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08/12/2022 | FRANCE | N°465790

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 465790


Vu la procédure suivante :

Mme K... E... épouse D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de Chambéry a délivré à M. G... B... un permis de construire modificatif en vue de la construction d'une maison individuelle et de la décision de rejet de son recours gracieux. Par une ordonnance n° 2203353 du 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande

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Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en ...

Vu la procédure suivante :

Mme K... E... épouse D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de Chambéry a délivré à M. G... B... un permis de construire modificatif en vue de la construction d'une maison individuelle et de la décision de rejet de son recours gracieux. Par une ordonnance n° 2203353 du 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 28 juillet et le 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... épouse D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de M. B... et de la commune de Chambéry la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme E... épouse D..., de Me Haas, avocat de la commune de Chambéry et de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. B...,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, par un arrêté du 23 avril 2021, le maire de Chambéry a délivré à M. B... un permis de construire modificatif portant sur l'implantation d'une maison d'habitation, le seuil, les façades et toitures, l'emplacement de la tranchée de dissipation, les clôtures et le stationnement. Mme E... épouse D... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 juin 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de cet arrêté.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que Mme D... avait établi devant lui être propriétaire d'une maison à usage d'habitation située à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et avait fait valoir que la décision attaquée apportait à l'implantation de la maison en limite séparative une modification de nature à compromettre l'accès à sa propriété, qu'elle créait du côté de sa propriété une aire de stationnement et agrandissait une piscine, susceptibles d'engendrer des nuisances sonores, et qu'elle créait sur le bâtiment principal une ouverture donnant directement sur sa propriété. Elle avait ainsi fait état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à localisation des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction, de nature à établir que l'atteinte susceptible d'être portée par le permis de construire modificatif en litige aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Par suite, en jugeant que Mme D..., qui n'avait pas à apporter la preuve du caractère certain des atteintes qu'elle invoquait, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire modificatif délivré le 23 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme D... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Chambéry et de M. B... à verser chacun à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Chambéry et par M. B....

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : La commune de Chambéry et M. B... verseront chacun une somme de 1 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Chambéry et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme K... E... épouse D..., à M. G... B... et à la commune de Chambéry.

Délibéré dans la séance du 24 novembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 8 décembre 2022.

Le Président :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La Conseiller d'Etat-rapporteur :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 465790
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2022, n° 465790
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:465790.20221208
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