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01/08/2022 | FRANCE | N°462166

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 août 2022, 462166


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Melun, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 16 novembre 2021 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. C... B... et de Mme D... A..., candidats aux élections départementales organisées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Vitry-sur-Seine 2.

Par un jugement n° 2110486 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Melun a déclaré M. B... et Mme A

... inéligibles pour une durée de dix-huit mois.

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Melun, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 16 novembre 2021 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. C... B... et de Mme D... A..., candidats aux élections départementales organisées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Vitry-sur-Seine 2.

Par un jugement n° 2110486 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Melun a déclaré M. B... et Mme A... inéligibles pour une durée de dix-huit mois.

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la CNCCFP ;

3°) de les déclarer éligibles au remboursement qui leur est dû par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;

4°) de juger qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 10 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté l'absence de dépôt du compte de campagne de M. B... et Mme A..., candidats aux élections départementales organisées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Vitry-sur-Seine 2. En application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la commission a saisi le tribunal administratif de Melun qui, par un jugement du 4 février 2022, a déclaré M. B... et Mme A... inéligibles pour une durée de dix-huit mois. M. B... et Mme A... relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I. - Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / II. - Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. / III. - Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code " (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...) / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. / (...) ".

Sur le remboursement des dépenses électorales dû par l'Etat :

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation. (...) ". Il est constant que M. B... et Mme A... n'ont pas déposé de compte de campagne. Dès lors, il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat de fixer le montant du remboursement forfaitaire qui leur est dû.

Sur l'inéligibilité :

5. En application des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 118-3 du code électoral, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

6. Si M. B... et Mme A..., qui ont obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, font valoir, pour la première fois en appel, que ce manquement était dû à la difficulté d'ouvrir un compte bancaire, ils n'établissent ni les démarches qu'ils auraient entreprises auprès d'établissements de crédit, ni les refus qu'ils auraient essuyés, ni une éventuelle saisine de la Banque de France en vue de la désignation d'un établissement de crédit. Ils n'établissent pas davantage les problèmes de santé qui auraient empêché leur mandataire de procéder à l'ouverture d'un compte de dépôt, non plus que le manque de diligences du cabinet d'experts-comptables chargé de présenter leur compte de campagne. Par suite, les circonstances invoquées n'étaient pas de nature à justifier la méconnaissance des dispositions du code électoral citées ci-dessus, qui constitue, eu égard à l'absence d'ambiguïté de la règle applicable, un manquement grave et délibéré à une obligation substantielle.

7. M. B... et Mme A... soutiennent, pour la première fois en appel, que l'élection à laquelle ils étaient candidats et au titre de laquelle ils ont méconnu l'obligation de dépôt d'un compte de campagne ayant été annulée, cette annulation fait obstacle à ce qu'ils soient déclarés inéligibles. L'inéligibilité prévue à l'article L. 118-3 du code électoral en cas d'absence de dépôt d'un compte de campagne s'applique à toutes les élections et s'exécute à compter de la date à laquelle la décision du juge la constatant devient définitive. Est sans incidence sur cette inéligibilité la circonstance que l'élection a été annulée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun les a déclarés inéligibles pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date à laquelle son jugement sera devenu définitif. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, la requête de M. B... et Mme A... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., à Mme D... A..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 1er août 2022.

Le président :

Signé : M. Benoît Bohnert

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Corinne Sak


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 462166
Date de la décision : 01/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 aoû. 2022, n° 462166
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462166.20220801
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