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22/06/2022 | FRANCE | N°462341

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 22 juin 2022, 462341


Vu la procédure suivante :

M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2022 par laquelle, l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) a implicitement refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme B... au titre de la réunification familiale, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer le visa sollicité dans l'attente de

la décision de la commission de recours, dans un délai de sept jours à com...

Vu la procédure suivante :

M. D... C... et Mme A... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2022 par laquelle, l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) a implicitement refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme B... au titre de la réunification familiale, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer le visa sollicité dans l'attente de la décision de la commission de recours, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme B....

Par une ordonnance n° 2200811 du 11 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 30 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. C... et de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. C..., ressortissant afghan, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2019. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) sur la demande de visa de long séjour présentée le 3 novembre 2021 par Mme B... au titre de la réunification familiale. Le 5 janvier 2022, M. C... et Mme B... ont formé un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Ils se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 11 février 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision de l'autorité consulaire.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 312-7 du même code : " La commission mentionnée à l'article D. 312-3 peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. ".

4. Aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) /2° Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; / (...) ".

5. L'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé. Enfin, si une décision implicite ou explicite de rejet de ce recours préalable obligatoire intervient avant qu'il n'ait statué, le juge des référés reste néanmoins saisi si le requérant présente une requête tendant à l'annulation de cette dernière décision et s'il lui en adresse une copie ou si le juge constate qu'elle a été adressée au greffe et la verse au dossier.

6. Si la décision implicite ou explicite statuant sur le recours administratif préalable obligatoire intervient après que le juge des référés a statué sur la demande de suspension de la décision initiale, à laquelle elle se substitue, et avant l'introduction d'un pourvoi en cassation formé contre l'ordonnance du juge des référés, les conclusions de ce pourvoi sont dépourvues d'objet et ne sont, par suite, pas recevables.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. C... et Mme B... ont saisi le 5 janvier 2022 la commission chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision implicite de rejet de la demande de visa de Mme B... prise par l'autorité consulaire française à Téhéran. La décision implicite rejetant ce recours, intervenue au plus tard le 6 mars 2022, en application de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, s'est substituée à la décision de l'autorité consulaire. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat le 15 mars 2022 par M. C... et Mme B... tendant à l'annulation de l'ordonnance du 11 février 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision de l'autorité consulaire sont dépourvues d'objet et ne sont, par suite, pas recevables. Cette irrecevabilité ressort des pièces du dossier soumis au juge de cassation, qui peut la relever d'office contrairement à ce que soutiennent les requérants. Leurs conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par conséquent, qu'être rejetées.

D E C I D E:

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... et Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., représentant unique, pour l'ensemble des requérants ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et Mme Elise Adevah -Poeuf, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 22 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

La rapporteure :

Signé : Mme Elise Adevah-Poeuf

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 462341
Date de la décision : 22/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2022, n° 462341
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462341.20220622
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