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30/09/2022 | FRANCE | N°459176

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30 septembre 2022, 459176


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des nouveaux mémoires, enregistrés les 6 et 8 décembre 2021 ainsi que les 27 avril et 28 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 13 de l'arrêté interministériel du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts, en tant que l

e second alinéa de cet article interdit au producteur de cumuler pour une m...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des nouveaux mémoires, enregistrés les 6 et 8 décembre 2021 ainsi que les 27 avril et 28 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 13 de l'arrêté interministériel du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts, en tant que le second alinéa de cet article interdit au producteur de cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévus à l'article 8 de cet arrêté avec un autre soutien public financier à la production d'électricité provenant d'un régime d'aides local, régional, national ou de l'Union européenne.

Vu :

- la Constitution ;

- la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat ;

- le décret n° 2021-1300 du 6 octobre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 septembre 2022, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 314-1 du code de l'énergie institue un régime de soutien à la production d'énergies renouvelables qui prend la forme d'une obligation et d'un tarif d'achat de l'électricité produite par certaines installations telles que les installations de production d'électricité d'origine photovoltaïque, afin notamment d'atteindre les objectifs tenant au développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie dans sa version issue de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, ainsi qu'à l'article 3 de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables. Dans sa version issue du décret du 6 octobre 2021 relatif aux catégories d'installations éligibles à l'obligation d'achat modifiant l'article D. 314-15 du code de l'énergie, le paragraphe 3° de cet article étend le bénéfice de ce régime de soutien aux installations utilisant l'énergie solaire photovoltaïque implantées sur des bâtiments, hangars ou ombrières dont la puissance crête installée est inférieure ou égale à 500 kilowatts. Par un arrêté du 6 octobre 2021, les ministres chargés de l'énergie et de l'économie ont fixé les conditions d'achat de l'électricité produite par ces installations. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 13 de cet arrêté, en tant que son second alinéa interdit au producteur de cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévus par son article 8 avec un autre soutien public financier à la production d'électricité provenant d'un régime d'aides local, régional, national ou de l'Union européenne.

2. Aux termes de l'article L. 314-4 du code de l'énergie : " Les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées à l'article L. 314-1, sont précisées par voie réglementaire. / Les conditions d'achat prennent en compte notamment : / a) Les frais de contrôle prévus à l'article L. 314-7-1 ; / b) Les investissements et les charges d'exploitation d'installations performantes représentatives de chaque filière ; / c) La compatibilité de l'installation bénéficiant du contrat d'obligation d'achat avec les objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2. / Lorsque le producteur consomme tout ou partie de l'électricité produite par l'installation, les conditions d'achat peuvent comprendre une prime tenant compte des coûts qui ne sont pas couverts par la vente à l'acheteur de l'électricité non consommée par le producteur. / (...) / Les conditions d'achat ne peuvent conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, excède une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation. Le bénéfice de l'obligation d'achat peut, à cette fin, être subordonné à la renonciation, par le producteur, à certaines de ces aides financières ou fiscales. " Aux termes de l'article R. 314-12 du même code : " Les arrêtés prévus par les articles L. 314-4 et L. 314-20 par lesquels les ministres chargés de l'énergie et de l'économie fixent les conditions d'achat et les conditions spécifiques du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations éligibles précisent notamment : / (...) / 4° Le cas échéant, les exigences techniques, environnementales et financières à satisfaire pour pouvoir bénéficier du contrat, qui peuvent inclure des garanties financières de réalisation de l'installation ; / (...) ".

3. Il résulte des termes des articles L. 314-4 et R. 314-12 du code de l'énergie, d'une part, que les ministres chargés de l'économie et de l'énergie sont compétents pour arrêter, dans le respect de ces dispositions, l'ensemble des conditions, notamment financières, auxquelles peut être subordonné le bénéfice de l'obligation d'achat d'électricité, et, d'autre part, que ce soutien tarifaire à la production d'électricité, qui a pour but de favoriser le développement des sources d'énergies renouvelables, ne doit pas conduire à lui seul ou de manière cumulée avec d'autres aides, à ce que la rémunération des bénéficiaires excède une rémunération raisonnable des capitaux investis.

4. Aux termes du second alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 6 octobre 2021 que conteste M. B... : " Le producteur ne peut pas cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévus à l'article 8 avec un autre soutien public financier à la production d'électricité, provenant d'un régime d'aides local, régional, national ou de l'Union européenne ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration que seules les décisions administratives individuelles sont soumises à une obligation de motivation. Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué, qui est de nature réglementaire, serait insuffisamment motivé.

6. En deuxième lieu, en subordonnant le bénéfice de l'obligation d'achat au non cumul d'aides financières publiques à la production d'électricité, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie se sont bornés à fixer l'une des conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de production d'électricité d'origine photovoltaïque, sans que cette obligation, qui pèse sur les seuls producteurs d'électricité, ait pour effet d'interdire aux personnes publiques et notamment aux collectivités territoriales, d'accorder à ces producteurs des soutiens d'une autre nature ou poursuivant un autre objet que la production d'électricité. En vertu des dispositions des articles L. 314-4 et R. 314-12 du code de l'énergie telles qu'interprétées au point 3, il s'ensuit que les dispositions contestées du second alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 6 octobre 2021 citées au point 4 relèvent bien du champ des compétences confiées par la loi aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie.

7. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6, les dispositions contestées, qui ne créent ni d'obligation ni d'interdiction à l'égard des collectivités territoriales, ne portent pas atteinte au principe de libre administration de ces collectivités, garanti par l'article 72 de la Constitution. Elles sont par ailleurs sans incidence sur la définition des objectifs des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires qui, en application du d) du 2° de l'article L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales, doivent être compatibles avec les objectifs de développements des énergies renouvelables exprimés dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, ainsi que sur la possibilité ouverte aux communes et à leurs groupements, aux départements et aux régions de participer, sur le fondement des articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du même code, au capital de sociétés dont l'objet social est la production d'énergie renouvelables.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces versées au dossier et notamment de la décision de la Commission européenne du 27 août 2021 que les tarifs d'achat de l'électricité produite par une installation d'énergie solaire photovoltaïque ont été déterminés sur la base de projections de flux de trésorerie de façon à ce que les taux de rentabilité interne des projets d'énergie solaire garantis aux producteurs d'électricité en fonction des primes et tarifs prévus à l'article 8 de l'arrêté du 6 octobre 2021 leur permettent de bénéficier d'une rentabilité cible regardée comme normale au regard des capitaux investis. Si M. B... soutient que les taux de rentabilité sur lesquels se sont fondés les ministres de l'économie et de l'énergie excèdent dans certaines hypothèses ceux qui peuvent être effectivement atteints, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'obligation de non-cumul prévue à l'article 13 de l'arrêté contesté, dès lors qu'aucun texte, et notamment pas l'article L. 314-4 du code de l'énergie, n'impose que le respect de la limite tenant à ce que la rémunération des bénéficiaires demeure raisonnable fasse l'objet d'un examen particulier pour chaque projet. Par suite, en subordonnant le bénéfice de l'obligation d'achat à l'absence de cumul avec un autre soutien public financier à la production d'électricité, afin de garantir que la rémunération des capitaux immobilisés n'excèdera pas une rémunération raisonnable, le second alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 6 octobre 2021, qui répond à l'exigence fixée par l'article L. 314-4 du code de l'énergie et dont il n'est pas établi qu'il ferait obstacle, de façon générale, au développement de la production d'énergie solaire photovoltaïque, ne met pas à la charge des producteurs d'électricité une obligation manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs du régime de soutien tarifaire institué par le législateur.

9. En cinquième et dernier lieu, ni la règle contestée de non cumul des aides publiques à la production d'électricité, ni aucune autre des dispositions de l'arrêté du 6 octobre 2021 n'instituent de distinction entre les installations de production d'électricité solaire photovoltaïque suivant que ces installations sont financées sur fonds propres ou au moyen d'un emprunt bancaire. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance du principe d'égalité au motif que les dispositions litigieuses feraient obstacle à la création d'installations d'électricité photovoltaïque essentiellement financée au moyen de l'emprunt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions du second alinéa de l'article 13 de l'arrêté attaqué.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Alain Seban conseillers d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 septembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Guiard

La secrétaire :

Signé : Mme Ismahane Karki


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459176
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 sep. 2022, n° 459176
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459176.20220930
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