Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Malherbe Transports a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2012, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1801598 du 2 juillet 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20NT02887 du 7 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Malherbe Transports, annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions en litige.
Par un pourvoi enregistré le 10 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Malherbe Transports.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, d'une part, que la société Catylain détenait 100 % des parts de la société Malherbe Transports, laquelle détenait 100 % des parts de la société Jarlaud Transports, et, d'autre part, que la société Catylain détenait sur la société Jarlaud Transports, à l'ouverture de l'exercice correspondant à l'année 2010, une créance de 536 000 euros. La société Jarlaud Transports ayant rencontré des difficultés financières, la société Catylain lui a consenti le 30 décembre 2010 un abandon de créance assorti d'une clause de retour à meilleure fortune. Par un acte du 25 mai 2012, la société Malherbe Transports a procédé à la dissolution sans liquidation de la société Jarlaud Transports, ce qui a entraîné une transmission universelle du patrimoine de la seconde à la première en application des dispositions du troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Le 21 décembre 2012, la société Malherbe Transports, estimant réunies les conditions de mise en œuvre de la clause de retour à meilleure fortune, a remboursé à la société Catylain la somme de 536 000 euros et enregistré cette somme comme charge exceptionnelle dans ses écritures comptables. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Malherbe Transports, l'administration fiscale a estimé que cette charge ne devait pas venir en déduction du résultat imposable pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et devait être extournée des charges prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due au titre de l'année 2012. Elle a en conséquence assujetti la société Malherbe Transports à un supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2012. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Caen ayant rejeté la demande de la société Malherbe Transports tendant à la décharge de cette imposition supplémentaire ainsi que des intérêts de retard correspondants, et prononcé cette décharge.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Malherbe Transports, par l'effet de l'opération de dissolution-confusion avec transmission universelle de patrimoine du 25 mai 2012, est venue aux droits et obligations de la société Jarlaud Transports et s'est par suite substituée à cette dernière comme débitrice de la clause de retour à meilleure fortune dont était assorti l'abandon de créance consenti par la société Catylain au bénéfice de la société Jarlaud Transports. Par suite, la cour administrative d'appel, alors qu'il n'était pas contesté devant elle qu'était satisfaite, dans le chef de la société Malherbe Transport, la condition, tenant à la reconstitution des capitaux propres à la hauteur de la capacité financière nécessaire à l'exercice de l'activité de transport de la société Jarlaud Transports, déterminant l'activation de la clause de retour à meilleure fortune prévue par l'article 2 de la convention d'abandon de créance du 30 décembre 2010, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le versement, le 21 décembre 2012, d'une somme de 536 000 euros par la société Malherbe Transports à la société Catylain trouvait sa cause dans la mise en œuvre de cette obligation.
3. En second lieu, aux termes du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / (...) - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés de l'entreprise qui les consent ; (...) b) Et, d'autre part : / (...) - les abandons de créances à caractère financier, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ". Les dispositions de cet article fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à 1'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt.
4. L'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a supprimé, pour les exercices clos à compter du 4 juillet 2012, la possibilité pour les entreprises de déduire de leur bénéfice imposable les abandons de créance à caractère financier et supprimé corrélativement leur prise en compte, pour celui qui les consent comme pour celui qui en bénéficie, pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
5. Pour juger que l'administration avait à tort refusé qu'il soit tenu compte, pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due au titre de l'année 2012, du remboursement, intervenu le 21 décembre 2012, de l'abandon de créance consenti par la société Catylain à la société Jarlaud Transports le 30 décembre 2010, la cour administrative d'appel s'est uniquement fondée sur ce que cette somme était déductible du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de la société Malherbe Transports au titre de l'exercice clos en 2012. En statuant ainsi, sans rechercher si le remboursement d'un abandon de créance précédemment consenti figurait au nombre des éléments comptables devant, aux termes des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, être pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Toutefois, il résulte des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que, lorsqu'un abandon de créance à caractère financier consenti au cours d'un exercice clos avant le 4 juillet 2012 a eu pour effet de majorer le montant de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de la société ayant bénéficié de cet abandon, son remboursement en exécution d'une clause de retour à meilleure fortune par cette même société ou par une société qui se serait, le cas échéant, substituée à elle, a pour effet de minorer symétriquement l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due par cette société au titre de l'année au cours de laquelle le remboursement est intervenu. Il en va ainsi, en dépit des modifications résultant de l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 2012, même lorsque le remboursement intervient au cours d'un exercice clos à compter du 4 juillet 2012. Il en résulte que le remboursement le 21 décembre 2012, par la société Malherbe Transports, en exécution de la clause de retour à meilleure fortune dont elle était devenue débitrice, de l'abandon de créance consenti par la société Catylain à la société Jarlaud Transports le 30 décembre 2010 devait, en application des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, être pris en compte pour la détermination de la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due par la société Malherbe Transports au titre de l'année 2012, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice couvrant la même année. Ce motif, qui repose sur des faits constants n'appelant aucune appréciation, doit être substitué à ceux de l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Malherbe Transports.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 18 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle