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07/07/2022 | FRANCE | N°457193

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 457193


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 octobre 2021 et 26 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le refus implicite du Premier ministre, du ministre des solidarités et de la santé et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, d'abroger partiellement la circulaire interministérielle DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à

l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, en tant qu'elle interprète ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 octobre 2021 et 26 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le refus implicite du Premier ministre, du ministre des solidarités et de la santé et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, d'abroger partiellement la circulaire interministérielle DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, en tant qu'elle interprète ces dispositions, à son annexe 1, en indiquant qu'en matière de bénéfices non commerciaux imposés selon le régime micro-BNC, le bénéfice pris en compte pour l'assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie est net de l'abattement forfaitaire pour charges ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et à ces ministres d'abroger dans cette mesure la circulaire interministérielle, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

3°) le cas échéant, d'annuler l'annexe 1 de cette circulaire dans cette mesure ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B..., ayant déclarée 4 000 euros de chiffre d'affaires en 2018 sous le statut de micro-entrepreneur et assujettie à la cotisation subsidiaire maladie au titre de cette même année à hauteur de 107 887 euros, a demandé au ministre de l'économie, des finances et de la relance, par un courrier du 17 mai 2021, d'abroger partiellement la circulaire interministérielle du 15 novembre 2017 relative à la cotisation subsidiaire maladie prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, en tant que l'interprétation qu'elle en retient, s'agissant de déterminer si les revenus d'un assuré social sont inférieurs au seuil d'assujettissement prévu par cet article, instaure une différence de traitement entre les personnes dont les ressources relèvent de la catégorie des traitements et salaires, lesquels ne donnent pas lieu à la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, et les personnes relevant de la catégorie des micro-entrepreneurs, dont le chiffre d'affaires fait l'objet d'un abattement forfaitaire. Mme B..., qui soutient que cette différence de traitement est constitutive d'une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

2. D'une part, l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose que : " Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre. " Aux termes de l'article L. 380-2 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 faisant l'objet de l'interprétation par la circulaire critiquée, qui a institué une protection universelle maladie : " Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. (...) / 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée (...). / Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. (...). Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis (...) ". Enfin, l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale faisant l'objet de l'interprétation par la circulaire critiquée, prévoit que la cotisation est due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 973 euros en 2018.

3. D'autre part, les dispositions de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, désormais reprises en substance à l'articles L. 613-7 de ce code, relatif au dispositif dit " micro social " des travailleurs indépendants, prévoient que l'assiette des cotisations sociales dont ils sont redevables est égale au chiffre d'affaires ou aux recettes diminués d'un abattement identique à celui en vigueur pour le calcul de l'assiette fiscale défini pour les personnes assujetties au régime du " micro fiscal " par l'article 102 ter du code général des impôts.

4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que sont assujetties à la cotisation subsidiaire maladie, qui vise à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge, les personnes dont les revenus tirés d'une activité professionnelle sont inférieurs à un certain seuil, que cette activité soit salariée ou non salariée, et, d'autre part, que, s'agissant des micro-entrepreneurs, le revenu d'activité professionnelle pris en compte pour le dépassement de ce seuil est calculé après application d'un abattement forfaitaire au chiffre d'affaires ou aux recettes.

5. A cet égard, la circulaire du 15 novembre 2017, à son annexe 1, énonce, s'agissant de la détermination des revenus d'activité et plus-values des professions non salariées à prendre en compte pour apprécier s'ils excèdent ou non le seuil fixé à l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, que : " Pour les micro-entrepreneurs, la cotisation forfaitaire maladie est calculée sur le bénéfice par application de l'abattement forfaitaire au chiffre d'affaires de 87 % (bénéfices agricoles), de 71 % (activités de vente et assimilées), de 50 % (prestations de service et locations meublées) ou de 34 % (activité relevant des BNC) ". Elle prévoit par ailleurs, s'agissant des revenus ayant la nature de traitements et salaires, que : " Les salaires sont déclarés après déductions des cotisations sociales et de la fraction déductible de la CSG. / La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels et les déductions forfaitaires supplémentaires ne sont pas prises en compte pour déterminer l'éligibilité à la cotisation subsidiaire maladie ".

6. Si, pour un salarié, le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° ter de l'article 83 du code général des impôts, un forfait de 10 % du chef des frais professionnels, cette déduction n'est pas applicable pour le calcul de la cotisation sociale auquel il est assujetti. En revanche, le chiffre d'affaires d'un travailleur indépendant ne saurait, sans prendre en compte les charges engagées par l'entreprise, être assimilé aux revenus que la personne concernée tire de l'activité professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

7. Par suite, en énonçant que les revenus tirés de l'activité professionnelle des micro-entrepreneurs s'apprécient par application d'un abattement sur le chiffre d'affaires engendré par leur activité, quand ceux des salariés s'apprécient nets de cotisations sociales et de la fraction déductible de la contribution sociale généralisée mais sans application de la déduction forfaitaire applicable en matière d'impôt sur le revenu, la circulaire attaquée s'est bornée à expliciter le sens et la portée des dispositions citées au point 2 pour des personnes qui sont dans une situation différente. Par suite, l'interprétation prescrite par la circulaire attaquée n'est pas contraire au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et Mme B... n'est pas fondée à en demander pour ce motif l'annulation ou à demander l'annulation du refus de l'abroger.

8. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 7 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 457193
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2022, n° 457193
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457193.20220707
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