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23/09/2022 | FRANCE | N°459987

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 23 septembre 2022, 459987


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 9 septembre 2021 par laquelle la directrice déléguée du centre hospitalier intercommunal de Morestel l'a suspendue de ses fonctions et la décision du 25 octobre 2021 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de lui verser sa rémunération à compter du 15 septembre 2021 et de la rétablir dans ses droits à congé

s annuels à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à la fin de son congé...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 9 septembre 2021 par laquelle la directrice déléguée du centre hospitalier intercommunal de Morestel l'a suspendue de ses fonctions et la décision du 25 octobre 2021 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de lui verser sa rémunération à compter du 15 septembre 2021 et de la rétablir dans ses droits à congés annuels à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à la fin de son congé de maladie. Par une ordonnance n° 2107772 du 15 décembre 2021, le juge des référés a suspendu la décision du 9 septembre 2021, enjoint à l'administration de verser, à titre provisoire, à Mme B..., la rémunération à laquelle elle a droit dans le cadre de son congé de maladie, d'assimiler la période d'absence à une période de travail effectif et de prendre en compte cette période au titre de son avancement et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2021 et 14 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier intercommunal de Morestel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du centre hospitalier intercommunal de Morestel et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que, par une décision du 9 septembre 2021 entrant en vigueur le 15 septembre 2021, la directrice déléguée du centre hospitalier intercommunal de Morestel a suspendu Mme B..., infirmière au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le centre hospitalier intercommunal de Morestel se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 15 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a ordonné la suspension de l'exécution de cette décision, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

4. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question. Par suite, en estimant, pour suspendre la décision attaquée, que les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne s'appliquent pas à un agent qui est en congé de maladie à la date de leur entrée en vigueur, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le centre hospitalier intercommunal de Morestel est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.

Sur l'urgence :

8. D'une part, la décision litigieuse a pour effet de priver Mme B... de toute rémunération, préjudiciant ainsi de manière grave et immédiate à sa situation financière. Par suite, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie tant que Mme B... est en congé de maladie.

Sur la décision contestée en ce qu'elle prononce une suspension :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que le moyen tiré de ce que la décision de suspension a été prise alors que Mme B... se trouvait en congé de maladie n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

10. Si Mme B... soutient également que cette décision a été prise par une autorité incompétente, cet autre moyen n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité en ce qu'elle prononce une suspension.

Sur la date d'entrée en vigueur de la décision contestée :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que la décision prononçant la suspension de Mme B... a pris effet à compter du 15 septembre 2021, alors qu'à cette date elle était en congé de maladie depuis le 22 août précédent, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'entrée en vigueur de cette décision, en tant qu'elle précède la fin du congé de maladie.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 9 septembre 2021 suspendant Mme B... de ses fonctions, cette suspension prenant effet sous réserve qu'elle soit toujours en congé de maladie à la date de la présente décision et courant jusqu'au terme de son congé de maladie débuté le 22 août 2021, ou de tout autre congé qui lui aurait été immédiatement consécutif.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Morestel la somme de 1 000 euros à verser à Mme B... au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 15 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 9 septembre 2021 de la directrice déléguée du centre hospitalier intercommunal de Morestel est suspendue jusqu'au terme du congé de maladie de Mme B... débuté le 22 août 2021, ou de tout autre congé qui lui aurait été immédiatement consécutif.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de Morestel versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par centre hospitalier intercommunal de Morestel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier intercommunal de Morestel et à Mme A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 1er septembre 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 23 septembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459987
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 sep. 2022, n° 459987
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459987.20220923
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