Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 mars 2022, 3 octobre 2022 et 4 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des compagnies aériennes autonomes et la chambre syndicale du transport aérien demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2021-071 du 23 décembre 2021 par laquelle l'Autorité de régulation des transports a homologué les tarifs des redevances aéroportuaires de l'aéroport de Toulouse-Blagnac à compter du 1er avril 2022, en tant qu'elle a homologué le tarif de la redevance par bagage et le tarif de la redevance par passager ou, subsidiairement, dans son ensemble ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation des transports la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires ;
- le code de commerce ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 16 janvier 2012 relatif à la transmission d'informations préalables à la fixation sur certains aérodromes des redevances mentionnées à l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 2021-071 du 23 décembre 2021, l'Autorité de régulation des transports a homologué les tarifs des redevances aéroportuaires applicables à l'aéroport de Toulouse-Blagnac pour la période tarifaire du 1er avril 2022 au 31 mars 2023. Le syndicat des compagnies aériennes autonomes et la chambre syndicale du transport aérien demandent l'annulation de cette décision en tant qu'elle homologue le tarif de la redevance par passager et celui de la redevance par bagage, nouvellement créée, ou, dans l'hypothèse où ces tarifs ne seraient pas détachables des autres tarifs, de l'ensemble de la décision.
Sur le cadre juridique applicable au litige :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6325-1 du code des transports : " Les services publics aéroportuaires rendus sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément au deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce. (...) ". Selon l'article L. 6325-2 du même code, " Pour Aéroports de Paris et pour les autres exploitants d'aérodromes civils relevant de la compétence de l'Etat, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'Etat déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, qui tiennent compte, notamment, des prévisions de coûts, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome. (...) / En l'absence d'un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Selon l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile, " les services publics aéroportuaires donnant lieu à la perception de redevances en application de l'article L. 6325-1 du code des transports sont les services rendus aux exploitants d'aéronefs et à leurs prestataires de service à l'occasion de l'usage de terrains, d'infrastructures, d'installations, de locaux et d'équipements aéroportuaires fournis par l'exploitant d'aérodrome, dans la mesure où cet usage est directement nécessaire, sur l'aérodrome, à l'exploitation des aéronefs ou à celle d'un service de transport aérien ".
3. D'autre part, il résulte des articles R. 224-3-2 à R. 224-3-6 du code de l'aviation civile que, pour les aérodromes dont le trafic annuel de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers ou faisant partie d'un groupe comportant un tel aérodrome, les tarifs des redevances perçues et, le cas échéant, leurs modulations sont homologués par l'Autorité de régulation des transports après consultation des usagers sur les nouvelles conditions tarifaires.
4. Enfin, le II de l'article L. 6327-2 du code des transports dispose que : " Lorsque l'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs et leurs modulations, elle s'assure : / - du respect de la procédure de consultation des usagers fixée par voie réglementaire ; / - que les tarifs et leurs modulations respectent les règles générales applicables aux redevances, qu'ils sont non discriminatoires et que leur évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée (...) ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, le paragraphe 2 de l'article 6 de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires prévoit que : " Les États membres veillent à ce que, dans la mesure du possible, les modifications apportées au système ou au niveau des redevances aéroportuaires fassent l'objet d'un accord entre l'entité gestionnaire d'aéroport et les usagers d'aéroport. À cet effet, l'entité gestionnaire d'aéroport soumet toute proposition visant à modifier le système ou le niveau des redevances aéroportuaires aux usagers d'aéroport, avec un exposé des motifs justifiant les modifications proposées, au plus tard quatre mois avant leur entrée en vigueur, sauf en cas de circonstances exceptionnelles qui doivent être dûment exposées aux usagers d'aéroport. L'entité gestionnaire d'aéroport organise des consultations sur les modifications proposées avec les usagers d'aéroport et tient compte de leur avis avant de prendre une décision. L'entité gestionnaire d'aéroport publie normalement sa décision ou sa recommandation au plus tard deux mois avant son entrée en vigueur. Dans l'hypothèse où aucun accord n'est conclu entre l'entité gestionnaire d'aéroport et les usagers d'aéroport sur les modifications proposées, l'entité gestionnaire d'aéroport justifie sa décision par rapport aux arguments des usagers d'aéroport ".
6. Si ces dispositions s'imposent aux États membres qui, comme la France, ont, en vertu du paragraphe 5 de l'article 6 de la même directive, retenu " une procédure obligatoire en vertu de laquelle les redevances aéroportuaires ou leur niveau maximal sont déterminés ou approuvés par l'autorité de supervision indépendante ", elles doivent être entendues, dans ce cas, comme fixant pour objectif de prendre en compte, lors de la modification du système ou du niveau des redevances aéroportuaires, l'avis des usagers sans, toutefois, que puissent être mises à la charge de l'entité gestionnaire de l'aéroport des obligations relatives à la décision prise par l'autorité de supervision indépendante. Les dispositions énoncées aux points 2 à 4 de la présente décision instaurent une procédure de consultation de la commission consultative économique de l'aérodrome, au sein de laquelle sont représentés les usagers de l'aéroport et qui est saisie de propositions motivées avant toute fixation des tarifs des redevances et leur modification, procédure dont le respect est contrôlé par l'Autorité de régulation des transports, auprès de laquelle il appartient au gestionnaire de l'aéroport, soit directement soit par référence aux justifications produites auprès des usagers, de justifier sa proposition par rapport à l'avis de ces derniers. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'imparfaite transposition du paragraphe 2 de l'article 6 de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009, par les dispositions législatives et règlementaires mentionnées aux points 2 à 4 ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, pour la consultation des usagers mentionnée au point 3, le deuxième alinéa du IV de l'article R. 224-3 du code de l'aviation civile dispose que : " (...) l'exploitant transmet aux membres de la commission consultative économique de l'aérodrome, dans des conditions précisées par un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, les éléments suivants : / (...) b) Des informations sur les éléments servant de base à la détermination des tarifs des redevances sur l'aérodrome ou les aérodromes concernés (...) ". L'article 2 de l'arrêté du 16 janvier 2012 relatif à la transmission d'informations préalables à la fixation sur certains aérodromes des redevances mentionnées à l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile, pris pour l'application de ces dispositions, dispose que : " (...) l'exploitant d'aérodrome transmet aux membres de ladite commission les éléments suivants : / (...) - la structure d'ensemble des coûts liés aux services et aux installations auxquels ces redevances se rapportent ; (...) - la méthodologie utilisée pour fixer les tarifs des redevances concernées (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que les informations transmises à la commission consultative économique convoquée par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac le 18 novembre 2021 en vue de la consultation sur les nouveaux tarifs de redevance, dont le contenu a été précisé lors de la réunion de cette commission, comporte des informations relatives au coût des services publics aéroportuaires supportés par cette société en 2020 et à la méthodologie retenue pour déterminer, à partir de la comptabilité analytique de l'exercice 2019, le montant de la redevance par bagage qu'il était envisagé d'instituer. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission consultative économique n'aurait pas disposé de l'ensemble des informations requises par les dispositions réglementaires applicables afin d'émettre valablement un avis sur les propositions de tarifs, manque en fait et ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes du 1° de l'article R. 224-2 du code de l'aviation civile : " Les redevances comprennent notamment : (...) - la redevance par passager, correspondant à l'usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public, ainsi que, le cas échéant, aux services complémentaires, tels que la mise à disposition de comptoirs d'enregistrement et d'embarquement, ainsi que des installations de tri des bagages ". Aux termes du 2° du même article : " Des redevances accessoires peuvent être instaurées par la personne mentionnée au I de l'article R. 224-3. / Elles peuvent notamment correspondre aux services complémentaires mentionnés au 1° ci-dessus, s'ils ne sont pas déjà couverts par les redevances qui y sont mentionnées, à la mise à disposition de locaux techniques, d'installations de traitement des eaux, d'installations fixes de distribution de carburant et d'aires d'entreposage, ainsi qu'à l'usage des installations nécessaires à l'atterrissage, au décollage et au stationnement des aéronefs de six tonnes et moins ".
10. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la mise à disposition des installations de tri des bagages constitue un service complémentaire, de même que l'utilisation de ces installations et que, par conséquent, une redevance accessoire peut être instaurée afin de couvrir ces services. Par suite, c'est sans erreur de droit que l'Autorité de régulation des transports a homologué les tarifs des redevances proposés par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac en ce qu'ils ont prévu la création d'une redevance accessoire destinée à couvrir ces services complémentaires.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la redevance par bagage a pour objet de couvrir les coûts relatifs à l'utilisation des installations de tri et de traçabilité des bagages enregistrés au départ et de livraison des bagages à l'arrivée au sein de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac. Dès lors que cette redevance porte sur chaque bagage enregistré et utilisant les installations de cet aérodrome destinées à traiter les bagages et que, par suite, elle est la contrepartie directe du service ainsi défini, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'assiette retenue pour la redevance, fixée par bagage, ne serait pas adaptée à son objet ou présenterait un caractère discriminatoire.
12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la proposition tarifaire homologuée par l'Autorité de régulation des transports a été établie en isolant les coûts liés aux installations de tri, de traçabilité et de distribution des bagages et en appliquant un taux d'augmentation uniforme de 3,5 % à l'ensemble des redevances ainsi identifiées. Si les requérants font valoir que, dans certaines circonstances, le cumul des redevances par passager et par bagage conduirait, à l'échelle d'un passager, à une augmentation du montant des redevances qui ne serait pas modérée, le moyen tiré de ce que l'Autorité de régulation des transports aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut, au regard de ce taux d'augmentation et dès lors que les dispositions de l'article L. 6327-2 du code des transports mentionnées au point 4 ont pour objet de protéger les usagers d'une hausse excessive de ces tarifs, qu'être écarté.
13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le système dénommé " système de réconciliation des bagages " déployé par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac concerne la mise à disposition des installations de traçabilité des bagages enregistrés au départ jusqu'aux points de livraison des bagages. La seule circonstance que la redevance pour bagages puisse inclure un tel système, qui a pour objet d'assurer la traçabilité des bagages enregistrés au départ et de livraison des bagages à l'arrivée au sein de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac, ne suffit pas à établir que ce système relèverait des services d'assistance en escale définis aux articles L. 6326-1 du code des transports et R. 216-1 du code de l'aviation civile et constituerait ainsi un service concurrent de celui déployé par certains usagers de l'aéroport ou leurs prestataires. En conséquence, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce et de l'article R. 216-13 du code de l'aviation civile ne peuvent également qu'être écartés.
14. Il résulte de de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée. Les conclusions qu'ils ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat des compagnies aériennes autonomes et de la chambre syndicale du transport aérien est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des compagnies aériennes autonomes, premier requérant dénommé par la requête, à l'Autorité de régulation des transports et à la société Aéroport de Toulouse-Blagnac.