Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 29 mars 2022 par laquelle le maire de Thiais a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur un bien situé 6, rue des Aubépines, cadastré section P n° 55, appartenant à la société civile immobilière du 6, rue des Aubépines. Par une ordonnance n° 2203590 du 11 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Thiais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de la commune de Thiais et à la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maître, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier aliéna de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, par une décision du 29 mars 2022, le maire de Thiais a exercé le droit de préemption urbain sur un bien appartenant à la société civile immobilière du 6, rue des Aubépines en vue d'y installer les services administratifs et techniques municipaux. Par une ordonnance du 11 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative par M. B..., acquéreur évincé, a suspendu l'exécution de cette décision. La commune de Thiais se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
3. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser. (...) "
4. Pour l'application de ces dispositions, la rénovation ou l'aménagement d'immeubles existants dans le but d'y installer les services administratifs et techniques municipaux peut constituer une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, en retenant comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption en litige le moyen tiré de ce qu'un tel projet ne constitue pas une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la commune de Thiais est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il ressort d'une part des pièces du dossier que les locaux hébergeant actuellement les services techniques de la commune de Thiais sont inadaptés et vétustes et qu'il est nécessaire de trouver un autre emplacement. L'ensemble immobilier vendu par la société civile immobilière du 6, rue des Aubépines se situe à moins de 600 mètres de la mairie et présente les caractéristiques permettant de réaliser l'aménagement pour accueillir les services concernés. Dans ces conditions, il est justifié, en l'état de l'instruction, de la réalité du projet, lequel peut constituer, ainsi qu'il a été dit au point 4, une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
7. Les autres moyens soulevés, tirés de l'incompétence du maire de Thiais pour prendre la décision de préemption en litige, de ce que la délibération du 26 février 2017 de l'établissement public Grand Orly Seine Bièvre instituant le droit de préemption sur le territoire de la commune ne serait pas entrée en vigueur, faute d'avoir fait l'objet des formalités de publicité requises, et de ce que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondrait pas à un intérêt général suffisant eu égard au coût prévisible de l'opération ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.
8. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, M. B... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 29 mars 2022.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Thiais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B... à ce même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 11 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : M. B... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Thiais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Thiais et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la société civile immobilière du 6, rue des Aubépines.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 8 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Lazar Sury
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson