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29/09/2022 | FRANCE | N°461741

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 29 septembre 2022, 461741


Vu la procédure suivante :

En application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Besançon de sa décision du 3 novembre 2021 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. B... D... et de Mme C... A..., candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bethoncourt.

Par un jugement n° 2102030 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a jugé que la CNCCFP avait,

à bon droit, rejeté le compte de campagne de M. D... et de Mme A... et...

Vu la procédure suivante :

En application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Besançon de sa décision du 3 novembre 2021 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. B... D... et de Mme C... A..., candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bethoncourt.

Par un jugement n° 2102030 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a jugé que la CNCCFP avait, à bon droit, rejeté le compte de campagne de M. D... et de Mme A... et déclaré ces derniers inéligibles pour une durée d'un an.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 13 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant qu'il le déclare inéligible pour une durée d'un an.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 3 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne déposé par M. D... et Mme A..., binôme candidat aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bethoncourt (Doubs), au motif que ce compte, qui présentait une seule dépense d'un montant de 182 euros financée par un apport personnel de M. D..., n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Saisi par la CNCCFP en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Besançon a, par un jugement du 25 janvier 2022, jugé que le compte électoral déposé par M. D... et Mme A... avait été rejeté à bon droit et condamné ces derniers à un an d'inéligibilité. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 191, L. 210-1 et L. 221 du code électoral que le législateur a instauré un mode de scrutin majoritaire binominal à deux tours sans panachage ni vote préférentiel, afin d'assurer la parité au sein des conseils départementaux, et a retenu le principe de solidarité des candidats d'un même binôme. Cette solidarité conduit à ce que les membres d'un même binôme soient tous les deux déclarés inéligibles en cas de méconnaissance des règles relatives au financement des campagnes électorales. Par suite, elle impose que chaque membre soit mis en cause devant le juge de l'élection lorsque celui-ci se trouve saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l'article L. 52-15 du code électoral.

3. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D... ait été, régulièrement convoqué à l'audience qui s'est tenue le 4 janvier 2022 au cours de laquelle la saisine de la CNCCFP a été examinée, ni même qu'il y ait été représenté. Il s'ensuit que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé.

4. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 114 du code électoral pour statuer sur la saisine de la CNCCFP étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette saisine.

Sur le rejet du compte de campagne :

5. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-11 du même code : " Pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable, il est institué un plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de la période mentionnée au même article. / (...) ". En application de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. / (...) / III.- Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. / Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. / Cette présentation n'est pas obligatoire : / 1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, il transmet à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à l'appui du compte de campagne, les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6. / (...) / VI. - Pour l'application du présent article, en cas de scrutin binominal, le candidat s'entend du binôme de candidats ".

6. Il résulte de l'instruction que le binôme constitué de M. D... et de Mme A..., a déposé un compte de campagne qui n'a pas été certifié par un expert-comptable. Ce binôme ayant recueilli 5,62 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bethoncourt, le compte de campagne devait obligatoirement être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en application de l'article L. 52-12 du code électoral. Par suite, ces dispositions ont été méconnues par les intéressés.

Sur l'inéligibilité des candidats :

7. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...). / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. / Si le juge de l'élection a prononcé l'inéligibilité d'un candidat ou des membres d'un binôme proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, déclare le candidat ou les membres du binôme démissionnaires d'office ".

8. Pour apprécier s'il y a lieu de déclarer inéligible, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral cité au point précédent, un candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.

9. S'il n'est pas contesté que le compte de campagne de M. D... et de Mme A... aurait dû, en application des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables dès lors que ces candidats avaient recueilli 5,62 % des suffrages, ce manquement n'est pas de nature, en l'espèce, à justifier le prononcé d'une inéligibilité compte tenu, en particulier, de l'absence d'autres motifs d'irrégularité et du très faible montant des dépenses en cause.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : Le compte de campagne du binôme constitué par M. D... et Mme A... a été rejeté à bon droit.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... D..., à Mme C... A..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. François Charmont, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 29 septembre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. François Charmont

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 461741
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 2022, n° 461741
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Charmont
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461741.20220929
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