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14/06/2022 | FRANCE | N°437816

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 14 juin 2022, 437816


Vu la procédure suivante :

La société Distribution Casino France a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Les Peupliers à créer un supermarché à l'enseigne Super U et une boutique d'une surface totale de vente de 1 529 m2 sur le territoire de la commune de Brax (Lot-et-Garonne) et, d'autre part, la décision du 10 janvier 2019 par laquelle cette même commission a retiré sa décision du 22 décembr

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Vu la procédure suivante :

La société Distribution Casino France a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Les Peupliers à créer un supermarché à l'enseigne Super U et une boutique d'une surface totale de vente de 1 529 m2 sur le territoire de la commune de Brax (Lot-et-Garonne) et, d'autre part, la décision du 10 janvier 2019 par laquelle cette même commission a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et autorisé la société Les Peupliers à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 1 356 m2 sur le territoire de la commune de Brax.

La société Pydaust a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2016 de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Par un arrêt nos 17BX00515, 17BX00904, 19BX01222 du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel a rejeté leurs requêtes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 20 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Distribution Casino France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Les Peupliers la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Distribution Casino France et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Les Peupliers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 12 février 2014, la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne a accordé à la société Les Peupliers une autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'implantation d'un supermarché à l'enseigne Super U d'une surface de vente de 1 500 m2 et d'une boutique de 29 m2 sur le territoire de la commune de Brax. Sur recours des sociétés Distribution Casino France, Passag et Pydaust, la Commission nationale d'aménagement commercial a, par une décision du 4 juin 2014, qui s'est substituée à la décision de la commission départementale, rejeté la demande de la société Les Peupliers. Par un arrêt du 9 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision de refus d'autorisation et enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours de la société Pydaust. Par une décision du 22 décembre 2016, la Commission nationale d'aménagement commercial a délivré à la société Les Peupliers l'autorisation sollicitée. Par une décision du 26 septembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 9 juin 2016 en tant qu'il a jugé irrecevable le recours de la société Distribution Casino France devant la Commission nationale d'aménagement commercial, et a enjoint à la commission de réexaminer ce recours et dans l'hypothèse où elle le jugerait recevable, de retirer sa décision du 22 décembre 2016 et de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Les Peupliers. Par une décision du 10 janvier 2019, prise en exécution de la décision du Conseil d'Etat, la Commission nationale d'aménagement commercial a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et autorisé le projet de la société Les Peupliers. Par un arrêt du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société Pydaust tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 décembre 2016 et les requêtes de la société Distribution Casino France tendant à l'annulation de cette même décision et de la décision du 10 janvier 2019. La société Distribution Casino France se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il lui fait grief.

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. / Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015. Toutefois, lorsqu'à la suite d'une annulation contentieuse d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial antérieure au 15 février 2015, celle-ci statue à nouveau sur la demande d'autorisation commerciale dont elle se retrouve saisie du fait de cette annulation, l'acte par lequel elle se prononce sur le projet d'équipement commercial a le caractère d'une décision, susceptible de recours pour excès de pouvoir, et non d'un avis, à la condition qu'il n'ait été apporté au projet aucune modification substantielle au regard des règles dont la Commission nationale d'aménagement commercial doit faire application. Il en va ainsi même si la Commission nationale d'aménagement commercial se prononce à nouveau après le 15 février 2015.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 4 juin 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée sur le projet d'équipement commercial présenté par la société Les Peupliers et qu'à la suite de l'annulation de sa décision de refus par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juin 2016 cité au point 1, elle s'est de nouveau prononcée sur le projet par une décision du 22 décembre 2016. Toutefois, par une décision du 26 septembre 2018, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt, l'a partiellement annulé et a enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer le recours de la société Distribution Casino France. Par une nouvelle décision du 10 janvier 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et accordé à la société Les Peupliers l'autorisation de créer un ensemble commercial, dont la surface, par rapport au projet dont la commission avait initialement été saisie, a été portée de 1529 m2 à 1536 m2. Il résulte de ce qui est dit au point 2 que, alors qu'il n'avait été apporté au projet aucune modification substantielle, les actes par lesquels la Commission nationale d'aménagement commercial a statué à nouveau sur la demande d'autorisation de la société Les Peupliers les 22 décembre 2016 et 10 janvier 2019 après l'annulation contentieuse de sa décision du 4 juin 2014, présentent le caractère, non d'avis préparatoires à la décision de l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, mais de décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit qu'en jugeant que ces actes revêtent le caractère d'avis, pour en déduire que l'avis du 10 janvier 2019 était insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et qu'il n'y avait pas lieu, par voie de conséquence, de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'acte du 22 décembre 2016 de la Commission nationale d'aménagement commercial, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de droit. Son arrêt doit donc être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat d'une part, de la société Les Peupliers d'autre part, la somme de 1 500 euros chacun à verser à la société Distribution Casino France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Distribution Casino France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 novembre 2019, son article 2 en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur la requête de la société Distribution Casino France enregistrée sous le n° 17BX00904 et son article 3 en tant qu'il met à la charge de la société Distribution Casino France la somme de 1 500 euros à verser à la société Les Peupliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont annulés.

Article 2 : L'affaire est dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat et la société Les Peupliers verseront chacun la somme de 1 500 euros à la société Distribution Casino France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Les Peupliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Distribution Casino France, à la société Les Peupliers et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 437816
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2022, n° 437816
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:437816.20220614
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