Vu la procédure suivante :
M. D... B... et Mme C... A..., épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des suppléments de cotisations à la taxe locale d'équipement, à la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et à la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ainsi que des pénalités correspondantes, mis à leur charge en vertu d'une proposition de rectification du 4 novembre 2011. Par un jugement n° 1203715 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Par une décision n° 408649 du 27 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de M. et Mme B..., a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Nice.
Par un jugement n° 1802765 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme B....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 16 mars et 16 juin 2020, ainsi que le 28 juin 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix- Gury - Maître, avocat de M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. et Mme B... ont obtenu, le 28 novembre 2002, la délivrance d'un permis de construire une maison à Mougins (Alpes-Maritimes). Par procès-verbal du 23 septembre 2011, un agent de la commune de Mougins a constaté que la surface hors œuvre nette créée excédait de 105 mètres carrés la surface autorisée par le permis de construire. Les suppléments d'impositions correspondants, au titre de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, assortis de majorations, ont fait l'objet d'un titre de recettes du 7 septembre 2012 et d'un avis d'imposition notifié le 9 octobre 2012. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition et des majorations correspondantes. Par une décision du 27 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le jugement du 5 janvier 2017 par lequel ce tribunal avait rejeté cette demande. Sur renvoi du Conseil d'Etat, par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme B..., qui se pourvoient en cassation contre ce dernier jugement.
2. Pour juger que la demande de M. et Mme B... n'était pas fondée, le tribunal a estimé que la surface hors œuvre nette supplémentaire de 105 mètres carrés non conforme aux éléments déclarés dans leur demande de permis de construire correspondait à un local situé sous la terrasse de leur demeure, que ce local disposait d'une ouverture extérieure et que la surface des trois caves mentionnées dans le constat d'huissier daté du 25 mars 2013 n'était pas l'objet des impositions en litige. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la surface hors œuvre nette supplémentaire de 105 mètres carrés correspondait à des locaux distincts du local situé sous la terrasse et le jouxtant, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
3. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
5. D'une part, l'article 1599 B du code général des impôts et l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, prévoient, respectivement, que la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement et la taxe départementale des espaces naturels sensibles sont soumises, pour leur assiette, leur liquidation, leur recouvrement et leur contentieux, aux mêmes règles que la taxe locale d'équipement. Aux termes de l'article 1585 A, alors en vigueur, du code général des impôts : " Une taxe locale d'équipement, établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature est instituée : / 1° de plein droit : / a. dans les communes de 10 000 habitants et au-dessus ; / (...) " Aux termes du II de l'article 1723 quater, alors en vigueur, du code général des impôts : " En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation, la base de la taxe ou du complément de taxe éventuellement exigibles est notifiée au comptable public par le directeur départemental de l'équipement ou par le maire. / Le recouvrement de la taxe ou du complément de taxe, augmenté de l'amende fiscale prévue à l'article 1828, est immédiatement poursuivi contre le constructeur ". Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts (...) ; / 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. (...) ". L'article L. 332-6-1 de ce code dispose que : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : / 1° (...) / (...) / c) La taxe départementale des espaces naturels sensibles prévue à l'article L. 142-2 ; / d) La taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement prévue à l'article 1599 B du code général des impôts ; / (...) ".
6. D'autre part, le fait générateur de la taxe locale d'équipement et des taxes annexes auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis ne peut être que l'achèvement des travaux exécutés sans autorisation en vue de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement d'un bâtiment sur lesquels, en vertu des dispositions précitées de l'article 1585 A du code général des impôts, la taxe est établie. Conformément aux dispositions de l'article L. 274 A du livre des procédures fiscales, l'ordonnateur dispose alors d'un délai qui s'achève à l'expiration de la quatrième année suivant celle de l'achèvement des travaux, en cas d'absence d'autorisation de construire, pour émettre l'avis de mise en recouvrement. Ce délai peut être interrompu dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, notamment par la notification d'un procès-verbal.
7. Il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal d'infraction dressé par un agent de la commune de Mougins le 30 septembre 2011, complété par un rapport d'information établi par le même agent le 20 décembre suivant, a constaté une surélévation de la maison ayant fait l'objet du permis de construire du 28 novembre 2002, et la présence de locaux habitables d'une surface de 105 mètres carrés, qui devaient initialement se situer en-dessous du sol naturel et se trouvaient désormais au-dessus de celui-ci, constituant ainsi le rez-de-chaussée de la demeure. Cette surface correspond à trois caves ainsi qu'à un local à vélo. Il résulte cependant de l'instruction, notamment de l'avis de taxe d'habitation de M. et Mme B... établi au titre de l'année 2006, et il n'est pas sérieusement contesté, que les travaux relatifs à ces caves ainsi qu'au local à vélo attenant étaient achevés en 2006. Par conséquent, la prescription des taxes litigieuses était acquise, en l'absence de tout acte interruptif, à compter de l'année 2011, et la notification du procès-verbal dressé le 30 septembre 2011 n'a pu elle-même interrompre le cours de la prescription déjà acquise.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leurs autres moyens, que M. et Mme B... sont fondés à demander la décharge des suppléments de cotisations à la taxe locale d'équipement, à la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et à la taxe départementale des espaces naturels sensibles auxquelles ils ont été assujettis ainsi que des amendes fiscales correspondantes, pour un montant total de 10 870 euros.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des suppléments de cotisations à la taxe locale d'équipement, à la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et à la taxe départementale des espaces naturels sensibles auxquelles ils ont été assujettis, ainsi que des amendes fiscales correspondantes, pour un montant total de 10 870 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme D... et C... B... ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.