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27/10/2022 | FRANCE | N°448816

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 27 octobre 2022, 448816


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, enregistrés les 18 janvier 2021, 22 avril 2021, 17 janvier 2022 et 15 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société civile d'exploitation viticole (SCEV) Gazeau-Montrasi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé ", en tant qu'il définit une aire géographique de production excluant les parcel

les du Château des Rontets ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, enregistrés les 18 janvier 2021, 22 avril 2021, 17 janvier 2022 et 15 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société civile d'exploitation viticole (SCEV) Gazeau-Montrasi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé ", en tant qu'il définit une aire géographique de production excluant les parcelles du Château des Rontets ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de reprendre à nouveau une décision après une nouvelle instruction et de classer les parcelles du climat " Les Rontés " en premier cru dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, un mois après notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2005-850 du 25 juillet 2005 ;
- le décret n° 2011-1818 du 7 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 7 décembre 2011, le Premier ministre a homologué le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Pouilly-Fuissé ". Par une délibération du 3 septembre 2020, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a approuvé la reconnaissance de climats de cette AOC en premier cru et fixé la délimitation parcellaire de ces climats. Par un arrêté du 5 novembre 2020, pris en application de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, ont homologué un nouveau cahier des charges de l'AOC " Pouilly-Fuissé " et abrogé le décret du 7 décembre 2011. La société civile d'exploitation viticole (SCEV) Gazeau-Montrasi demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il définit une aire géographique de production excluant les parcelles du Château des Rontets. Elle demande en outre qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de reprendre à nouveau une décision après une nouvelle instruction et de classer les parcelles du climat " Les Rontés " en premier cru.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) / 2° Les chefs de service, directeurs-adjoints, sous-directeurs, (...) / (...) ".

3. D'une part, par un arrêté du 17 décembre 2018 portant nomination (administration centrale), publié au Journal officiel de la République française du 19 décembre 2018, Mme C... H..., administratrice civile hors classe, a été renouvelée dans l'emploi de sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à l'administration centrale du ministère de l'économie et des finances, pour une durée de deux ans à compter du 22 décembre 2018. D'autre part, par un arrêté du 31 octobre 2018 portant nomination (administration centrale), publié au Journal officiel de la République française du 3 novembre 2018, M. A... G..., directeur des services douaniers de 1ère classe, a été renouvelé dans l'emploi de sous-directeur de la fiscalité douanière à la direction générale des douanes et des droits indirects à l'administration centrale du ministère de l'action et des comptes publics, pour une durée de deux ans à compter du 13 novembre 2018. Par ailleurs, par une décision du 22 juillet 2020 modifiant la décision du 1er novembre 2019 portant délégation de signature (direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises), publiée au Journal officiel de la République française du 26 juillet 2020, M. F... B..., administrateur principal des affaires maritimes, s'est vu donner délégation à l'effet de signer, au nom du ministre chargé de l'agriculture, à l'exclusion des décrets, tous arrêtés, actes et décisions dans la limite des attributions de la sous-direction filières agroalimentaires. Par suite, le moyen de la SCEV Gazeau-Montrasi tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 16 novembre 2017, confirmée par une délibération du 14 novembre 2019, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'INAO a, pour la délimitation des climats classés en premier cru, retenu notamment des critères d'inclusion. Ainsi, pour être classée en premier cru, une parcelle doit, notamment, se situer à une altitude maximale de 350 mètres, qui est portée à 400 mètres en cas d'exposition très favorable dans le quadrant sud de 150° (Sud/Sud-Est) à 210° (Sud/Sud-Ouest) et de pente supérieure à 15°. Le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'INAO n'a classé aucune parcelle du climat " Les Rontés " en premier cru au motif, notamment, que ces parcelles sont exposées majoritairement au nord, qu'elles se situent entre 366 et 375 mètres et qu'elles comportent des pentes très faibles, inférieures à 5 %.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour la détermination des critères d'inclusion précités, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'INAO n'a pas ignoré l'évolution du méso-climat du vignoble d'appellation " Pouilly-Fuissé " susceptible de découler du changement climatique. Il en a décrit les caractéristiques dans la délibération du 13 février 2014 par laquelle il a approuvé les principes de recevabilité et de délimitation pour la reconnaissance des premiers crus, en envisageant les conséquences susceptibles d'en découler, la modification des aires géographiques n'étant mentionnée que comme une simple éventualité à long terme parmi les nombreuses mesures à l'étude en vue de faire face à ce phénomène. Ces éléments figuraient donc parmi ceux pris en considération lors de la définition des critères de délimitation parcellaire par la délibération précitée du 16 novembre 2017 et celle, confirmant notamment les critères d'inclusion cités au point 4, du 14 novembre 2019. Par suite, le moyen de la SCEV Gazeau-Montrasi tiré de ce que les critères techniques retenus par l'INAO tenant à l'altitude des parcelles, leur orientation et leur inclinaison ne seraient ni objectifs et rationnels dès lors qu'ils ont été fixés sans tenir compte des incidences du changement climatique doit être écarté.

6. En second lieu, la SCEC Gazeau-Montrasi soutient que dès lors que des parcelles du climat " Sur la B... ", d'une part, et du climat " Le Clos ", d'autre part, ont bénéficié d'un classement en premier cru alors que les premières, comme les parcelles du climat " Les Rontés " ayant fait l'objet d'un refus de classement, ne répondent pas aux critères d'altitude et d'exposition requis pour ce classement et que les secondes, comme les parcelles du climat " Les Rontés ", subiraient un effet d'écran, ce qui est un critère d'exclusion, ce refus est contraire au principe d'égalité. Ce moyen, en tout état de cause, doit être écarté. En effet, s'agissant d'une part du climat " Sur la B... ", si les parcelles en cause sont effectivement situées à une altitude comprise entre 350 et 400 mètres, elles ont une gamme d'exposition Est/Sud-Est, ne sont pas exposées au vent du nord, et se caractérisent par une pente qui varie entre 12 et 15 %, et elles constituent une unité géo-pédo-morphologique cohérente avec les parcelles retenues sur un ensemble de sols calcaires, argileux et décarbonaté sur 60 cm de profondeur, formant une unité territoriale de production homogène, tandis que les parcelles du climat " Les Rontés " ont une exposition entre le nord et l'est, subissent un effet d'écran par la végétation environnante, qui est un critère d'exclusion, ont une pente qui varie entre 0 et 3 %, sont exposées aux vents du nord et sont composées de sols argileux, non calcaires et caillouteux. S'agissant, d'autre part, des parcelles du climat " Les Clos ", qui au demeurant présentent elles aussi des caractéristiques très différentes de celles du climat " Les Rontés ", dès lors qu'elles sont situées à une altitude compris entre 265 et 290 mètres, exposées Est-Sud-Est et se caractérisent par une pente de 11 %, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles subiraient l'effet d'écran mentionné par la requérante.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEV Gazeau-Montrasi n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque, en tant qu'il définit une aire géographique de production excluant les parcelles du Château des Rontets. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEV Gazeau-Montrasi le versement à l'INAO d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de l'INAO qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de la SCEV Gazeau-Montrasi est rejetée.
Article 2 : La SCEV Gaseau-Montrasi versera à l'INAO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile d'exploitation agricole Gazeau-Montrasi, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre chargé des comptes publics, ainsi qu'à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 448816
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 448816
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448816.20221027
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