Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 avril et 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société anonyme (SA) AXA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande, adressée le 17 janvier 2022 au Premier ministre, tendant à l'abrogation des énonciations du paragraphe n° 100 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2021 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-IS-BASE-10-10-20.
Elle soutient que ces énonciations méconnaissent les dispositions des a) et b) du 1. de l'article 220 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé par la société AXA n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société AXA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des énonciations du paragraphe n° 100 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2021 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-IS-BASE-10-10-20, par lequel celui-ci a fait connaître son interprétation des dispositions du I de l'article 216 du code général des impôts relatives à la quote-part de frais et charges devant, en application du régime des sociétés mères, être défalquée du produit net des participations à retrancher du bénéfice net de la mère. Eu égard à l'argumentation soulevée au soutien de la requête, les conclusions de la société AXA doivent être regardées comme étant dirigées contre le seul second alinéa de ce paragraphe n° 100.
2. Aux termes du I de l'article 216 du code général des impôts, qui définit le régime fiscal des sociétés mères : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Ce taux est fixé à 1 % de ce même produit, crédit d'impôt compris, perçu : / 1° Par une société membre d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis à raison d'une participation dans une autre société membre de ce groupe ; / 2° Par une société membre d'un groupe mentionné aux mêmes articles 223 A ou 223 A bis à raison d'une participation dans une société soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application desdits articles 223 A ou 223 A bis, autres que celle d'être soumise à l'impôt sur les sociétés en France ; / 3° Ou par une société non membre d'un groupe à raison d'une participation dans une société soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, sous réserve que ces sociétés eussent rempli les conditions pour constituer un groupe, si la seconde société était établie en France. Le présent 3° ne s'applique pas lorsque la première société n'est pas membre d'un groupe uniquement du fait de l'absence des options et des accords à formuler en application du I et du premier alinéa du III de l'article 223 A et du I de l'article 223 A bis ".
3. Aux termes du 1 de l'article 220 du code général des impôts, qui définit le régime d'imputation sur l'impôt dû en France des retenues à la source et des crédits d'impôt afférents aux revenus de capitaux mobiliers : " a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. / Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. (...) / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales. (...) ".
4. Compte tenu du caractère forfaitaire de la quote-part des produits de participations qu'une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l'article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d'imposition en vue de l'acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d'impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères.
5. Par suite, en énonçant que l'article 216 du code général des impôts " fixe un mode de calcul pour la réintégration des charges afférentes à des produits qui ne sont pas imposés et ne peut s'analyser comme conduisant à l'imposition d'une partie des dividendes ", le second alinéa du paragraphe 100 des commentaires attaqués méconnait les dispositions dont il a pour objet d'éclairer la portée.
6. Il résulte de ce qui précède que la société AXA est fondée à demander l'annulation du refus du ministre de l'économie, des finances et de la relance d'abroger ces énonciations.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a refusé d'abroger le second alinéa du paragraphe 100 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2021 au BOFiP - impôts sous la référence BOI-IS-BASE-10-10-20 est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme AXA et au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, conseillers d'Etat, Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes et M. Charles-Emmanuel Airy, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 5 juillet 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Charles-Emmanuel Airy
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle