Vu la procédure suivante :
La société anonyme Firalis a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision de la fédération hospitalo-universitaire " Remod-VHF " du 5 mai 2017, notifiée par un courrier du 13 juin 2017, par lequel il a été mis fin, à effet immédiat, au partenariat les liant dans le cadre du consortium dit " STOP-AS ", ainsi que la décision du 27 juillet 2017 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à la fédération hospitalo-universitaire de la réintégrer au sein du consortium. Par un jugement n° 1702974 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19DA02753 du 11 mai 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Firalis contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 juillet et 12 octobre 2021 et le 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Firalis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la fédération hospitalo-universitaire " Remod-VHF " la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la Société Firalis et à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre hospitalier universitaire de Rouen ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention constitutive du 1er janvier 2015, le groupement de coopération sanitaire " G4 ", l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, les centres hospitaliers universitaires d'Amiens, de Caen et de Rouen et les universités d'Amiens, de Caen et de Rouen, ont créé trois fédérations hospitalo-universitaires, dont la fédération hospitalo-universitaire dite " Remod-VHF " (" remodeling in valvulopathy and heart failure " - marqueurs précoces du remodelage cardiovasculaire au cours des valvulopathies et de l'insuffisance cardiaque), dont le centre hospitalier universitaire de Rouen assure la gestion administrative et juridique. Dans la perspective de répondre à un appel à projets de recherche hospitalo-universitaire lancé par l'Agence nationale de la recherche, la fédération hospitalo-universitaire " Remod-VHF " a réuni, dans le cadre d'un consortium dit " STOP-AS " (" search treatment and improve outcome of patients with aortic stenosis " - stopper le rétrécissement aortique et ses conséquences), différents partenaires publics et privés, dont la société Firalis. Par un arrêté du 24 juin 2016, le Premier ministre a autorisé l'Agence nationale de la recherche à subventionner le consortium " STOP-AS " à hauteur de 6 600 000 euros, en subordonnant toutefois le versement de l'aide à la société Firalis à la vérification de sa capacité à financer les apports prévus dans le dossier déposé le 11 février 2016. Le 5 mai 2017, dans le cadre d'une réunion du comité institutionnel réunissant les membres du consortium, la société Firalis a été invitée à présenter son bilan scientifique et financier. A l'issue de la réunion, les membres du consortium ont décidé de mettre fin à la relation les liant avec cette société. Cette décision a été notifiée à la société Firalis par un courrier du 13 juin 2017. La société a formé un recours gracieux contre la décision du 5 mai 2017, qui a été rejeté par un courrier du 27 juillet 2017. Par un jugement du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Firalis tendant à l'annulation de la décision du 5 mai 2017 ainsi que de celle rejetant son recours gracieux. La société Firalis demande l'annulation de l'arrêt du 11 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". L'article R. 613-1-1 du même code prévoit que : " Postérieurement à la clôture de l'instruction ordonnée en application de l'article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces ". Le premier alinéa de l'article R. 613-2 de ce code dispose que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction " et aux termes de l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'au cours d'une audience, le président de la formation de jugement d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel invite une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction, il doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Dans une telle hypothèse, en l'absence de dispositions lui permettant de différer la clôture de l'instruction au-delà de l'appel de l'affaire à l'audience ou, le cas échéant, de la formulation par les parties ou leurs mandataires de leurs observations orales, et dès lors que la formation de jugement ne saurait sans irrégularité statuer tant que l'instruction est en cours, il lui revient de rayer l'affaire du rôle et d'informer les parties de la réouverture de l'instruction.
5. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant la cour administrative d'appel de Douai que, par une ordonnance du 19 janvier 2021, la présidente de la deuxième chambre de cette cour a fixé la date de la clôture de l'instruction au 19 février 2021, 12 heures, et que l'instruction a été rouverte à cette date par la communication du mémoire en réplique de la société Firalis. Par un courrier du 1er avril 2021, le greffier a informé les parties de ce que leur affaire serait inscrite à l'audience du 20 avril 2021, de sorte que l'instruction était à nouveau close trois jours francs avant cette dernière date. Au cours de l'audience du 20 avril 2021, la présidente de la formation de jugement a demandé aux parties la production d'une pièce supplémentaire. La pièce en cause a été produite le 29 avril 2021, à la suite de quoi la cour a rendu son arrêt le 11 mai 2021. En statuant dans ces conditions, alors que l'instruction était toujours en cours et ne pouvait plus être à nouveau close sans que l'affaire, ne relevant d'aucune disposition permettant de différer la clôture au-delà de l'audience, soit rayée du rôle, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité.
6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la société Firalis est fondée à demander l'annulation pour ce motif de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Firalis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier universitaire de Rouen.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Firalis et au centre hospitalier universitaire de Rouen.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 10 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber