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21/06/2022 | FRANCE | N°448921

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 21 juin 2022, 448921


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier et 9 avril 2021 et le 14 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des Cidriers Indépendants de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 5 novembre 2020 relatif à l'extension des dispositions de l'accord interprofessionnel 2020-2023 conclu dans le cadre de l'Union nationale interprofessionnelle cidricole (UNICID) et portant sur les cotisations inte

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier et 9 avril 2021 et le 14 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des Cidriers Indépendants de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 5 novembre 2020 relatif à l'extension des dispositions de l'accord interprofessionnel 2020-2023 conclu dans le cadre de l'Union nationale interprofessionnelle cidricole (UNICID) et portant sur les cotisations interprofessionnelles pour la campagne 2020-2021, la campagne 2021-2022 et la campagne 2022-2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'Union nationale interprofessionnelle cidricole (UNICID) a adopté, le 9 mars 2020, un accord interprofessionnel triennal portant sur les cotisations interprofessionnelles pour les campagnes 2020-2021, 2021-2022 et 2022-2023 applicable aux producteurs et transformateurs de fruits à cidre et aux professionnels conditionnant des cidres de consommation. Le syndicat des Cidriers indépendants de France (CIF) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 5 novembre 2020 portant extension des dispositions de cet accord interprofessionnel du 9 mars 2020.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne. ". Aux termes de l'article L. 632-4 du même code : " L'extension de tels accords est subordonnée à l'adoption de leurs dispositions par les professions représentées dans l'organisation interprofessionnelle, par une décision unanime. (...) ".

3. Si le syndicat requérant soutient que l'accord du 9 mars 2020 n'a pas été adopté à l'unanimité, en méconnaissance des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, ce moyen manque en fait, l'extrait du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 mars 2020 produit par le ministre en défense mentionnant que " l'accord interprofessionnel 2020-2023 est adopté à l'unanimité des deux collèges, avec un vote favorable de l'ensemble des délégués présents et représentés au sein de chaque collège ". D'autre part, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le mode désignation des délégués représentant chaque profession au sein de l'UNICID ne permettrait pas la représentation de l'ensemble des acteurs de la filière cidricole.

Sur la légalité interne :

4. En premier lieu, le syndicat requérant soutient que les cotisations interprofessionnelles instituées par l'accord interprofessionnel du 9 mars 2020, qui servent à financer les actions de communication de l'UNICID en faveur des cidres de consommation, portent quasi-exclusivement sur les cidres produits par les producteurs des filières françaises et constituent une imposition intérieure discriminatoire au sens des stipulations de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'aucun cidre d'importation n'a été assujetti à ces cotisations au cours de la période 2012 à 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est illégal en ce qu'il institue une imposition intérieure discriminatoire au sens des stipulations de l'article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, si le syndicat requérant soutient que l'arrêté d'extension de l'accord interprofessionnel placerait nécessairement la coopérative Agrial en situation d'abuser de sa position dominante sur le marché français du cidre, en réitérant que la détention de droits de vote au sein de l'interprofession lui permettrait d'orienter les campagnes de promotion vers les produits qu'il commercialise, il ne ressort pas de cet arrêté qu'il aurait par lui-même pour effet de permettre à cette coopérative d'abuser de sa position dominante, le prélèvement de cotisations interprofessionnelles ne préjugeant pas de l'utilisation qui en sera faite. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué induirait un abus de position dominante sur le marché français du cidre doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 : " 1. Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue, une association d'organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association./ (...) / 3. Une organisation ou association est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d'un État membre, elle représente: a) en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés: i) pour les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, au moins 60 % ; ou ii) dans les autres cas, au moins deux tiers; et b) dans le cas des organisations de producteurs, plus de 50 % des producteurs concernés. Toutefois, lorsque, dans le cas des organisations interprofessionnelles, la détermination de la proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, un État membre peut fixer des règles nationales afin de déterminer le niveau précis de représentativité visé au premier alinéa, point a) ii). ".

7. Les règles nationales mentionnées au 3 de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 citées au point 6 figurent à l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : " Pour l'application de l'article 164 du règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n°922/72, (CEE) n°234/79, (CE) n°1037/2001 et (CE) n°1234/2007 du Conseil, la représentativité des organisations interprofessionnelles est appréciée en tenant compte de la structuration économique de chaque filière. Les volumes pris en compte sont ceux produits, transformés ou commercialisés par les opérateurs professionnels auxquels sont susceptibles de s'appliquer les obligations prévues par les accords (...). ".

8. Il résulte de ces dispositions que pour qu'une organisation interprofessionnelle agricole soit considérée comme représentative, elle doit représenter au moins les deux tiers de la production, du commerce ou de la transformation du ou des produits concernés. Si le syndicat requérant soutient que l'UNICID n'est plus représentative des producteurs de cidre artisanal, qui constituerait un produit différent du cidre industriel, il n'apporte pas de précisions suffisantes pour apprécier le bien-fondé de ce moyen. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 ainsi que de celles de l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne ". L'article 1er de l'accord interprofessionnel du 9 mars 2020 stipule que les cotisations financent : " d'une part des actions tendant à / promouvoir les produits cidricoles, compte-tenu en particulier des besoins spécifiques en matière de communication sur les cidres de consommation ; /- promouvoir la qualité des cidres de consommation ; / - contribuer à la recherche-développement au travers de travaux ciblé complémentaires au programme IFPC et d'activités de soutien à la diffusion des résultats ; / d'autre part, le programme de recherche et d'expérimentation de l'interprofession, dont la réalisation est confiée à l'Institut Français des Productions Cidricoles (IFPC) en vue de l'amélioration : / des plantations et vergers ; / des techniques de production ; / des traitements technologiques des produits cidricoles ; / en prenant notamment en compte les considérations environnementales et de durabilité. ".

10. Si le syndicat requérant soutient que l'accord interprofessionnel du 9 mars 2020 n'a pas pour objet de prévoir des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne, il n'apporte pas les précisions suffisantes pour apprécier le bien-fondé de son argumentation, notamment celle qui est tirée de ce que les actions de communication de l'UNICID ne tendraient à promouvoir que les produits industriels à l'exclusion des produits artisanaux. Dès lors, son moyen tiré de la méconnaissance par l'accord interprofessionnel des dispositions de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat des Cidriers indépendants de France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des Cidriers indépendants de France, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mai 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 21 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

La rapporteure :

Signé : Mme Juliana Nahra

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 448921
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2022, n° 448921
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliana Nahra
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448921.20220621
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