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20/07/2022 | FRANCE | N°430384

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 20 juillet 2022, 430384


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'elle a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois ou, à titre encore plus subsidi

aire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'elle a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois ou, à titre encore plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires. Elle a également demandé la condamnation du SDMIS à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de ses préjudices personnels et de ses troubles dans les conditions d'existence. Par un jugement n° 1303704 du 9 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17LY01443 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement et rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du SDMIS du Rhône la somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... A... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du service départemental métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., sapeur-pompier professionnel, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'elle soutient avoir accomplies en 2010 et en 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures, à titre subsidiaire, les heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois, à titre encore plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires et, en tout état de cause, une indemnité réparant ses préjudices personnels et ses troubles dans les conditions d'existence en raison du régime illégal de la durée du travail à laquelle elle a été assujettie. Par un jugement du 9 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 mars 2019 en tant qu'après avoir annulé ce jugement, elle a rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur le paiement des heures supplémentaires :

2. En premier lieu, Mme A..., qui faisait seulement valoir qu'elle avait été placée en disponibilité du 1er janvier au 13 février 2011, n'a pas été employée à temps partiel en 2010 et 2011. Par suite, elle ne pouvait utilement soulever le moyen tiré de l'illégalité de l'application du régime d'équivalence aux sapeurs-pompiers professionnels exerçant à temps partiel, de sorte que la cour n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en omettant d'y répondre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " (...) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas dépasser 12 heures consécutives (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 du même décret : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures ".

3. Le régime d'horaire d'équivalence constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, seules peuvent ouvrir droit à un complément de rémunération les heures de travail effectif réalisées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Le dépassement des durées maximales de travail prévues tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Par suite, en jugeant que la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires devant être rémunérées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration du service a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001 cités au point 2, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En troisième lieu, après avoir relevé que l'activité professionnelle de Mme A... avait, au cours des années 2010 et 2011, été organisée selon des cycles comportant des gardes de 24 heures, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que l'intéressée n'était pas soumise au régime de droit commun de gardes de 12 heures avec une durée annuelle de 1 607 heures prévu par la délibération du conseil d'administration du SDIS du Rhône du 11 janvier 2002 mais au régime dérogatoire, prévu par cette même délibération et en faveur duquel les agents étaient libres d'opter, de gardes de 24 heures avec une durée annuelle de 2 240 heures. Par ailleurs, le moyen tiré de ce qu'en l'absence de mesures adéquates de compensation ou de protection, ce régime dérogatoire serait contraire au droit de l'Union n'a pas été soulevé devant la cour administrative d'appel et ne présente pas le caractère d'un moyen d'ordre public. Ce moyen, nouveau en cassation, est inopérant et ne peut par suite qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " I.- L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies./ La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. (...) / II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : / a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du comité d'hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique, qui détermine les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés ; / (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Le décret en Conseil d'Etat prévu pour l'application du a du II de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé est pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. " Si les dispositions du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels citées au point 2, ont dérogé, selon la procédure susmentionnée, à la durée quotidienne maximale de travail, il n'en va pas de même vis-à-vis de la règle limitant la durée hebdomadaire du travail effectif des fonctionnaires territoriaux, heures supplémentaires comprises, à quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives. Ce plafond doit, toutefois, être apprécié, après application du coefficient d'équivalence retenu pour les gardes de 24 heures. Dès lors qu'il est constant que le coefficient d'équivalence retenu par la délibération du conseil d'administration du SDIS du Rhône du 11 janvier 2002 pour les gardes de 24 heures était de 1,5, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le calcul proposé par Mme A... ne permettait pas d'établir que le " régime de travail dérogatoire en 24 heures " prévu par cette délibération, qui comportait 90 gardes de 24 heures, plus 2 semaines de 5 jours de 8 heures méconnaissait le plafond de 44 heures en moyenne sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.

6. En cinquième lieu, il résulte de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que Mme A... ne pouvait utilement soutenir que le régime de la durée du travail des sapeurs-pompiers bénéficiaires d'un logement fixé par les dispositions du II de la délibération du conseil d'administration du SDIS du 26 juin 2009, qui avait été déclaré illégal par un arrêt devenu définitif de la même cour du 8 janvier 2013, serait contraire au principe de non-discrimination prévu par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Dès lors, le moyen du pourvoi tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que Mme A... ne pouvait utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ce principe de non-discrimination par le " régime de travail dérogatoire en 24 heures " fixé par le II de la délibération du conseil d'administration du SDIS du 11 janvier 2002 est inopérant et ne peut qu'être écarté.

Sur l'indemnisation des préjudices personnels et des troubles dans les conditions d'existence :

7. En estimant que Mme A... n'apportait aucun élément permettant de démontrer que l'application en 2010 et 2011 du régime des sapeurs-pompiers logés en casernement lui avait causé un préjudice, distinct du non-paiement d'heures supplémentaires accomplies, résultant de troubles dans les conditions d'existence dont elle serait fondée à demander la réparation, la cour administrative d'appel de Lyon a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au service départemental métropolitain d'incendie et de secours du Rhône.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Mathieu Le Coq

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 430384
Date de la décision : 20/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2022, n° 430384
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:430384.20220720
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