La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°458072

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 458072


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et l'association Nexem demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, du 24 août 2021 fixant les tarifs plafonds prévus au deu

xième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles appl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et l'association Nexem demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, du 24 août 2021 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicables aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- le décret n° 2020-869 du 15 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-965 du 31 juillet 2020 ;

- l'arrêté du 2 mai 2018 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicable aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2018 ;

- l'arrêté du 13 mai 2019 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicable aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2019 ;

- l'arrêté du 19 août 2020 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicable aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte du deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles que le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement des établissements et services mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code est réparti en dotations régionales limitatives, dont le montant " est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des besoins de la population, des priorités définies au niveau national en matière de politique médico-sociale, en tenant compte de l'activité et des coûts moyens des établissements et services et d'un objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions. A cet effet, un arrêté interministériel fixe, annuellement, les tarifs plafonds ou les règles de calcul desdits tarifs plafonds (...), ainsi que les règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds ". Pour l'application de ces dispositions, un arrêté du 24 août 2021 du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, dont les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir, a fixé les tarifs plafonds applicables pour l'année 2021 aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale, qui ont pour mission, en vertu du 8° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, d'assurer l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ". D'autre part, il résulte de l'article 1er du décret du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique qu'il " prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine du logement et de la construction ainsi que dans le domaine de la lutte contre la précarité et l'exclusion " et qu'il " élabore et met en œuvre la politique en faveur du logement et de l'hébergement des populations en situation d'exclusion ". L'article 2 du même décret dispose que " le ministre de la transition écologique a autorité sur les services mentionnés dans le décret du 9 juillet 2008 susvisé, à l'exception de la direction des affaires maritimes ", parmi lesquels figure la délégation à l'hébergement et à l'accès au logement qui est chargée, aux termes de l'article 9-1 du décret du 9 juillet 2008 visé ci-dessus, de " la mise en œuvre de la politique publique en matière d'hébergement, d'accès au logement et de maintien dans le logement des personnes sans abri ou mal logées. ". En outre, il résulte de l'article 1er du décret du 31 juillet 2020 visé ci-dessus que la ministre déléguée auprès du ministre de la transition écologique, chargée du logement, " traite, par délégation de la ministre de la transition écologique, des affaires relatives au logement et à la construction, y compris ce qui relève dans ce champ de la lutte contre la précarité et l'exclusion (...) " et " élabore et met en œuvre la politique en faveur du logement et de l'hébergement des populations en situation d'exclusion " et de l'article 2 de ce même décret que, pour l'exercice de ses attributions, la ministre déléguée dispose des services placés sous l'autorité de la ministre de la transition écologique. Il suit de là que M. B... A..., délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement et délégué à l'hébergement et à l'accès au logement, avait compétence, en cette dernière qualité, pour signer l'arrêté attaqué au nom de la ministre déléguée, chargée du logement.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les tarifs plafonds ont été fixés par l'article 2 de l'arrêté attaqué pour 2021 au vu des résultats d'une étude nationale de coûts réalisée sur la base des données de l'exercice 2015 portant sur l'activité de 672 centres d'hébergement et de réinsertion sociale sur un total de 797, soit un niveau identique à celui fixé par les arrêtés des 2 mai 2018, 13 mai 2019 et 19 août 2020 respectivement pour les exercices 2018, 2019 et 2020.

4. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les tarifs plafonds applicables ne correspondraient pas au niveau des coûts moyens constatés en 2015 majorés d'un coefficient de revalorisation de 5 %, les chiffres bruts ayant fait l'objet d'un retraitement statistique afin d'écarter les valeurs regardées comme peu fiables.

5. D'autre part, si les ministres doivent, en application de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles, tenir compte notamment, pour fixer le montant des dotations régionales limitatives, des coûts moyens des établissements et services, il ne s'ensuit pas que les tarifs plafonds destinés à la réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions devraient nécessairement être révisés annuellement, de telle sorte que le maintien d'un niveau de tarifs plafonds identique à celui fixé les trois années précédentes serait par lui-même illégal.

6. Enfin, si les requérantes font valoir que la mise en œuvre des règles de convergence tarifaire les années précédentes aurait entraîné une dégradation de la qualité de l'accompagnement proposé aux personnes hébergées et fait état de divers facteurs ayant pu contribuer à l'augmentation des charges exposées par les centres d'hébergement, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres auraient fixé les tarifs plafonds pour l'exercice 2021 à un niveau manifestement erroné.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué, les tarifs plafonds qu'il détermine sont opposables, pour l'exercice 2021, à l'ensemble des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, à l'exception de ceux ayant conclu le contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 313-11 du code de l'action sociale et des familles avant le 1er janvier 2017 et en cours de validité pour l'année 2021 et de ceux ayant conclu un contrat ou un avenant au contrat sur ce même fondement à partir du 1er janvier 2017 ne prévoyant pas l'application des tarifs plafonds en application du 4° de l'article R. 314-40 du même code et en cours de validité pour l'année 2021. Il résulte à ce titre de l'article 3 de l'arrêté attaqué que, pour les établissements présentant un coût de fonctionnement brut à la place supérieur à ces tarifs plafonds, le financement accordé en 2020 est en principe maintenu en 2021 au même niveau diminué de la moitié de l'écart avec le financement qui résulterait de l'application des tarifs plafonds, après avoir tenu compte le cas échéant de l'évolution de la répartition des places entre groupes homogènes d'activités et de missions, constatée lors de l'enquête nationale de coûts réalisée en 2020. S'il précise que lorsqu'un centre d'hébergement et de réinsertion sociale est soumis pour la première année à une convergence au titre des tarifs plafonds, cet établissement perçoit, de la même façon que l'arrêté le prévoit également pour les établissements ayant connu une évolution de la répartition des places entre groupes homogènes d'activités et de missions, un financement maximal, au titre des groupes homogènes d'activités et de missions situé au-dessus des tarifs plafond, égal au financement accordé en 2020, diminué de la moitié de l'écart entre ce financement et le produit du tarif plafond applicable multiplié par le nombre de places autorisées et financées qui y est associé, d'une part, l'arrêté contesté n'institue ce faisant aucune différence de traitement entre les centres d'hébergement et de réinsertion sociale selon qu'ils étaient ou non antérieurement soumis au mécanisme de convergence et, d'autre part, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'application du taux de convergence prévu par le premier arrêté tarifaire du 2 mai 2018 pour soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité. En outre, compte tenu de l'objectif de rapprochement des tarifs pratiqués du niveau des tarifs plafonds et de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres, qui n'étaient pas tenus de reprendre les modalités de convergence prévues au titre des précédents arrêtés pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale soumis pour la première année à une convergence au titre des tarifs plafonds en 2021, auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant de telles modalités de convergence pour ces établissements.

8. En quatrième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles cité ci-dessus que l'arrêté attaqué était seulement habilité, d'une part, à fixer au titre de l'année 2021, ainsi qu'il l'a fait à l'article 2 de l'arrêté litigieux, les tarifs plafonds dans la limite desquels le représentant de l'Etat dans le département détermine, en sa qualité d'autorité de tarification, le tarif des prestations de chaque établissement et, d'autre part, à déterminer, ainsi qu'il l'a fait à l'article 3 de l'arrêté litigieux, les " règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds " pour les établissements faisant l'objet d'un tarif supérieur à ces tarifs plafonds. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'" incompétence négative " et méconnaîtrait le principe d'égalité en ne prévoyant pas un mécanisme de convergence vers ces tarifs plafonds pour les établissements dont le coût de fonctionnement brut à la place serait inférieur aux tarifs plafonds.

9. Enfin, c'est par des dispositions suffisamment claires et précises que, d'une part, l'article 3 de l'arrêté permet à l'autorité de tarification d'appliquer un taux d'effort budgétaire supérieur dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 314-7 du code de l'action sociale et des familles afin de tenir compte des moyennes observées sur son territoire et des écarts à ces moyennes pour des établissements dont l'activité est comparable, sans que les abattements sur les charges opérés dans ce cadre puissent aboutir à un coût brut à la place inférieur au tarif plafond applicable et que, d'autre part, l'article 4 précise les sommes dont il est tenu compte pour la détermination du budget de l'établissement et de la dotation globale de financement. Par suite, les dispositions de ces articles ne méconnaissent pas davantage que celles du reste de l'arrêté, l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération des acteurs de la solidarité et des autres associations requérantes est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des acteurs de la solidarité, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 7 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 458072
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2022, n° 458072
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458072.20220707
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award