La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2022 | FRANCE | N°458208

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 15 juillet 2022, 458208


Vu la procédure suivante :

Le syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan et le syndicat CGT du centre hospitalier de Perpignan ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la note de service n° 2021-138 du 10 septembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Perpignan relative aux conséquence d'une suspension pour défaut de vaccination contre la covid-19 et d'enjoindre à cet établissement d'informer

ses agents de leur droit à exercer une activité rémunérée ou à su...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan et le syndicat CGT du centre hospitalier de Perpignan ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la note de service n° 2021-138 du 10 septembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Perpignan relative aux conséquence d'une suspension pour défaut de vaccination contre la covid-19 et d'enjoindre à cet établissement d'informer ses agents de leur droit à exercer une activité rémunérée ou à suivre une formation en cas de suspension. Par une ordonnance n° 2105178 du 21 octobre 2021, le juge des référés a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 22 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du syndicat CGT - Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens et du syndicat CGT du centre hospitalier et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du centre hospitalier de Perpignan.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une note de service du 10 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier de Perpignan a informé les agents de cet établissement des conséquences qu'entraînerait pour eux à partir du 15 septembre 2021 une suspension prononcée pour défaut de vaccination contre la covid-19 sur le fondement de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan et le syndicat CGT du centre hospitalier de Perpignan se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 21 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs conclusions pendant à la suspension de l'exécution de cette note de service sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. En jugeant irrecevables les conclusions aux fins de suspension dirigées par les syndicats requérants contre la note de service du 10 septembre 2021 au motif que cette note aurait été dépourvue de caractère impératif, sans rechercher si elle n'était pas susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de la mettre en œuvre, le juge des référés a commis une erreur de droit. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son ordonnance, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Perpignan :

5. La note de service du 10 septembre 2021 étant susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre, le centre hospitalier de Perpignan n'est pas fondé à soutenir qu'elle ne pourrait être déférée au juge de l'excès de pouvoir. La fin de non-recevoir opposée par cet établissement aux conclusions présentées par les syndicats requérants sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut dès lors qu'être écartée.

Sur la demande de suspension :

6. D'une part, les syndicats requérants ont pour objet de défendre les droits des agents du centre hospitalier de Perpignan, que la note de service du 10 septembre 2021 informe de la mise en œuvre, à partir du 15 septembre 2021, d'un régime juridique dérogatoire susceptible de s'appliquer à plusieurs d'entre eux et d'emporter pour eux des conséquences graves et immédiates de nature à caractériser une situation d'urgence. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

7. D'autre part, le moyen tiré de ce que la note de service serait entachée d'une méconnaissance du champ d'application de la loi en ce qu'elle prévoit que les agents suspendus perdront le droit d'exercer une activité libérale ou de suivre une formation pendant leur période de suspension est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué.

8. Il résulte de ce qui précède que les syndicats requérants sont fondés à demander la suspension de l'exécution de la note de service n° 2021-138 du 10 septembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Perpignan en tant seulement qu'elle prévoit que les agents suspendus perdront le droit d'exercer une activité libérale ou de suivre une formation pendant leur période de suspension, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur leurs conclusions tendant à son annulation.

9. Cette suspension n'implique en revanche pas qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Perpignan, ainsi que les syndicats requérants le demandent, d'informer ses agents de l'existence d'un droit à exercer une activité libérale ou à suivre une formation durant une suspension prononcée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan la somme de 2 000 euros à verser à chacun des syndicats requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de l'instance de cassation et de l'instance de référé. Les dispositions du même article font obstacle à ce que la somme demandée en cassation par le centre hospitalier soit mise à la charge des syndicats requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 21 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : L'exécution de la note de service n° 2021-138 du 10 septembre 2021 du directeur du centre hospitalier de Perpignan est suspendue en tant qu'elle prévoit que les agents suspendus perdront le droit d'exercer une activité libérale ou de suivre une formation pendant leur période de suspension.

Article 3 : Le centre hospitalier de Perpignan versera la somme de 2 000 euros chacun au syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan et au syndicat CGT du centre hospitalier de Perpignan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat CGT Médecins-Ingénieurs-Cadres-Techniciens du centre hospitalier de Perpignan, au syndicat CGT du centre hospitalier de Perpignan et au centre hospitalier de Perpignan.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 juin 2022 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 15 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 458208
Date de la décision : 15/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2022, n° 458208
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458208.20220715
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award