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01/08/2022 | FRANCE | N°462163

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 août 2022, 462163


Vu la procédure suivante :

Par une saisine du 10 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a transmis au tribunal administratif de Strasbourg, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la décision par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme B... D... et M. C... A..., candidats aux élections qui se sont tenues les 20 et 27 juin 2021 pour l'élection des conseillers départementaux dans le canton de Bouzonville.

Par un jugement n° 2107725 du 27 janvier 2022, le tribunal ad

ministratif a jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte...

Vu la procédure suivante :

Par une saisine du 10 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a transmis au tribunal administratif de Strasbourg, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la décision par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme B... D... et M. C... A..., candidats aux élections qui se sont tenues les 20 et 27 juin 2021 pour l'élection des conseillers départementaux dans le canton de Bouzonville.

Par un jugement n° 2107725 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif a jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagne de Mme D... et M. A... et qu'il n'y avait pas lieu de les déclarer inéligibles.

Par une ordonnance n° 22NC00516 du 7 mars 2022, enregistrée le 9 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 25 février 2022 au greffe de cette cour, présentée par M. A... et Mme D.... Par cette requête et un nouveau mémoire, enregistré le 6 juillet 2022, M. A... et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la CNCCFP ;

3°) de déterminer le montant de leur remboursement forfaitaire, en application des articles L. 118-2 et L. 52-11-1 du code électoral ;

4°) à titre subsidiaire, de dire qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles, en application de l'article L. 118-3 du code électoral ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée à la CNCCFP, qui n'a pas produit de mémoire, ainsi qu'au ministre de l'intérieur et au préfet de la Moselle, qui n'ont pas produit d'observations.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les requérants, dont le tribunal administratif a jugé qu'il n'y avait pas lieu qu'ils soient déclarés inéligibles, n'ont pas intérêt et ne sont, par suite, pas recevables à demander, à titre subsidiaire, que le Conseil d'Etat confirme qu'il n'y a pas lieu de prononcer leur inéligibilité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 novembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne déposé par Mme D... et M. A..., candidats aux élections qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de la désignation, pour le canton de Bouzonville, des membres du conseil départemental de la Moselle. Par le jugement attaqué du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'elle avait rejeté ce compte à bon droit et qu'il n'y avait pas lieu de déclarer Mme D... et M. A... inéligibles.

Sur le rejet du compte de campagne :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 52-15 de ce code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée " le mandataire financier ". (...) / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. (...) ". Selon l'article L. 52-6 du même code : " (...) Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. (...) / Les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l'a désigné ou au compte de campagne du candidat tête de liste lorsque le candidat qui l'a désigné figure sur cette liste. ". En raison de la finalité poursuivie par les dispositions des articles L. 52-4 et L. 52-6 du code électoral, l'obligation de financer toute dépense effectuée en vue de la campagne exclusivement à partir du compte unique ouvert à cette seule fin par le mandataire financier désigné par le candidat constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut, en principe, pas être dérogé. Le règlement direct de menues dépenses par le candidat ou par toute autre personne participant à sa campagne, y compris son mandataire financier sur ses fonds propres, ne peut être admis qu'à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.

4. Il résulte de l'instruction que M. A... a réglé directement, le 11 juin 2021, après la désignation du mandataire financier de son binôme, la somme de 2 156,71 euros auprès des services postaux pour la distribution d'un tract. Cette somme, qui représente environ 16 % du montant total des dépenses du compte et 7,5 % du plafond des dépenses autorisées pour l'élection, ne saurait être regardée ni comme faible au regard de la première somme, ni comme négligeable par rapport à la seconde, sans que les requérants puissent utilement faire valoir que leur mandataire financier ne disposait pas d'un moyen de paiement lui permettant de payer cette somme et qu'il était indispensable qu'elle fût engagée immédiatement pour permettre la distribution de leur tract avant le premier tour de scrutin. Il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg, par l'article 1er de son jugement, a jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit leur compte de campagne. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat fixe le montant du remboursement forfaitaire auquel ils ont droit doivent également être rejetées.

Sur l'inéligibilité :

5. Les requérants, dont le tribunal administratif a jugé qu'il n'y avait pas lieu qu'ils soient déclarés inéligibles, n'ont pas intérêt à demander, à titre subsidiaire, que le Conseil d'Etat confirme que l'irrégularité relevée par la CNCCFP ne justifiait pas que soit prononcée leur inéligibilité. Leurs conclusions présentées à ce titre sont, par suite, irrecevables.

6. Il résulte de ce qui est dit aux points 4 et 5 que la requête de M. A... et Mme D... doit être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... et de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme B... D..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Benoît Bohnert, assesseur, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 1er août 2022.

Le président :

Signé : M. Benoît Bohnert

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Corinne Sak


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 462163
Date de la décision : 01/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 aoû. 2022, n° 462163
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462163.20220801
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