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06/12/2022 | FRANCE | N°465262

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 06 décembre 2022, 465262


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Toulon de sa décision du 2 mars 2022 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne du binôme constitué de M. C... A... et Mme B... D..., candidats élus lors des élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var). Par un jugement n° 2200655 du 24 mai 2022, le tribunal administrati

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Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Toulon de sa décision du 2 mars 2022 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne du binôme constitué de M. C... A... et Mme B... D..., candidats élus lors des élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var). Par un jugement n° 2200655 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a, en premier lieu, jugé que la CNCCFP avait à bon droit constaté l'absence de dépôt du compte de campagne du binôme, en deuxième lieu, déclaré M. A... et Mme D... inéligibles à tous mandats pour une durée de dix-huit mois, en troisième lieu, les a déclarés démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental de la circonscription de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et, enfin, rejeté leurs conclusions tendant au remboursement des dépenses électorales dû par l'Etat.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juin et 2 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leurs conclusions d'appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) ".

2. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté, par une décision du 2 mars 2022, l'absence de dépôt du compte de campagne du binôme constitué de M. C... A... et Mme B... D.... Ces derniers relèvent appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi par la commission, a jugé que c'est à bon droit qu'elle avait constaté l'absence de dépôt du compte de campagne du binôme et les a déclarés démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental de la circonscription de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et inéligibles à tous mandats pour une durée de dix-huit mois.

3. En vertu de l'article L. 52-12 du code électoral, chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 du même code est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques et de le déposer à la CNCCFP au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. L'article 11 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report de mars à juin 2021 du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique a reporté la date limite fixée par ces dispositions au 17 septembre 2021 à 18 heures. Il résulte de ces dispositions que le manquement à l'obligation de déposer un compte de campagne est constitué à la date à laquelle expire le délai imparti au candidat pour procéder à ce dépôt, lequel est impératif et ne peut être prorogé. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...) / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. (...) ".

4. En application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré. L'obligation de déposer un compte de campagne est une formalité substantielle dont l'omission constitue un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où le mandataire financier atteste de l'absence de toute recette et dépense.

5. En premier lieu, les appelants, qui affirment avoir envoyé de bonne foi leur compte de campagne à la préfecture du Var, suivant de manière erronée l'ancienne rédaction de l'article L. 52-12 du code électoral, ne soutiennent pas qu'ils auraient répondu à la mise en demeure que la CNCCFP leur a adressée le 14 octobre 2021, laquelle leur rappelait clairement l'obligation de transmission du compte à cette commission. En outre, les appelants ne produisent, pas davantage en appel qu'en première instance, d'élément permettant d'attester de manière probante l'existence d'un envoi de leur compte à la préfecture, avant ou après le 17 septembre 2021 et ils ne peuvent, en tout état de cause, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne sont applicables qu'aux demandes adressées à l'administration, pour soutenir qu'il incombait aux services préfectoraux de transmettre leur compte de campagne à la CNCCFP. Enfin, en tout état de cause, les pièces que M. A... et Mme D... produisent en appel, à savoir une des annexes exigées d'un compte de campagne, non revêtue de la signature de l'expert-comptable, dont l'attestation de leur mandataire financier ne saurait tenir lieu, ne sauraient être regardées comme un compte de campagne au sens de l'article L. 52-12 du code électoral.

6. En deuxième lieu, M. A... et Mme D... n'ayant pas déposé de compte de campagne à la CNCCFP, ils n'ont pas droit au remboursement forfaitaire fixé à l'article L. 52-11-1 du code électoral.

7. En troisième lieu, l'absence de dépôt par M. A... et Mme D..., qui ont obtenu 57,45 % des suffrages exprimés à l'issue du second tour, du compte de campagne exigé par les dispositions précitées du code électoral, constitue un manquement délibéré d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, justifiant le prononcé d'une inéligibilité d'une durée de dix-huit mois et qu'ils soient, par suite, déclarés démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental de la circonscription de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... et de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme B... D..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2022 où siégeaient : M. Christian Fournier, conseiller d'Etat, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 6 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christian Fournier

Le rapporteur :

Signé : M. Mathieu Le Coq

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 465262
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2022, n° 465262
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:465262.20221206
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