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21/09/2022 | FRANCE | N°455418

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 septembre 2022, 455418


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Immo Invest a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté par lequel le maire de Saint-Pair-sur-Mer a exercé, au nom de la commune, le droit de préemption urbain sur des parcelles situées 213-215, route de Lézeaux. Par un jugement n° 1802219 du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT01453 du 11 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Immo Invest contre ce jugeme

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Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en répli...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Immo Invest a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté par lequel le maire de Saint-Pair-sur-Mer a exercé, au nom de la commune, le droit de préemption urbain sur des parcelles situées 213-215, route de Lézeaux. Par un jugement n° 1802219 du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT01453 du 11 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Immo Invest contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 août et 9 novembre 2021 et 6 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Immo Invest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Saint-Pair-sur-Mer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Immo Invest et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de la commune de Saint-Pair-sur-Mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 17 août 2018, le maire de Saint-Pair-sur-Mer a exercé le droit de préemption urbain de la commune sur diverses parcelles appartenant à l'association des Amis du Carmel. La société Immo Invest, acquéreur évincé, a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision au tribunal administratif de Caen, qui a rejeté sa demande par un jugement du 4 mars 2020. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 juin 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel comme irrecevable.

2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Si une telle vérification n'est normalement pas nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom, elle s'impose lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Cette qualité peut être régularisée jusqu'à la clôture de l'instruction.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requête d'appel a été formée le 4 mai 2020 par le président de la société par actions simplifiées Immo Invest, cette qualité l'investissant des pouvoirs lui permettant d'" agir (...) au nom de la société ", ainsi que le prévoit l'article L. 227-6 du code de commerce. La commune de Saint-Pair-sur-Mer a toutefois contesté devant la cour la qualité de représentant légal de la personne, dont le nom n'était pas précisé dans la requête d'appel, ayant agi au nom de la société Immo Invest, en se prévalant du fait que, d'une part, par un jugement du 17 janvier 2020, le tribunal de commerce de Coutances avait annulé la délibération du 25 juillet 2018 par laquelle l'ancien président, M. A..., avait été démis de ses fonctions de président de la société Immo Invest au bénéfice de M. B... et, d'autre part, M. A... avait, lors d'une sommation interpellative qui lui avait été délivrée, indiqué ne pas avoir donné instruction à l'avocat de la société de former appel contre le jugement du tribunal administratif de Caen.

4. Si, en raison des effets du jugement du tribunal de commerce du 17 janvier 2020, l'appel de la société aurait dû, à la date à laquelle la requête a été introduite, être formé par M. A..., il résulte cependant des principes énoncés au point 2 que cette situation pouvait être régularisée avant la clôture de l'instruction. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un mémoire enregistré le 17 mai 2021, la société a produit un procès-verbal d'assemblée générale du 21 juillet 2020 dont il ressortait que M. B... avait à nouveau été désigné comme président de cette société à compter de cette date et qu'il entendait, au nom de la société, maintenir les conclusions de la requête d'appel. Cette production, présentée avant que l'instruction ne soit close, a eu pour effet de régulariser la requête introductive d'instance. Par suite, en accueillant la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Pair-sur Mer, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Immo Invest est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge cette société, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Pair-sur-Mer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Saint-Pair-sur-Mer une somme de 3 000 euros à verser à la société Immo Invest au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 11 juin 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La commune de Saint-Pair-sur-Mer versera à la société Immo Invest une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Pair-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Immo Invest et à la commune de Saint-Pair-sur-Mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 septembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Damien Pons

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 455418
Date de la décision : 21/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2022, n° 455418
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455418.20220921
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