La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2022 | FRANCE | N°459899

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 13 juillet 2022, 459899


Vu les procédures suivantes :

1° sous le n° 459899 :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603775 du 31 décembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19DA00486 du 29 octobre 2021, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un p

ourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 décembre 2021 et 28 mars 20...

Vu les procédures suivantes :

1° sous le n° 459899 :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603775 du 31 décembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19DA00486 du 29 octobre 2021, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 décembre 2021 et 28 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° sous le n° 459900 :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, des contributions et prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1800809 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 20DA00495 du 29 octobre 2021, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 décembre 2021 et 28 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte du 23 janvier 2013, M. B..., médecin ophtalmologiste, a apporté les 722 actions de la société anonyme Clinique Mathilde dont il était propriétaire, évaluées à la somme de 577 600 euros, à la société Mathilde Médical Développement (MMD), en contrepartie de titres de cette société. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité non commerciale de M. B..., l'administration fiscale a estimé que la plus-value constatée à l'occasion de l'apport des titres de la société Clinique Mathilde à la société MMD ne pouvait légalement bénéficier du mécanisme de report d'imposition prévu à l'article 151 octies B du code général des impôts dont l'intéressé revendiquait le bénéfice et a, en conséquence, assujetti ce dernier à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013. M. B... se pourvoit contre les ordonnances du 29 octobre 2021 par lesquelles le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté les appels qu'il avait formés contre les jugements des 31 décembre 2018 et 11 février 2020 du tribunal administratif de Rouen rejetant ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 151 octies B du code général des impôts : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies résultant de l'échange de droits et parts effectué à l'occasion de l'apport de tels droits ou parts à une société soumise à un régime réel d'imposition peuvent faire l'objet d'un report d'imposition dans les conditions prévues au II. (...) / II. - L'application du I est subordonnée aux conditions suivantes : / 1° L'apporteur est une personne physique qui exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à titre professionnel au sens du IV de l'article 155 ; / 2° L'apport porte sur l'intégralité des droits ou parts nécessaires à l'exercice de l'activité, détenus par le contribuable et inscrits à l'actif de son bilan ou dans le tableau des immobilisations. / (...) / 3° La société bénéficiaire reçoit, à l'occasion de l'apport mentionné au 2° ou d'autres apports concomitants, plus de 50 % des droits de vote ou du capital de la société dont les droits et parts sont apportés ; / 4° Les droits et parts reçus en rémunération de l'apport sont nécessaires à l'exercice de l'activité de l'apporteur. / (...) ".

4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 151 octies B précité du code général des impôts que le bénéfice du report d'imposition des plus-values résultant de l'échange de droits et parts effectué à l'occasion de l'apport de droits ou parts à une société soumise à un régime réel d'imposition est subordonné à la condition que tant les droits et parts apportés, lesquels doivent dans ce cas être inscrits à l'actif de son bilan ou dans le tableau des immobilisations, que les droits et parts reçus en contrepartie de l'apport soient nécessaires à l'exercice de l'activité de l'apporteur. Pour ce qui concerne les apporteurs qui exercent une activité relevant des bénéfices non commerciaux, le législateur a ainsi entendu exclure le bénéfice du report lorsque la détention des droits ou part apportés ou reçus en rémunération de l'apport revêt une simple utilité professionnelle pour l'intéressé qui peut, à son choix, les maintenir dans son patrimoine personnel ou les rattacher à son actif professionnel et les porter, dans ce cas, sur le registre des immobilisations prévu à l'article 99 du code général des impôts. Par suite, en jugeant, sans qu'il lui soit nécessaire de se réréfer aux travaux parlementaires préalables à l'adoption de ces dispositions, que la seule circonstance que les parts apportées par M. B... étaient inscrites à son actif professionnel ne pouvait suffire à établir que ces parts auraient été nécessaires, au sens de l'article 151 octies B du code général des impôts, à l'exercice de son activité d'ophtalmologiste, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, en jugeant que s'il ressortait des éléments versés à l'instruction par M. B... que la détention des parts de la société Clinique Mathilde lui donnait la possibilité de peser sur les orientations décidées au sein de cette société, il n'en découlait pas que cette détention pouvait être regardée comme nécessaire à l'exercice de son activité, au sens des dispositions de l'article 151 octies B du code général des impôts, alors notamment qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'intéressé aurait été tenu à une obligation de détention des parts de la société Clinique Mathilde et qu'il n'était pas contesté que des praticiens non associés exerçaient au sein de cette clinique, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. En jugeant, par ailleurs, après avoir relevé que la société MMD exerçait exclusivement une activité de holding sans gérer la clinique Mathilde, que si M. B... avait un intérêt professionnel, de même que les autres praticiens exerçant au sein de cette clinique, à préserver, par l'opération d'apport en litige, l'indépendance de celle-ci et à conserver ainsi la maîtrise de leur outil de travail, cette circonstance ne pouvait suffire à regarder la détention des parts de la société MMD comme nécessaire, au sens des dispositions de l'article 151 octies B du code général des impôts, à l'exercice, par les intéressés, de leur activité professionnelle au sein de la clinique Mathilde, la cour n'a pas davantage inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. En en déduisant que l'administration avait pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du report d'imposition dont M. B... avait entendu se prévaloir, la cour, qui a repondu à l'ensemble des moyens soulevés, n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que compte tenu de la portée susceptible d'être donnée au texte, qui n'avait pas encore donné lieu à interprétation à la date des faits, M. B..., qui avait du reste fait procéder à l'enregistrement de l'acte mentionnant la plus-value en cause, ne saurait être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant délibérément fait application d'un régime de report d'imposition au bénéfice duquel il savait ne pas pouvoir prétendre. Par suite, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce en regardant comme établie l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation des ordonnances attaquées en tant qu'elles concernent la majoration de l'article 1729 du code général des impôts.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler les affaires au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

12. Ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des majorations de l'article 1729 dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les ordonnances du 29 octobre 2021 du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Douai ainsi que les jugements du tribunal administratif de Rouen sont annulés en tant qu'ils concernent les pénalités de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 2 : M. B... est déchargé des majorations de l'article 1729 dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 13 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459899
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - REPORT D’IMPOSITION DES PLUS-VALUES D’ÉCHANGE (ART - 151 OCTIES B DU CGI) – 1) A) CONDITION – CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ DE L’APPORTEUR DES TITRES APPORTÉS ET REÇUS – B) CONSÉQUENCE - S’AGISSANT D’UNE ACTIVITÉ RELEVANT DES BNC – EXCLUSION – TITRES AYANT PU ÊTRE INSCRITS À L’ACTIF EN RAISON DE LEUR UTILITÉ PROFESSIONNELLE [RJ1] – 2) ESPÈCE – PLUS-VALUE D’ÉCHANGE RÉALISÉE LORS DE L’APPORT PAR UN MÉDECIN À UNE SOCIÉTÉ HOLDING DES TITRES DE LA CLINIQUE OÙ IL EXERCE – A) TITRES APPORTÉS – I) INSCRIPTION À L’ACTIF PROFESSIONNEL DU MÉDECIN – CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE – II) CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ – ABSENCE – B) TITRES REÇUS – CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ – ABSENCE – C) CONSÉQUENCE – REPORT D’IMPOSITION – ABSENCE.

19-04-02-005-02 1) a) Il résulte des termes mêmes de l’article 151 octies B du code général des impôts (CGI) que le bénéfice du report d’imposition des plus-values résultant de l'échange de droits et parts effectué à l'occasion de l'apport de droits ou parts à une société soumise à un régime réel d'imposition est subordonné à la condition que tant les droits et parts apportés, lesquels doivent dans ce cas être inscrits à l'actif de son bilan ou dans le tableau des immobilisations, que les droits et parts reçus en contrepartie de l’apport soient nécessaires à l’exercice de l’activité de l’apporteur....b) Pour ce qui concerne les apporteurs qui exercent une activité relevant des bénéfices non commerciaux (BNC), le législateur a ainsi entendu exclure le bénéfice du report lorsque la détention des droits ou parts apportés ou reçus en rémunération de l’apport revêt une simple utilité professionnelle pour l’intéressé qui peut, à son choix, les maintenir dans son patrimoine personnel ou les rattacher à son actif professionnel et les porter, dans ce cas, sur le registre des immobilisations prévu à l’article 99 du CGI....2) Médecin ophtalmologiste ayant apporté les actions d’une société anonyme exploitant une clinique dont il était propriétaire à une société holding, en contrepartie de titres de cette société. Contribuable ayant revendiqué, pour la plus-value constatée à l’occasion de l’apport des titres, le mécanisme de report d’imposition prévu à l’article 151 octies B du CGI....a) i) Sans qu’il lui soit nécessaire de se référer aux travaux parlementaires préalables à l’adoption de ces dispositions, la seule circonstance que les parts apportées par le contribuable soient inscrites à son actif professionnel ne peut suffire à établir que ces parts auraient été nécessaires, au sens de l’article 151 octies B du CGI, à l’exercice de son activité d’ophtalmologiste....ii) Si la détention des parts de la société exploitant la clinique donne au contribuable la possibilité de peser sur les orientations décidées au sein de cette société, il n’en découle pas que cette détention peut être regardée comme nécessaire à l’exercice de son activité, au sens de l’article 151 octies B du CGI, alors notamment que l’intéressé n’est pas tenu à une obligation de détention des parts de la société et que des praticiens non associés exercent au sein de cette clinique....b) Société bénéficiaire exerçant exclusivement une activité de holding sans gérer la clinique....Si le contribuable a un intérêt professionnel, de même que les autres praticiens exerçant au sein de cette clinique, à préserver, par l’opération d’apport en litige, l’indépendance de celle-ci et à conserver ainsi la maîtrise de leur outil de travail, cette circonstance ne peut suffire à regarder la détention des parts de la société bénéficiaire comme nécessaire, au sens de l’article 151 octies B du CGI, à l’exercice, par les intéressés, de leur activité professionnelle au sein de la clinique....c) Il s’en déduit que l’administration a pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du report d’imposition dont le contribuable avait entendu se prévaloir.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES NON COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - REPORT D’IMPOSITION DES PLUS-VALUES D’ÉCHANGE (ART - 151 OCTIES B DU CGI) – 1) A) CONDITION GÉNÉRALE – CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ DE L’APPORTEUR DES TITRES APPORTÉS ET REÇUS – B) CONSÉQUENCE – EXCLUSION – TITRES AYANT PU ÊTRE INSCRITS À L’ACTIF EN RAISON DE LEUR UTILITÉ PROFESSIONNELLE [RJ1] – 2) ESPÈCE – PLUS-VALUE D’ÉCHANGE RÉALISÉE LORS DE L’APPORT PAR UN MÉDECIN À UNE SOCIÉTÉ HOLDING DES TITRES DE LA CLINIQUE OÙ IL EXERCE – A) TITRES APPORTÉS – I) INSCRIPTION À L’ACTIF PROFESSIONNEL DU MÉDECIN – CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE – II) CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ – ABSENCE – B) TITRES REÇUS – CARACTÈRE NÉCESSAIRE À L’ACTIVITÉ – ABSENCE – C) CONSÉQUENCE – REPORT D’IMPOSITION – ABSENCE.

19-04-02-05-02 1) a) Il résulte des termes mêmes de l’article 151 octies B du code général des impôts (CGI) que le bénéfice du report d’imposition des plus-values résultant de l'échange de droits et parts effectué à l'occasion de l'apport de droits ou parts à une société soumise à un régime réel d'imposition est subordonné à la condition que tant les droits et parts apportés, lesquels doivent dans ce cas être inscrits à l'actif de son bilan ou dans le tableau des immobilisations, que les droits et parts reçus en contrepartie de l’apport soient nécessaires à l’exercice de l’activité de l’apporteur....b) Pour ce qui concerne les apporteurs qui exercent une activité relevant des bénéfices non commerciaux (BNC), le législateur a ainsi entendu exclure le bénéfice du report lorsque la détention des droits ou parts apportés ou reçus en rémunération de l’apport revêt une simple utilité professionnelle pour l’intéressé qui peut, à son choix, les maintenir dans son patrimoine personnel ou les rattacher à son actif professionnel et les porter, dans ce cas, sur le registre des immobilisations prévu à l’article 99 du CGI....2) Médecin ophtalmologiste ayant apporté les actions d’une société anonyme exploitant une clinique dont il était propriétaire à une société holding, en contrepartie de titres de cette société. Contribuable ayant revendiqué, pour la plus-value constatée à l’occasion de l’apport des titres, le mécanisme de report d’imposition prévu à l’article 151 octies B du CGI....a) i) Sans qu’il lui soit nécessaire de se référer aux travaux parlementaires préalables à l’adoption de ces dispositions, la seule circonstance que les parts apportées par le contribuable soient inscrites à son actif professionnel ne peut suffire à établir que ces parts auraient été nécessaires, au sens de l’article 151 octies B du CGI, à l’exercice de son activité d’ophtalmologiste....ii) Si la détention des parts de la société exploitant la clinique donne au contribuable la possibilité de peser sur les orientations décidées au sein de cette société, il n’en découle pas que cette détention peut être regardée comme nécessaire à l’exercice de son activité, au sens de l’article 151 octies B du CGI, alors notamment que l’intéressé n’est pas tenu à une obligation de détention des parts de la société et que des praticiens non associés exercent au sein de cette clinique....b) Société bénéficiaire exerçant exclusivement une activité de holding sans gérer la clinique....Si le contribuable a un intérêt professionnel, de même que les autres praticiens exerçant au sein de cette clinique, à préserver, par l’opération d’apport en litige, l’indépendance de celle-ci et à conserver ainsi la maîtrise de leur outil de travail, cette circonstance ne peut suffire à regarder la détention des parts de la société bénéficiaire comme nécessaire, au sens de l’article 151 octies B du CGI, à l’exercice, par les intéressés, de leur activité professionnelle au sein de la clinique....c) Il s’en déduit que l’administration a pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du report d’imposition dont le contribuable avait entendu se prévaloir.


Références :

[RJ1]

Cf., s’agissant de la possibilité pour le contribuable imposé dans la catégorie des BNC d’inscrire à l’actif professionnel de tels biens, CE, 20 avril 1985, Min. c/ Lyon-Caen, n° 43759, T. p. 602 ;

CE, 10 octobre 2006, Auvray, n° 265117, T. p. 851.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2022, n° 459899
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459899.20220713
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award