui se borne à fixer le contenu des dossiers de demande d'autorisation de travaux.

15. Il appartient au Conseil d'Etat, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Les Sablières de l'Atlantique devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nantes.

16. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 524-8 du code du patrimoine dans leur rédaction applicable au présent litige prévoyaient, d'une part, que le représentant de l'Etat dans la région était compétent pour liquider et ordonner le paiement de la redevance d'archéologie préventive due à raison de travaux donnant lieu à étude d'impact et relevant du b de l'article L. 524-4 du même code, et d'autre part, que celui-ci était autorisé à déléguer sa signature au directeur régional des affaires culturelles territorialement compétent pour tous les actes nécessaires à la liquidation ou l'ordonnancement de cette redevance. Dès lors, la société Les Sablières de l'Atlantique ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son moyen tiré de ce que le titre de recette en litige serait entaché d'un vice d'incompétence, des dispositions alors en vigueur de l'article R. 523-2 du même code qui, dans l'hypothèse de travaux susceptibles d'affecter des biens culturels maritimes, désignaient le ministre chargé de la culture comme l'autorité compétente pour prescrire les mesures de détection, de conservation et de sauvegarde mentionnées à l'article R. 523-1 de ce code, ainsi que pour adresser d'éventuelles demandes de modification de la consistance des opérations d'aménagement.

17. En deuxième lieu, si le deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement ", les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle ou de titre de recettes sont, dans le cadre d'un contentieux d'assiette, sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis d'imposition dont la société Les Sablières de l'Atlantique a été destinataire ne peut qu'être écarté comme inopérant.

18. En troisième lieu, par la décision n° 2019-825 QPC du 7 février 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article L. 524-7 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, notamment en tant que le montant de 0,50 euros par mètre carré s'appliquait à la liquidation de la redevance d'archéologie préventive due à raison de travaux portant sur l'exploitation de fonds marins. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du paragraphe II de l'article L. 524-7 du code du patrimoine méconnaitraient, d'une part, le principe d'égalité devant la loi en tant qu'elles prévoient des règles d'imposition identiques pour les personnes exécutant des travaux affectant le sous-sol terrestre et pour celles qui réalisent des travaux affectant le sous-sol marin, et, d'autre part, le principe d'égalité devant les charges publiques en tant qu'elles emportent une charge excessive pour les personnes exerçant une activité d'extraction de sables sous-marins, ne peut qu'être écarté.

19. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 9 et 10 que le moyen tiré de ce que la redevance d'archéologie préventive constituerait une aide d'Etat illégale dès lors que cette taxe n'a pas fait l'objet d'une notification à la Commission européenne ne peut qu'être écarté.

20. En cinquième et dernier lieu, la société n'est pas fondée à solliciter, en tout état de cause, la décharge de la redevance litigieuse en sollicitant le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 524-12 du code du patrimoine selon lesquelles " Les décharges sont prononcées lorsque les travaux définis à l'article L. 521-1 ne sont pas réalisés par le redevable et que l'opération de diagnostic n'a pas été engagée ", dès lors qu'il est constant qu'elle reste autorisée à exploiter les sables marins situés au sein du périmètre de la concession du Grand Charpentier jusqu'au 15 septembre 2032 et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce projet d'exploitation a été définitivement abandonné.

21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'appel présentés par la ministre de la culture, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société Les Sablières de l'Atlantique de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle avait été assujettie le 3 janvier 2012.

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 23 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 2 décembre 2014 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Les Sablières de l'Atlantique devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : La redevance d'archéologie préventive à laquelle la société Les Sablières de l'Atlantique avait été assujettie le 3 janvier 2012 est remise à sa charge.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture et à la société Les Sablières de l'Atlantique.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 9 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 448108
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2022, n° 448108
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448108.20221209
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