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01/06/2022 | FRANCE | N°458362

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 01 juin 2022, 458362


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2021 et 21 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a prononcé à son encontre une mesure de suspension d'une durée de six mois, sans privation de traitement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

-...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2021 et 21 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a prononcé à son encontre une mesure de suspension d'une durée de six mois, sans privation de traitement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2007- 658 du 2 mai 2007 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 ;

- le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 ;

- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'université d'Evry-Val-d'Essonne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 mai 2022, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un professeur des universités sur le fondement de ces dispositions revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 13 septembre 2021, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, agissant par délégation de la ministre chargée de l'enseignement supérieur en application de l'article L. 951-3 du code de l'éducation et de l'article 2 de l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, a suspendu pour une durée de six mois, sans privation de traitement, M. A... B..., professeur des universités enseignant au sein de cet établissement, après avoir engagé à son encontre une procédure disciplinaire, au motif qu'il a cumulé, sans autorisation, son activité d'enseignant chercheur au sein de l'université d'Evry-Val-d'Essonne avec des activités auprès de l'entreprise Fitch et de l'université de Perpignan, et au motif de carences graves et répétées dans le cadre de son encadrement pédagogique de filières, résultant de ce cumul d'activités non autorisé. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision de suspension.

3. D'une part, aux termes de l'article 8 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les enseignants chercheurs doivent la totalité de leur temps de service à la réalisation des différentes activités qu'impliquent leurs fonctions. / En matière de cumul d'activité, ils sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires applicables à l'ensemble des agents de la fonction publique, notamment au statut général des fonctionnaires et au décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers d'établissements industriels de l'Etat (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. - Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article (...) / II. - Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative : (...) / 2° Lorsque le fonctionnaire, ou l'agent dont le contrat est soumis au code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail (...). ". Aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers d'établissements industriels de l'Etat dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce jusqu'au 28 janvier 2017 : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire (...) avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 4, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : / 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; / 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. / Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires. ". En vertu des articles 7 à 9 du décret du 27 janvier 2017 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, dont les dispositions ont été reprises respectivement aux articles 12 et 13 du décret du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, ces dispositions étant successivement applicables aux faits de l'espèce à compter du 29 janvier 2017, le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée dans ce même décret avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé, qui adresse une demande écrite avec les informations nécessaires, identiques à celles déjà prévues par le décret de 2007, à l'autorité dont il relève et qui lui en accuse réception. Cette autorité notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, ou dans un délai de deux mois si l'intéressé a été invité à compléter sa demande. En l'absence de décision expresse écrite dans ces délais de réponse, la demande d'autorisation d'exercer l'activité accessoire est réputée rejetée.

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision de suspension attaquée qu'elle repose sur des faits, présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, tirés du cumul d'activités exercées par M. B... à des fins lucratives et sans autorisation, et des carences graves et répétées dans le cadre de son encadrement pédagogique de filières, résultant de ce cumul d'activités non autorisé. Par suite, le moyen tiré de ce que la motivation de la décision attaquée serait insuffisante doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a exercé une activité privée lucrative pour le compte de la société Fitch à compter de son affectation à l'université d'Evry-Val-d'Essonne le 1er septembre 2009 et jusqu'au 31 août 2021, qu'il exerce également une activité rémunérée d'enseignement et de recherche à l'université de Perpignan et qu'il ne justifie pas avoir disposé d'une autorisation écrite de cumul de ces deux activités avec son activité principale, délivrée par son employeur en application des dispositions citées au point 4. A cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, l'exercice, pour la période postérieure au 1er septembre 2019, de son activité d'enseignant-chercheur à temps partiel ne lui permettait pas de bénéficier de la dérogation à l'obligation d'autorisation de cumul d'activités, prévue pour les seuls fonctionnaires occupant un emploi à temps non complet ou incomplet. Il ressort également des pièces du dossier que, du fait du cumul d'activités de M. B..., celui-ci n'accomplissait pas une partie des activités d'enseignement et des actions d'encadrement pédagogique et administratif relevant de son service au sein de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, à l'origine de carences graves et répétées dans l'encadrement pédagogique et administratif des filières dont il avait la responsabilité et dans l'accomplissement des enseignements qui lui étaient confiés, affectant le fonctionnement du service public universitaire. Ces agissements de nature à désorganiser le fonctionnement du service public universitaire, qui ne sont pas limités à la période où M. B... indique avoir été souffrant, ont persisté au début de l'année universitaire 2021-2022, le requérant ayant continué à ne pas assurer l'ensemble de ses activités d'enseignement à l'université d'Evry-Val-d'Essonne malgré la cessation de l'activité exercée pour le compte de l'entreprise Fitch. Par suite, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne n'a pas commis d'erreur de droit ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation en estimant que ces faits présentaient un caractère de vraisemblance et un degré de gravité justifiant de prononcer, à compter du 13 septembre 2021, pour une durée de six mois, l'éloignement de M. B... du service public universitaire à titre conservatoire.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de six mois sans privation de traitement.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. La décision en litige ayant été prise au nom de l'Etat, l'université d'Evry-Val-d'Essonne n'a pas la qualité de partie en défense dans la présente instance. Sa présence en qualité d'observateur ne lui confère pas davantage la qualité de partie, dès lors qu'elle n'aurait pas eu, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce-opposition de la présente décision. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université d'Evry-Val-d'Essonne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l'université d'Evry-Val-d'Essonne.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mai 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat ; M. Edouard Solier, maître des requêtes et Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Fraval

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 458362
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2022, n° 458362
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458362.20220601
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