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21/06/2022 | FRANCE | N°453266

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21 juin 2022, 453266


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin 2021, 3 septembre 2021 et 25 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Outremer Télécom demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2020-1455-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 9 décembre 2020 portant mise en demeure de la société Free Caraïbe de se conformer à ses obligations rel

atives aux dispositions de la décision n° 2017-1038 de l'ARCEP du 5 septembre 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin 2021, 3 septembre 2021 et 25 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Outremer Télécom demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2020-1455-RDPI de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 9 décembre 2020 portant mise en demeure de la société Free Caraïbe de se conformer à ses obligations relatives aux dispositions de la décision n° 2017-1038 de l'ARCEP du 5 septembre 2017 l'autorisant à exploiter des fréquences en Guadeloupe, Guyane, Martinique ainsi qu'à Saint-Barthélemy et Saint-Martin (sa licence), et la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à l'abrogation de cette décision ;

2°) d'enjoindre à l'ARCEP d'adopter une nouvelle mise en demeure afin de pallier les différents manquements de la société Free Caraïbe aux obligations de sa licence et comprenant un calendrier de mise en conformité avec des échéances contraignantes dans un délai d'un mois ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'ARCEP de procéder à une nouvelle instruction et d'adopter dans un délai deux mois une nouvelle décision en tirant toutes les conséquences ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision n° 2017-1038 du 5 septembre 2017 l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a autorisé la société Free Caraïbe à utiliser des fréquences dans les bandes 800 Mhz, 900 Mhz, 1800 Mhz, 2,1 Ghz et 2,6 Ghz en Guadeloupe, Guyane et Martinique ainsi qu'à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Par une décision n° 2018-1508-RDPI du 29 novembre 2018, l'ARCEP a, de sa propre initiative, ouvert une instruction relative au manquement éventuel de cette société aux dispositions de la décision n° 2017-1038. Par une décision n° 2020-1455-RDPI du 9 décembre 2020, l'ARCEP a mis en demeure la société Free Caraïbe, d'une part, de respecter, au plus tard le 31 décembre 2021, les obligations de déploiement prévues à la partie 2 de l'annexe à la décision n° 2017-1038, en fournissant un accès téléphonique et un accès mobile à très haut débit à 50 % de la population de la Guadeloupe, 30 % de la population de la Guyane, 50 % de la population de la Martinique et 75 % de la population respectivement de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, d'autre part, de justifier du respect des obligations de déploiement ainsi énoncées à la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'Autorité au plus tard le 15 janvier 2022. Cette décision a été publiée sur le site internet de l'ARCEP le 22 décembre 2020. Par une lettre du 22 février 2021, la société Outremer Telecom a demandé à l'ARCEP d'abroger cette décision et de prendre une nouvelle décision mettant la société Free Caraïbe en demeure de remédier à l'ensemble des manquements à ses obligations, y compris en matière d'emploi et d'investissement. Elle demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la directrice générale de l'ARCEP sur son recours gracieux ainsi que la décision de mise en demeure n° 2020-1455 et d'enjoindre à l'ARCEP de prendre à l'encontre de la société Free Caraïbe une décision de mise en demeure couvrant l'ensemble des manquements de cette société aux obligations résultant de la décision n° 2017-1038 ou, subsidiairement, de procéder à une nouvelle instruction avant de prendre une nouvelle mise en demeure à l'encontre de l'opérateur.

2. Aux termes de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate de la part des exploitants de réseau, des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des gestionnaires d'infrastructures d'accueil. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions suivantes : / I. - En cas de manquement par un exploitant de réseau, par un fournisseur de services de communications électroniques, un fournisseur de services de communication au public en ligne ou un gestionnaire d'infrastructures d'accueil : / - aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles l'Autorité a pour mission de veiller ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions ; / (...) / l'exploitant, le fournisseur ou le gestionnaire est mis en demeure par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse de s'y conformer dans un délai qu'elle détermine. / La mise en demeure (...) est motivée et notifiée à l'intéressé. L'Autorité peut rendre publique cette mise en demeure. / (...) / II. - Lorsqu'un exploitant de réseau, un fournisseur de services ou un gestionnaire d'infrastructure d'accueil ne se conforme pas dans les délais fixés à la mise en demeure prévue au I ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, après instruction conduite par ses services, notifier les griefs à la personne en cause. Elle transmet alors le dossier d'instruction et la notification des griefs à la formation restreinte. / III. - (...) / La formation restreinte peut prononcer à l'encontre de l'exploitant de réseau, du fournisseur de services ou du gestionnaire d'infrastructure d'accueil en cause une des sanctions suivantes : / (...) / - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la limite d'une année, ou le retrait de la décision d'attribution ou d'assignation prise en application des articles L. 42-1 ou L. 44. La formation restreinte peut notamment retirer les droits d'utilisation sur une partie de la zone géographique sur laquelle porte la décision, une partie des fréquences ou bandes de fréquences préfixes, numéros ou blocs de numéros attribués ou assignés, ou une partie de la durée restant à courir de la décision ; / (...) / - lorsque la personne en cause ne s'est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations de déploiement prévues par l'autorisation d'utilisation de fréquences qui lui a été attribuée (...), une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, appréciée notamment au regard du nombre d'habitants, de kilomètres carrés ou de sites non couverts pour un réseau radioélectrique ou du nombre de locaux non raccordables pour un réseau filaire, sans pouvoir excéder le plus élevé des plafonds suivants : soit un plafond fixé à 1 500 € par habitant non couvert ou 3 000 € par kilomètre carré non couvert ou 450 000 € par site non couvert pour un réseau radioélectrique, ou 1 500 € par logement non raccordable et 5 000 € par local à usage professionnel non raccordable ou 450 000 € par zone arrière de point de mutualisation sans complétude de déploiement pour un réseau filaire, soit un plafond fixé à 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ; / (...) ".

3. Ces dispositions investissent l'ARCEP d'un pouvoir de sanction qu'elle peut exercer de sa propre initiative ou lorsqu'elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en œuvre de ce pouvoir. Il appartient à l'Autorité, après examen des faits en cause, de décider des suites à donner à l'instruction qu'elle a engagée de sa propre initiative ou à la plainte. Elle dispose à cet effet d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. Lorsque l'ARCEP a décidé de mettre en demeure un exploitant, un fournisseur ou un gestionnaire d'infrastructure d'accueil de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à son activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre, seule la personne qui fait l'objet de cette mise en demeure a intérêt à la contester, quel qu'en soit la teneur.

4. Il s'ensuit que la société Outremer Télécom n'est pas recevable, ainsi que le fait valoir l'ARCEP en opposant une fin de non-recevoir à la requête, à demander l'annulation de la mise en demeure prononcée à l'encontre de la société Free Caraïbe, non plus que du refus de l'abroger et de l'étendre à d'autres manquements.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Outremer Télécom doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Outremer Télécom est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Outremer Télécom, à la société Free Caraïbe, et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453266
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POSTES ET COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES - POUVOIR DE SANCTION – 1) MODALITÉS D’EXERCICE – 2) CONSÉQUENCE – INTÉRÊT POUR AGIR CONTRE UNE MISE EN DEMEURE – A) PERSONNE DESTINATAIRE – EXISTENCE – B) TIERS – ABSENCE [RJ1].

51-005 1) L’article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques (CPCE) investit l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) d’un pouvoir de sanction qu’elle peut exercer de sa propre initiative ou lorsqu’elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en œuvre de ce pouvoir. Il appartient à l’Autorité, après examen des faits en cause, de décider des suites à donner à l’instruction qu’elle a engagée de sa propre initiative ou à la plainte. Elle dispose à cet effet d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. ...2) a) Lorsque l’ARCEP a décidé de mettre en demeure un exploitant, un fournisseur ou un gestionnaire d'infrastructure d'accueil de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à son activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre, seule la personne qui fait l’objet de cette mise en demeure a intérêt à la contester, quel qu’en soit la teneur. ...b) Il s’ensuit qu’un tiers n’est pas recevable à demander l’annulation d’une mise en demeure, non plus que du refus de l’abroger et de l’étendre à d’autres manquements.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - CONTESTATION D’UNE MISE EN DEMEURE PRONONCÉE PAR L’ARCEP – 1) PERSONNE DESTINATAIRE – EXISTENCE – 2) TIERS – ABSENCE [RJ1].

54-01-04 L’article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques (CPCE) investit l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) d’un pouvoir de sanction qu’elle peut exercer de sa propre initiative ou lorsqu’elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en œuvre de ce pouvoir. Il appartient à l’Autorité, après examen des faits en cause, de décider des suites à donner à l’instruction qu’elle a engagée de sa propre initiative ou à la plainte. Elle dispose à cet effet d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. ...1) Lorsque l’ARCEP a décidé de mettre en demeure un exploitant, un fournisseur ou un gestionnaire d'infrastructure d'accueil de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à son activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre, seule la personne qui fait l’objet de cette mise en demeure a intérêt à la contester, quel qu’en soit la teneur. ...2) Il s’ensuit qu’un tiers n’est pas recevable à demander l’annulation d’une mise en demeure, non plus que du refus de l’abroger et de l’étendre à d’autres manquements.


Références :

[RJ1]

Rappr., s’agissant d’une sanction prononcée par la CNIL, CE, 19 juin 2017, M. Fabre, n° 398442, T. pp. 617-720.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2022, n° 453266
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453266.20220621
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