Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 novembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail en charge de l'unité de contrôle n° 1 de l'unité départementale de l'Aisne a autorisé la SELARL Grave-Randoux, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Soficable, son employeur, à le licencier. Par un jugement n° 1703543 du 21 mai 2019, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par une ordonnance n° 19DA01572 du 23 septembre 2020, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la SELARL Grave-Randoux contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 novembre 2020 et le 2 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SELARL Grave-Randoux demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Grave-Randoux et à la SARL Didier, Pinet, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Soficable a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin du 21 juillet 2017 puis, par un jugement du même tribunal du 22 septembre 2017, en liquidation judiciaire. La société Grave-Randoux, liquidateur judiciaire de la société Soficable, a sollicité le 12 octobre 2017 l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., directeur informatique et par ailleurs salarié protégé. Par une décision du 3 novembre 2017, l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité départementale de l'Aisne a autorisé son licenciement. La société Grave-Randoux se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 septembre 2020 par laquelle la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté, comme étant manifestement dépourvu de fondement, l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 21 mai 2019 du tribunal administratif d'Amiens ayant annulé l'autorisation du 3 novembre 2017.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Au titre du contrôle qui lui incombe, l'inspecteur du travail doit notamment vérifier la régularité de ce projet de licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié. En outre, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation légale et, le cas échéant, conventionnelle en matière de reclassement, il doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a été procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe.
3. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour retenir que l'inspecteur du travail n'avait pu légalement estimer que le liquidateur judiciaire avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement, elle relève notamment que si le liquidateur judiciaire a adressé aux autres entreprises du groupe une " lettre-circulaire " indiquant les emplois occupés par les salariés à reclasser ainsi que leur classification, ce courrier ne comportait aucune précision quant aux caractéristiques de ces emplois, notamment quant à leur rémunération et à leurs conditions d'exercice. En jugeant ainsi qu'il appartenait au liquidateur judiciaire, au titre de son obligation de recherche personnalisée de reclassement, d'accompagner son courrier de recherche de postes de reclassement auprès des autres entreprises du groupe de précisions quant à la rémunération et aux caractéristiques des emplois occupés par les salariés à reclasser, elle a commis une erreur de droit. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Grave-Randoux est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Grave-Randoux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Grave-Randoux et par M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Grave-Randoux et à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lamolez, conseillère d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 14 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet
Le secrétaire :
Signé : M. Jean-Marie Baune