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23/11/2022 | FRANCE | N°443497

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 23 novembre 2022, 443497


Vu la procédure suivante :

L'association Maransin Éole, la commune de Bayas, la commune de Lagorce, la commune de Lapouyade et la commune de Laruscade ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Ferme éolienne de la Petite Valade une autorisation de défrichement en vue de l'implantation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Maransin. Par un jugement n° 1603860 du 1er mars 2018, le tribunal administratif, faisant droit à leur demande, a annul

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Par un arrêt n° 18BX01702 du 30 juin 2020, la cour admin...

Vu la procédure suivante :

L'association Maransin Éole, la commune de Bayas, la commune de Lagorce, la commune de Lapouyade et la commune de Laruscade ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Ferme éolienne de la Petite Valade une autorisation de défrichement en vue de l'implantation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Maransin. Par un jugement n° 1603860 du 1er mars 2018, le tribunal administratif, faisant droit à leur demande, a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 18BX01702 du 30 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Ferme éolienne de la Petite Valade, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par l'association Maransin Éole et autres devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 30 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Maransin Éole et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Ferme éolienne de la Petite Valade ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne de la Petite Valade la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'association Maransin Eole et autres et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Ferme éolienne de la Petite Valade ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 mars 2016, le préfet de la Gironde a autorisé la société Ferme éolienne de la Petite Valade à défricher 2,4314 ha de surfaces pour l'implantation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Maransin. L'association Maransin Éole et autres ont formé un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux contre cet arrêté. Par un jugement du 1er mars 2018, le tribunal administratif a fait droit à leur demande. Par un arrêt du 30 juin 2020, contre lequel l'association Maransin Eole et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Ferme éolienne de la Petite Valade, annulé ce jugement et rejeté leur demande.

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de cette directive, dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". Aux termes du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. (...) ".

3. La directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Les dispositions de l'article 6 de cette directive, citées au point 2, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

4. Après avoir relevé que l'avis de l'autorité environnementale du 29 décembre 2015 sur l'étude d'impact avait été émis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Aquitaine alors que celle-ci ne bénéficiait pas d'une autonomie effective garantissant son impartialité et son objectivité à l'égard du préfet de la région Aquitaine, qui est aussi préfet du département de la Gironde, auteur de l'autorisation de défrichement en litige, la cour a néanmoins jugé que cette seule circonstance ne suffisait pas à entacher cette autorisation d'illégalité, au motif que l'autorité environnementale avait mis en lumière, dans son avis, les lacunes et les insuffisances qui entachaient selon elle l'étude d'impact, contribuant ainsi à l'information du public et mettant l'autorité compétente à même de se prononcer sur la demande d'autorisation en connaissance de cause. En se fondant ainsi sur le seul contenu de l'avis émis pour juger que le défaut d'autonomie de l'autorité environnementale n'avait pas été de nature, en l'espèce, à vicier la procédure en nuisant à l'information complète du public ou en exerçant une influence sur la décision de l'autorité administrative et, par suite, à entacher d'illégalité l'autorisation de défrichement litigieuse, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'association Maransin Eole et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne de la Petite Valade la somme de 2 500 euros chacun à verser à l'association Maransin Eole et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des requérantes qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat et la société Ferme éolienne de la Petite Valade verseront chacun la somme de 2 500 euros à l'association Maransin Eole et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Ferme éolienne de la Petite Valade au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Maransin Éole, première requérante, à la société Ferme éolienne de la Petite Valade, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 443497
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2022, n° 443497
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:443497.20221123
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