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07/07/2022 | FRANCE | N°447977

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 07 juillet 2022, 447977


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Renaloo, l'association France Lymphome Espoir et M. B... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 10 novembre 2020 de la directrice générale de l'administration et de la fonction publique relative à l'identification et aux modalités de prise en charge des agents publics civils reconnus personnes vulnérables, sauf en ce qu'elle étend la liste des personnes vulnérables par rapport au d

écret n° 2020-521 du 5 mai 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Renaloo, l'association France Lymphome Espoir et M. B... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 10 novembre 2020 de la directrice générale de l'administration et de la fonction publique relative à l'identification et aux modalités de prise en charge des agents publics civils reconnus personnes vulnérables, sauf en ce qu'elle étend la liste des personnes vulnérables par rapport au décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 ;

- le décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 ;

- le décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 dispose que : " Sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : / - le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ; / - le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I (...) ". Le III du même article précise que : " (...) / Pour les salariés mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du (...) I, celui-ci s'applique jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020 (...) / Les modalités d'application du présent article sont définies par voie réglementaire ".

2. Pour l'application de ces dispositions, le décret du 5 mai 2020 a défini les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2. Puis, par l'article 1er du décret du 29 août 2020, le Premier ministre a fixé au 31 août 2020 la date jusqu'à laquelle le I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 s'applique aux salariés partageant le même domicile qu'une personne vulnérable et par les articles 2 et 4 du même décret, a modifié les critères de vulnérabilité à compter du 1er septembre 2020 et abrogé en conséquence le décret du 5 mai 2020 à compter du 1er septembre 2020, sous réserve de son application dans les départements de Guyane et de Mayotte tant que l'état d'urgence sanitaire y est en vigueur. L'exécution du décret du 29 août 2020 a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 15 octobre 2020, à l'exception des dispositions de son article 1er, avant que, par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat n'annule ses articles 2 et 4 en tant qu'ils dressent la liste des pathologies et situations permettant de considérer une personne comme vulnérable et qu'ils ne diffèrent pas au 4 septembre 2020 l'application de l'article 3 du même décret prévoyant que les personnes concernées présentent à leur employeur un certificat de leur médecin attestant de leur état de vulnérabilité pour être placées en activité partielle. Par le décret du 10 novembre 2020, abrogeant le décret du 5 mai 2020 et les articles 2 à 4 du décret du 29 août 2020, le Premier ministre a prévu que, pour l'application de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020, sont placés à leur demande en position d'activité partielle au titre de ces dispositions, sur présentation d'un certificat établi par un médecin, les salariés répondant à deux critères cumulatifs. Le premier critère se rapporte, soit à leur âge, d'au moins soixante-cinq ans, soit à leur état de grossesse, à partir du troisième trimestre, soit à la pathologie dont ils sont atteints, dont une liste est dressée. Le second critère tient à l'impossibilité pour eux à la fois de recourir totalement au télétravail et de bénéficier de mesures de protection renforcées, que le décret énumère, s'agissant de leur poste de travail et de leur trajet entre leur domicile et leur lieu de travail en tenant compte du moyen de transport utilisé.

3. Par une circulaire du 1er septembre 2020 relative à la prise en compte dans la fonction publique de l'Etat de l'évolution de l'épidémie de covid-19, le Premier ministre a donné pour instruction aux membres du Gouvernement de veiller attentivement aux agents placés sous leur autorité les plus vulnérables présentant un risque élevé de développer une forme grave d'infection au virus. Reprenant et adaptant à la fonction publique les modalités de placement en activité partielle des salariés vulnérables, il a indiqué que lorsque le télétravail n'était pas possible, les agents publics présentant l'une des pathologies mentionnées à l'article 2 du décret du 29 août 2020 pris pour l'application de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 devaient être placés en autorisation spéciale d'absence. Il a en outre prévu que, pour les agents présentant un autre facteur de vulnérabilité identifié par le Haut Conseil de la santé publique dans son avis du 19 juin 2020, le télétravail devait être privilégié lorsque les missions exercées s'y prêtent et que, en cas de reprise du travail sur place, les conditions d'emploi de ces agents devaient être aménagées.

4. Par une circulaire du 29 octobre 2020, la ministre de la transformation et de la fonction publiques a rappelé aux ministres que les conditions de travail des agents placés sous leur autorité ne pouvant pas travailler totalement ou partiellement à distance devaient être aménagées afin de protéger leur santé et celle des usagers et que l'organisation du travail devait être aménagée afin de réduire les interactions sociales et la présence dans les transports.

5. Par la circulaire du 10 novembre 2020 attaquée, la directrice générale de l'administration et de la fonction publique a indiqué aux secrétaires généraux des ministères la façon dont les mesures de protection des agents vulnérables placés sous leur autorité, prévues par la circulaire du Premier ministre du 1er septembre 2020, devaient être mises en œuvre à la suite de l'abrogation du décret du 29 août 2020 par le décret du 10 novembre 2020 pris pour l'application de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020. Cette circulaire a ainsi rappelé le premier critère d'identification des personnes vulnérables, se rapportant à la situation d'âge, de grossesse ou d'état de santé de la personne, fixé par le décret du 10 novembre 2020 et renvoyant aux facteurs de vulnérabilité identifiés par le Haut Conseil de la santé publique. Elle a indiqué qu'à leur demande et sur présentation d'un certificat délivré par un médecin traitant ou justification de leur âge, les agents publics remplissant ce premier critère sont placés totalement en télétravail et que si le recours au télétravail est impossible, l'employeur détermine les aménagements à apporter au poste de travail de l'intéressé, dans le respect des mesures de protection préconisées par le Haut Conseil de santé publique, correspondant en substance à celles énumérées par le second critère fixé par le décret du 10 novembre 2020. Elle a précisé que l'agent est placé en autorisation spéciale d'absence si l'employeur estime être dans l'impossibilité d'aménager le poste de façon à protéger suffisamment l'agent ou, en cas de désaccord avec l'agent sur les mesures de protection mises en œuvre, dans l'attente de l'avis du médecin du travail alors saisi par l'employeur.

6. En premier lieu, les mesures, énoncées par la circulaire attaquée, de protection renforcées des personnes vulnérables lors de leurs déplacements et sur leur lieu de travail lorsque le recours au télétravail est, pour elles, impossible reprennent celles prévues par le décret du 10 novembre 2020, en l'absence desquelles les salariés présentant l'un des facteurs de vulnérabilités identifiés par le Haut Conseil de la santé publique sont regardés comme vulnérables s'il n'est pas possible de recourir au télétravail. La circulaire attaquée s'est ainsi bornée à expliciter les conséquences s'attachant à la circulaire du Premier ministre du 1er septembre 2020, qui renvoyait aux critères de vulnérabilité applicables aux salariés de droit privé vulnérables, en tenant compte de ce que ces critères étaient désormais fixés par le décret du 10 novembre 2020. Par suite et en tout état de cause, les moyens tirés de ce que la circulaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle permet le retour des agents vulnérables sur le lieu de travail lorsque le télétravail n'est pas possible et que les mesures de protection qu'elle prévoit seraient insuffisantes ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la circulaire attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ne prévoyant pas que les agents cohabitant avec une personne vulnérable puissent bénéficier du dispositif d'activité partielle institué par l'article 20 de loi du 25 avril 2020, dès lors, d'une part, que ce régime d'activité partielle n'est applicable, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de la loi, qu'aux salariés de droit privé et, d'autre part, que la circulaire attaquée se borne à présenter la mise en œuvre des mesures décidées par la circulaire du 1er septembre 2020 du Premier ministre, lesquelles ne concernent que les agents vulnérables de la fonction publique de l'Etat.

8. En troisième lieu, ainsi que le prévoient les dispositions applicables pour les salariés de droit privé vulnérables, auxquelles la circulaire du Premier ministre du 1er septembre 2020 a entendu se référer, la circulaire attaquée indique que le médecin du travail, saisi par l'administration en cas de désaccord avec l'agent, émet un avis sur les mesures de protection mises en œuvre. Cet avis constitue un élément de la procédure préalable à la décision du chef de service de placer ou non l'agent en autorisation spéciale d'absence et sa contestation par l'agent doit être regardée comme permettant, le cas échéant, au chef de service, en application de l'article 28-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, de saisir pour avis le médecin inspecteur du travail territorialement compétent. En tout état de cause, le refus de faire droit à une demande d'autorisation spéciale d'absence pour ce motif étant susceptible de recours devant le juge administratif, le moyen tiré de ce que la procédure prévue par la circulaire attaquée méconnaîtrait le droit au recours juridictionnel ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants, qui ne peuvent utilement soutenir que la circulaire attaquée porterait atteinte à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme, ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 10 novembre 2020. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association Renaloo et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Renaloo, à l'association France Lymphome Espoir et à M. B... A... ainsi qu'au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, présidente de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 7 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 447977
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2022, n° 447977
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:447977.20220707
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